Jusqu’à récemment, le commerce des cryptomonnaies était essentiellement le Far West pour les investisseurs. Bien qu’il soit encore loin d’être apprivoisé, les organismes de réglementation canadiens commencent à s’attaquer à ce secteur naissant.
L’année dernière à la même époque, il n’y avait pratiquement aucune activité cryptographique réglementée au Canada. Au cours des 12 derniers mois, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (CVMO) a approuvé plusieurs fonds négociés en Bourse (FNB) qui investissent dans la cryptomonnaie et deux plateformes de négociation ont été placées sous la tente réglementaire (Wealthsimple Digital Assets et Coinberry), et de nombreuses autres sont en discussion pour les suivre.
Dans le même temps, la CVMO a engagé quatre procédures d’exécution à l’encontre de sociétés de cryptomonnaies étrangères qui, selon elle, ont violé les règles relatives aux valeurs mobilières en effectuant des transactions sans être enregistrées, après que l’organisme de réglementation ait explicitement averti les sociétés qu’elles devaient le faire.
Fin septembre, les autorités de réglementation ont fait un pas de plus vers la mise au pas du secteur de la cryptographie.
Dans un avis conjoint, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) ont défini des orientations sur les activités de marketing susceptibles de mettre les plateformes de cryptomonnaies en porte-à-faux avec les autorités de réglementation. L’avis met en évidence les violations possibles, comme le fait de faire des déclarations fausses ou trompeuses, d’utiliser des tactiques promotionnelles qui encouragent les transactions risquées ou excessives, et de ne pas superviser l’utilisation des médias sociaux pour communiquer avec les clients et le grand public.
Les lignes directrices mettent en garde les entreprises contre le fait de se vanter d’être la source « la moins chère » ou « la meilleure » pour le bitcoin ou de prétendre être la « première Bourse » du secteur sans preuves à l’appui de ces affirmations. L’avertissement contre les déclarations en ligne sans fondement pourrait être une secousse dans un secteur où le battage médiatique et l’esbroufe sont nombreux.
Le secteur de la cryptomonnaie est connu pour ses fausses déclarations sur le volume des échanges. Une étude réalisée en 2019 par Bitwise Asset Management, un fournisseur de fonds et d’indices cryptographiques, affirmait que 95 % du volume des cryptomonnaies n’était pas authentique.
L’année dernière, la CVMO a réglé un cas d’application de la loi contre la société de cryptomonnaie, Coinsquare, et un couple de ses dirigeants qui ont admis avoir truqué environ 90 % de son volume par le biais d’opérations de lavage conçues pour améliorer son classement sur des sites Web tiers.
Le secteur a également connu sa part de scandales, notamment l’effondrement de QuadrigaCX, une importante plateforme de négociation canadienne qui, selon la CVMO, était en fait une combine à la Ponzi.
Aujourd’hui, alors que les entreprises de cryptomonnaies sont confrontées au fait qu’elles devront probablement s’enregistrer et être réglementées, les avertissements concernant leurs pratiques commerciales sont plus significatifs.
L’avis des ACVM et de l’OCRCVM prévient que le respect des règles de commercialisation peut être soulevé lors des examens de conformité des sociétés inscrites ou dans le cadre du processus de demande d’inscription des sociétés.
Selon la directrice des affaires publiques de la CVMO, Kristen Rose, la CVMO est en pourparlers d’inscription avec 15 plateformes : huit ont soumis des demandes et sept sont en « discussions actives » avec l’organisme de réglementation.
Le nombre d’entreprises cherchant à s’inscrire pourrait continuer à augmenter. Après l’avertissement lancé par la CVMO au secteur en mars, qui donnait aux entreprises de commerce de cryptomonnaies jusqu’au 19 avril pour prendre contact avec elles au sujet de l’enregistrement, sous peine d’éventuelles mesures d’exécution, l’organisme de réglementation a indiqué que plus de 70 plateformes l’avaient contacté.
Les entreprises qui tentent d’obtenir un enregistrement sont peut-être les plus préoccupées par le respect de la ligne de commercialisation. Mais l’avis des ACVM et de l’OCRCVM prévient également que les plateformes (y compris les plateformes étrangères non enregistrées utilisées par des clients canadiens) pourraient faire l’objet de mesures d’exécution pour avoir enfreint ces règles.
Quatre sociétés de cryptomonnaies étrangères font déjà l’objet de mesures d’exécution de la part de la CVMO. L’organisme de réglementation allègue que, bien que les plateformes soient censées permettre aux investisseurs de négocier des cryptoactifs, ces derniers ne détiennent ni ne contrôlent en réalité aucun cryptoactif. L’organisme de réglementation allègue plutôt que les plateformes offrent aux investisseurs la possibilité de négocier des instruments (ou des contrats) liés aux cryptoactifs, ce qui équivaut à négocier des titres (ou des produits dérivés). Sans enregistrement, la CVMO soutient qu’il s’agit d’une violation de la législation sur les valeurs mobilières.
Aucun de ces cas d’application de la loi n’a été prouvé lors d’une audience. Trois entreprises feront l’objet d’audiences préliminaires à la fin du mois et l’autre en janvier. À ce moment-là, le secteur aura une meilleure idée de la capacité de l’organisme de réglementation à faire valoir ses allégations – et du type de pénalités qui seront imposées si les affaires aboutissent.
Bien que les organismes de réglementation canadiens semblent faire des progrès tant sur le plan des politiques que sur celui de l’application de la loi, il est difficile de juger de l’impact de ces efforts. Les quatre sociétés offshores qui font l’objet de mesures coercitives et les 15 plateformes qui cherchent à se faire enregistrer ne représentent qu’une petite partie des centaines de plateformes de cryptomonnaies qui opèrent en ligne.
La société de données sur le secteur des cryptomonnaies CoinMarketCap OpCo (CMC) classe plus de 300 plateformes de cryptomonnaies en fonction de leur trafic sur Internet, de leur liquidité et de leur volume d’échanges (ainsi que de sa confiance dans la légitimité du volume déclaré, compte tenu de l’historique du secteur). Les quatre plateformes qui font l’objet de mesures d’exécution de la CVMO se classent toutes parmi les 20 premières.
« Il est vraiment difficile de connaître l’impact total des efforts des ACVM, en particulier sur les cryptomonnaies à l’extérieur du Canada. Mais ce problème de mesure de l’impact n’est pas propre aux cryptomonnaies », assure Jean-Paul Bureaud, directeur exécutif de la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada).
« Je dirais que l’approche semble avoir un certain impact, étant donné qu’un certain nombre d’entre eux se sont présentés pour s’inscrire et travaillent actuellement avec les membres de l’ACVM pour répondre aux exigences réglementaires, a-t-il déclaré. Bien qu’il y ait des défis et des limites à ce que les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) peuvent faire, l’alternative de ne rien faire est tout simplement inacceptable. »