« Ce n’est pas une décision qu’il faut prendre à la légère, du jour au lendemain. C’est important de faire une planification fiscale et financière au moins un an à l’avance, sinon on risque d’avoir de mauvaises surprises et le payer cher », prévient Mélanie Boivin, directrice fiscalité internationale, au cabinet d’experts-comptables Demers Beaulne.
Pour éviter d’avoir à réparer les pots cassés, Mélanie Boivin suggère à ses clients de faire un bilan de leurs avoirs. « Ça leur permet d’avoir un meilleur portrait des fonds disponibles et de mieux connaître les impacts fiscaux », souligne-t-elle.
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Le bilan permettra ainsi aux retraités migrateurs de mieux déterminer leurs besoins monétaires réels et les actifs qu’ils pourront utiliser en priorité. « Les gens quittent et veulent tout sortir parce qu’ils préfèrent avoir leurs fonds près d’eux. Mais ce n’est pas nécessaire. Il faut adopter une stratégie de sortie de fonds qui minimise les impacts financiers, qu’on demeure résident canadien ou non », conseille-t-elle.
Le statut de résidence
Les retraités québécois qui mettent le cap vers l’étranger s’installent principalement aux États-Unis, en particulier en Floride. Cet État américain « a toujours attiré un grand nombre de snowbirds québécois qui ont aussi été motivé ces dernières années par la crise immobilière », constate Marcel Racicot, associé principal de la firme d’avocats Racicot & Associés.
Or, la faiblesse du dollar canadien et l’élection de Donald Trump ne devraient pas changer leurs habitudes. « Pour ceux qui ont bâti un bon patrimoine et qui rêvent à ce jour depuis longtemps, le taux de change ne leur fera pas changer d’avis », estime Marcel Racicot, qui préside aussi la Chambre de Commerce Québec-Floride.
L’arrivée du nouveau président, dont les propos ou les gestes sur les immigrants et les femmes ont soulevé la controverse, ne devrait pas non plus freiner cet élan. « Il veut baisser les impôts, qui sont quand même plus élevés au Québec, et abolir les droits successoraux. Ce qui pourrait être très attrayant pour des personnes à la retraite », fait valoir Mélanie Boivin, qui constate un engouement pour d’autres régions américaines, notamment la Californie et New York, et même des pays européens comme la France, l’Espagne ou le Portugal.
Dans tous les cas, les retraités devront déterminer leur statut de résidence, puisque cette décision aura une incidence fiscale importante. « D’emblée, certains disent ne plus vouloir habiter ici et veulent renoncer à leur statut de résident. Mais ils veulent garder leur maison pour revenir à l’occasion. Ils risquent de se retrouver avec deux résidences fiscales », explique Mélanie Boivin.
Car, en devenant résident d’un nouveau pays d’accueil, un retraité n’est toutefois pas automatiquement un non-résident du Canada. « Il faut couper les liens économiques », indique Marcel Racicot, précisant que les preuves de résidence sont fondées principalement sur la possession d’un bien immobilier.
D’autres éléments, comme les comptes bancaires et les cartes de crédit, le permis de conduire, l’adhésion à un régime d’assurance maladie ou encore le temps passé au Canada sont aussi pris en considération. « Ce sont des faits secondaires qui peuvent jouer sur le statut de résidence », dit Mélanie Boivin qui suggère de demander un avis légal de l’Agence du revenu du Canada et de Revenu Québec pour s’en assurer. Mais cette démarche « peut prendre jusqu’à un an. D’où l’importance de se préparer à l’avance », rappelle-t-elle.
Conventions fiscales et impôt de départ
S’il reste résident fiscal canadien, le retraité devra payer des impôts au Canada sur ses revenus mondiaux. S’il devient un non-résident du Canada et un résident des États-Unis, par exemple, ses revenus de source canadienne seront imposables au Canada, et ceux de source mondiale, chez nos voisins du sud.
Les retraités qui choisissent de vivre à l’étranger ont d’ailleurs intérêt à privilégier des pays qui ont signé des conventions fiscales avec le Canada. « S’il n’y a pas de convention fiscale, une personne risque d’être imposée dans les deux pays », prévient Mélanie Boivin. Ces conventions, signées entre le Canada et quelque 90 pays, permettent en effet d’éviter la double imposition sur des revenus.
Elles permettent aussi de réduire l’impôt sur les prestations de retraite ou encore sur les intérêts, les dividendes et les redevances payés. Un non-résident continue en effet à recevoir des prestations de retraite du Régime des rentes du Québec et de la Sécurité de la vieillesse. Toutefois, « il y aura une retenue d’impôt maximale de 25 % sur ces revenus et les autres revenus comme les pensions de régimes privés », dit Marcel Racicot.
Et le CELI ? Ce véhicule d’épargne « est un abri fiscal propre au Canada qui n’est pas reconnu dans les conventions fiscales. Aux États-Unis, c’est considéré comme une fiducie. C’est préférable de le fermer ou de transférer l’argent dans un REER si on a l’espace nécessaire », suggère Mélanie Boivin.
La décision de renoncer à son statut de résident canadien est-elle avantageuse financièrement ? « Il y a des pays où la fiscalité est plus attrayante. Mais d’autres, comme le Royaume-Uni, la France ou les pays scandinaves, ont des taux d’imposition aussi élevés sinon plus qu’au Canada. Mais il ne fait pas juste regarder les taux d’imposition. La retraite à l’étranger, c’est aussi un choix qualitatif », souligne Mélanie Boivin.
Le non-résident devra toutefois acquitter un impôt de départ. Au moment de partir, un contribuable est présumé avoir vendu tous ses biens à sa juste valeur marchande. Or, « la facture peut être salée », indique Mélanie Boivin, précisant qu’une bonne planification financière et fiscale permettra de la réduire.
Par ailleurs, au moment de leur décès, « les individus possédant des biens aux États-Unis, tels que des résidences ou des actions américaines, peuvent faire face à l’imposition d’importants droits successoraux américains », note Marcel Racicot.
L’assurance d’être…assuré
Enfin, pour certains, la perte de la couverture du régime québécois d’assurance maladie constitue souvent une raison pour conserver son statut de résident canadien. Pour être couverte par la carte-soleil, toute personne établie au Québec doit totaliser moins de 183 jours d’absence entre le 1er janvier et 31 décembre.
« C’est une des questions qui est le plus souvent soulevée. Pour certains, c’est insécurisant de perdre ce privilège », constate Mélanie Boivin. Mais, même si l’assurance-maladie est gratuite, les contribuables paient les services offerts par le biais des impôts. Or, le coût pour une couverture médicale privée peut être absorbé par l’économie d’impôt qu’un retraité peut réaliser en déménageant dans certains pays étrangers.
De toutes manières, il est toujours recommandé de se procurer une assurance privée lors d’un séjour hors du Québec. En effet, la Régie de l’assurance maladie du Québec ne rembourse pas la totalité des services de santé reçus à l’extérieur du Québec, et certains services ne sont pas couverts.