Une stratégie complexe ajoute d’autres critères de sélection à un portefeuille. Par exemple, on établit un modèle de prévision pour chaque titre et on fixe des seuils de corrélation entre les titres. À cela, on pourra ajouter l’achat ou la vente d’options dans une tentative de freiner toute baisse éventuelle du portefeuille.
«Bien souvent, le rendement d’une telle stratégie aura tendance à être inférieur à celui d’une simple approche équipondérée», affirme Jason Hsu.
De moins bonnes prises
Ainsi, le recours aux solutions complexes semble peu justifié.
«Nous avons relevé que les stratégies simples à faible rotation de titres et les stratégies complexes à haute rotation donnent des résultats équivalents avant d’en extraire les frais, écrit Jason Hsu. Cela suggère que sur une base nette de frais, les stratégies à faible rotation auront probablement un avantage.»
Alors, pourquoi recourir à la complexité si la simplicité donne d’aussi bons résultats ? Les gestionnaires d’actif ont tendance à croire qu’exiger de plus hauts honoraires nécessite de recourir à des stratégies plus complexes, explique Jason Hsu.
Quant aux épargnants, plusieurs d’entre eux jugent que pour battre les marchés, ils doivent utiliser des stratégies plus compliquées. Après tout, les marchés sont comme les océans : mystérieux, imprévisibles et complexes. Y pêcher avec une simple perche et un hameçon sans appât ne fait sans doute pas le poids à côté d’une approche qui privilégie des systèmes sophistiqués avec hameçons multiples, une vitesse variable du bateau de pêche et une étude approfondie des flux migratoires de poissons…
«Mais je peux vous dire qu’une telle stratégie mènerait probablement à de moins bonnes prises», affirme Jason Hsu.
Par ailleurs, les approches complexes semblent être synonymes de transactions plus nombreuses, de frais de gestion plus élevés et de rendements potentiellement moindres, ajoute-t-il.
Frais non justifiés
«La recherche montre que c’est dans la simplicité qu’on trouve les plus hauts rendements», remarque aussi William André Nadeau, vice-président de Tactex Gestion d’actifs.
Ce gestionnaire de portefeuille aime faire une distinction entre gestion classique et gestion de couverture.
La première approche privilégie les critères de sélection peu nombreux, une fréquence de transactions plus faible, et par conséquent, des frais moins élevés. La deuxième a recours aux manoeuvres plus compliquées liées aux opérations de couverture et à la vente à découvert, elle multiplie les transactions, est informatisée et vise le plus court terme. «Elle est plus proche du trading», souligne-t-il.
Et chose certaine, la gestion de couverture ne justifie absolument pas sa rémunération qui, en général, était fixée à 2 % de l’actif sous gestion et à 20 % du rendement, ajoute le vice-président de Tactex.
D’ailleurs, ces frais tendent à diminuer : de plus en plus de gestionnaires utilisant l’approche de couverture ne demandent plus que 1 % de l’actif et 10 % du rendement. Autrement dit, «bien des produits ne sont là que pour justifier une rémunération plus élevée», soutient William André Nadeau.
La clé comportementale
Bien que la simplicité et la complexité s’en tirent à peu près également au fil d’arrivée, Jason Hsu privilégie la gestion simple pour des raisons comportementales.
Une approche complexe peut mener plus facilement l’épargnant à se déresponsabiliser à l’égard de son portefeuille et, du coup, à migrer de gestionnaire en gestionnaire. Si les rendements sont insatisfaisants, ce sera la faute de quelqu’un d’autre et il sera plus facile de le «congédier».
Or, note Jason Hsu, «notre recherche montre que le recrutement et le congédiement fréquent de gestionnaires pour des résultats à court terme sont la cause première de la sous-performance des épargnants».
D’où l’avantage de la simplicité. Parce qu’il comprend bien la stratégie, le client assume une responsabilité quand son portefeuille va plus mal et reste solidaire de son gestionnaire. Ce dernier peut alors se concentrer davantage sur sa fonction de conseil.
Pas impressionné
Notons que certains sont assez sceptiques à l’égard de l’étude de Research Affiliates. «Ce n’est pas une étude qui m’impressionne beaucoup,» dit Fabien Major, associé principal de Major Gestion privée/Assante, à Montréal. Il doute que l’industrie financière privilégie la complexité.
Selon lui, l’étude s’en tient à des généralités et ne tient pas compte d’une dimension cruciale dans un portefeuille : sa partie «active» de titres qui échappent à leur indice de référence.
Plus de 60 % des fonds communs au Canada se prétendent à gestion active – peu importe que celle-ci soit simple ou complexe – mais sont en fait des fonds indiciels qui ne disent pas leur nom, juge Fabien Major. «Une étude qui ne fait pas référence à ce phénomène perd de la crédibilité», tranche-t-il.
Cela dit, Fabien Major reconnaît que «la gestion simple peut avoir d’aussi bons résultats que la gestion complexe».