Lorsque cette police était donnée en garantie collatérale d’un emprunt, le taux de rendement des placements dans la police était garanti à 8 %.
Le rendement s’accumulait à l’abri de l’impôt dans le contrat, puisqu’il s’agissait d’une police exonérée. Le taux d’intérêt de l’emprunt était quant à lui fixé à 10 %, d’où le nom de la stratégie.
Puisque les sommes empruntées avec la police donnée en garantie servaient à faire du placement ou à gagner un revenu d’entreprise, les intérêts payés sur l’emprunt étaient déductibles d’impôt en totalité au fédéral et limités aux revenus de placement au Québec.
Ainsi, lorsqu’un client imposé à un taux combiné fédéral-provincial de 49,97 % payait un taux d’intérêt de 10 % sur son emprunt, il voyait son coût réel d’emprunt baisser à 5,1 %. En raison de la déductibilité des intérêts, cette stratégie fiscale était avantageuse pour certains clients.
Or, le ministère des Finances du Canada a mis fin brusquement aux avantages des arrangements 10-8 dans le budget du 21 mars dernier, n’accordant alors aucune mesure de «grandpérisation». Le plan budgétaire comprenait une période de transition jusqu’au 31 décembre 2013 pour trouver des solutions à l’application de ces nouvelles règles.
Grâce à la période de transition allouée par les autorités fiscales, les intérêts sur les emprunts dans le cadre de cet arrangement demeurent déductibles d’impôt pour l’année 2013.
De plus, pour aider les clients à mettre un terme à cette stratégie, le budget fédéral prévoyait une autre mesure, soit la permission de retirer sans impact fiscal les sommes investies dans une police 10-8 pour rembourser l’emprunt d’ici le 31 décembre 2013.
Généralement, lorsque les valeurs dans une police excèdent le coût de base rajusté (CBR), l’excédent est imposable comme un revenu. Cependant, tel que promis, le nouveau paragraphe 148(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) fait en sorte qu’un retrait des sommes d’une police se fera sans conséquences fiscales dans le but de mettre fin à un 10-8.
En octobre dernier, on apprenait qu’un délai de grâce de trois mois (précisément jusqu’au 31 mars 2014) était alloué pour l’utilisation du cette mesure fiscale.
Solutions
Bien qu’on puisse retirer des sommes investies dans la police pour mettre fin à un 10-8, ce n’est pas l’unique solution, et cela pourrait ne pas être non plus la solution la plus avantageuse financièrement.
Il est important de souligner que d’ici la fin de l’année, une police ne devrait plus se qualifier de 10-8, car malgré le délai d’extension proposé pour l’utilisation de l’alinéa 148(5) LIR, les autres avantages fiscaux relatifs aux 10-8 cesseront le 31 décembre prochain.
Conséquemment, dès le 1er janvier 2014, les intérêts sur les emprunts dans les 10-8 ne seront plus déductibles d’impôt, le coût net d’assurance pure (CNAP) ne sera plus déductible et l’excédent du capital décès qui était créé par le fonds d’accumulation de la police qualifiée de 10-8 ne sera plus crédité dans le compte de dividendes en capital (CDC) pour les sociétés.
Il faut y voir, parce qu’il n’y a plus d’avantage à conserver ce programme tel quel pour les détenteurs, et l’inaction pourrait être lourde de conséquences !
Prenons l’exemple de l’entrepreneur qui a un arrangement 10-8 dans l’une de ses sociétés par actions. S’il décédait au début de 2014, il perdrait le crédit à son CDC d’un montant égal au fonds d’accumulation de la police, avant d’avoir mis fin à son arrangement 10-8.
Perdre le crédit au CDC revient à toucher un dividende imposable !
Aux yeux du fisc, une police 10-8 existe lorsque le taux crédité est déterminé en fonction du taux d’emprunt et qu’un titulaire n’obtiendrait pas ce taux crédité s’il n’y avait pas d’emprunt.
Donc, une police dans laquelle les titulaires peuvent investir dans tous les comptes de placement sans être obligés d’emprunter serait conforme.
Cette définition claire fournie par les autorités fiscales permet donc encore l’utilisation d’une police d’assurance vie pour obtenir un emprunt. Cependant, la police doit être une police conforme, et non pas une «police 10-8» telle que définie par la nouvelle législation, et elle doit respecter les nouvelles mesures annoncées qui seront en vigueur dès janvier.
Ainsi, outre le rachat de sommes investies dans une police sans conséquences fiscales d’ici avril prochain, il existe principalement deux autres façons de faire pour rendre conforme un 10-8.
Le remboursement de l’emprunt est la première de ces options. Ainsi, si le client a des liquidités disponibles, le prêt peut simplement être remboursé. La police reste en place, et le titulaire continue de payer les primes afin de la maintenir en vigueur. Le compte de placement dans la police qui était à 8 % sera transféré dans des outils de placement disponibles de la police selon son choix.
La seconde option est tout simplement de défaire les liens entre la police et l’emprunt. Un prêt renégocié au taux du marché serait acceptable. Dans un tel cas, les intérêts de l’emprunt resteraient déductibles si les sommes empruntées sont utilisées pour obtenir un revenu d’entreprise ou de biens tel que le précise l’alinéa 20(1)c) de la LIR.
Cela dit, malgré ces nouvelles mesures, les polices d’assurance vie demeurent un produit fabuleux qui génère des liquidités lors d’un décès, aidant les héritiers à assumer les conséquences tant financières que fiscales du décès d’un de leurs proches…
Suggérer à nos clients de souscrire adéquatement aux bons produits d’assurance vie tout en respectant les lois fait partie intégrante de toute bonne planification financière, fiscale et successorale.
*Pl. Fin., D. Fisc., TEP, vice-présidente, Planification fiscale et successorale, Richardson GMP Limitée