Un homme de bilan et de société : voilà qui caractérise la carrière, alliant l’économique et le social, de celui qui dirige BMO au Québec depuis septembre 1999.
«J’ai presque touché à tous les secteurs de l’industrie», souligne L. Jacques Ménard, qui a été à la tête d’une longue liste d’organisations de l’industrie des valeurs mobilières, dont la Bourse de Montréal (1984-1986) et l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM).
C’est d’ailleurs lors de son passage à la Bourse de Montréal, à titre de président du conseil d’administration, que celle-ci s’est spécialisée dans les produits dérivés.
«Pierre Lortie [président de la Bourse de Montréal de 1980 à 1985] et moi avions décidé de brasser la cage à l’époque, et nous nous sommes lancés dans le secteur des options, sur devises et sur monnaies, remarque-t-il. Cette tradition en produits dérivés est devenue la mission de base de la Bourse.»
Durant quatre décennies, il a eu la chance de participer à plusieurs moments importants de son industrie, y compris la discussion sur la différenciation entre la mission associative et de régulateur de l’ACCOVAM, alors qu’il en était président du conseil, en 2000-2001.
«Déjà à l’époque, nous avions parlé de scinder les deux rôles pour que notre rôle de régulateur et de lobbyiste pour l’industrie soit distinct», se rappelle celui dont le père a été l’un des deux premiers directeurs d’une succursale bancaire de RBC, à la Place Ville-Marie, qui était alors le siège social de la banque.
Sa présence dans les moments clés ont fait de lui un incontournable de l’industrie des valeurs mobilières au Canada.
«C’est un homme de parole pragmatique et un stratège qui atteint sa finalité. Sur le plan personnel, c’est un homme qui écoute, et en plus, un vrai gentleman !» souligne Carmen Crépin, ex-vice-présidente pour le Québec de l’ACCOVAM et par la suite, vice-présidente pour le Québec de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières.
Pour L. Jacques Ménard, l’implication dans des organisations liées à l’industrie financière est cohérente avec son mandat de leadership.
«J’étais amené à essayer d’influencer les politiques publiques par l’intermédiaire du rôle que je jouais.»
En soutien aux PME
«J’ai toujours oeuvré dans des sociétés qui sont tombées dans le giron de la Banque de Montréal, dit-il. Techniquement, ça signifie que j’y travaille depuis 1970, soit à ma sortie de l’université.»
En 1994, le courtier en valeurs mobilières indépendant Burns Fry, pour lequel il travaillait fusionne avec Nesbitt Thomson, créant BMO Nesbitt Burns.
«Nous avons été le dernier courtier en valeurs mobilières à l’époque à vendre aux « méchantes » banques», rappelle-t-il.
Il codirige le nouveau groupe jusqu’en avril 2001, date à laquelle il devient président du conseil d’administration de BMO Nesbitt Burns. À l’automne 1999, il obtient la responsabilité de diriger le Groupe financier BMO au Québec.
Pour BMO, la place du marché québécois est significative et représente près de 10 % du total des employés.
Selon L. Jacques Ménard, c’est dans le secteur des petites et moyennes entreprises que la banque s’est démarquée au Québec. Il mentionne en exemple le fait qu’il ait permis à des sociétés comme Rona et Groupe Métro-Richelieu de devenir des entreprises publiques.
«Nous avons réussi à monter un des cabinets les plus respectés sur le plan de la qualité et de l’envergure de sa clientèle», souligne-t-il.
Bien que BMO ne divulgue pas ses données par province, son président soutient que sur le plan du marché des capitaux, «c’est [au Québec] que la part de marché de BMO a été la plus importante pendant longtemps, en particulier du côté des fusions et acquisitions».
En gestion de patrimoine, L. Jacques Ménard est particulièrement fier de la contribution de Nesbitt Burns à la profitabilité totale de BMO, qu’il juge équivalente au tiers des bénéfices totaux. Des résultats attribués à la stratégie et aux acquisitions faites aux États-Unis, et plus particulièrement dans le Midwest.
«Notre acquisition de Marshall & Ilsley, au Wisconsin, a doublé notre présence aux États-Unis. La contribution de nos exploitations américaines aux bénéfices est de l’ordre de 25 %. Entre le moment où je suis arrivé et maintenant, ça a beaucoup évolué», explique L. Jacques Ménard.
Dans la stratégie qu’il déploie, deux piliers reviennent : la capacité d’attirer des talents et la force d’une institution déployée à l’international.
«Notre défi, c’est d’attirer les meilleurs talents possible, qui peuvent vivre dans un environnement très volatil, dit-il. Étant donné la quantité d’informations que reçoivent les clients, nous devons distiller le tout et les résumer pour leur offrir des conseils cohérents et utiles.»
Pour lui, l’acquisition de talents est le nerf de la guerre pour se maintenir et gagner des parts de marché.
«La lutte va se gagner avec des talents. Oui, nous avons besoin de capital et de technologies [de pointe], mais tout ça gravite autour des talents qu’on recrute.»
L’environnement de travail qu’il met de l’avant pour attirer ce type de personne implique une expérience stimulante entourée de gens inspirants.
«Le gros de mon travail ici, ça a été de recruter, de motiver et de mentorer les équipes», soutient celui qui a réussi à attirer dans son équipe de direction plusieurs personnes, dont François Hudon, premier vice-président, direction du Québec.
De plus, BMO possède 37 différentes lignes d’affaires, et L. Jacques Ménard considère qu’elles ont toutes leurs places, chacune répondant à des besoins précis, sans entrer en concurrence.
«Nous n’essayons pas de forcer un client à être dans un créneau», explique-t-il.
Virage numérique nécessaire
«Nous allons devenir une banque sans papier plus tôt que tard», dit Jacques Ménard, qui soutient que 40 % des transactions sont faites en ligne à l’heure actuelle et que ce sera bientôt 50 %.
Le président de BMO au Québec est d’avis que non seulement, les firmes doivent amorcer le virage numérique, mais que ce dernier doit se faire avec une dimension humaine «qui est très forte, très poussée et très attentive».
Pour lui, la distribution sans représentants et les robots-conseillers sont des services supplémentaires qui répondent aux besoins d’un certain type de clientèle, particulièrement celle de la génération des millénaires.
«C’est à bien des égards des fonctionnalités auxquelles ils s’attendent, souligne-t-il. Si on ne les leur offre pas, ils iront ailleurs.»
Les dossiers plus complexes, qui font appel à des équipes de professionnels et ressemblent davantage aux services financiers traditionnels, existent toujours pour répondre aux besoins des clientèles plus fortunées.
«L’un n’exclut pas l’autre, mais je pense qu’il est important d’être capable de répondre aux besoins modernes des clients», dit-il.
Importante transparence
L. Jacques Ménard est un tenant de la transparence face aux services offerts par les institutions financières aux investisseurs.
«Ce qui est dans l’intérêt du client est toujours prioritaire et non négociable», affirme-t-il.
Il considère que les clients doivent être au fait des coûts réels qu’ils paient, s’inscrivant en droite ligne avec les nouvelles obligations de divulgation de la phase deux du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2).
Il reste que, selon lui, la plupart des conseillers et des professionnels de l’industrie du courtage de plein exercice travaillent dans cette optique. «À bien des égards, les meilleurs d’entre nous dispensent déjà leurs services dans ce sens-là», dit-il.
BMO a 200 ans
BMO fêtera ses 200 ans en novembre prochain. Le président au Québec croit que la longévité de la banque est implicitement liée à son ancrage dans les sociétés québécoise et canadienne.
«L’impact d’une institution comme la nôtre se mesure dans le temps, dans la façon dont on touche la vie des gens, au niveau de leurs ambitions tant financières que personnelles», explique-t-il.
D’ailleurs, sur le plan international, BMO fait plus de 60 M$ de dons par an.
L. Jacques Ménard a bien saisi cette manière d’être ancré dans sa communauté. Il est impossible de passer à côté de ses innombrables engagements dans des organismes socio-économiques et d’entreprises, lui qui y consacre 20 % de son temps.
La liste est longue, mais brièvement, il est actuellement administrateur de WestJet, de Claridge, de Stringray Digital, des Alouettes de Montréal et de l’Orchestre Symphonique de Montréal. Il préside aussi le conseil d’administration de Montréal International et est gouverneur du Conseil du patronat du Québec.
Ses diverses réalisations publiques lui ont valu de nombreuses distinctions, dont celle de Compagnon de l’Ordre du Canada depuis 2012, la plus haute distinction publique au pays.
«J’ai eu la chance de me livrer à des choses que j’aimais et grâce auxquelles je me réalisais», admet-il, candidement.