Ceci expliquant cela, il est temps de sous-pondérer le Canada, explique Stéphane Rochon, directeur général et chef de la recherche pour les portefeuillistes de BMO Nesbitt Burns. «Comme on pense que le supercycle des produits de base est derrière nous, c’est une mauvaise nouvelle pour le TSX, composé à 40 % des secteurs de l’énergie et des matériaux de base», dit-il.
La faiblesse de nombreux produits de base et du cuivre sont «particulièrement problématiques pour le marché canadien, étant donné que la progression du S&P/TSX a été fortement corrélée à celle des prix du cuivre au cours des dix dernières années», selon lui.
Dans ses recommandations, le responsable de la recherche sur la répartition d’actif dans les portefeuilles d’actions confirme ainsi qu’il est temps de «sortir du Canada».
Stéphane Rochon privilégie les actions : la hausse des taux a évidemment une incidence sur les rendements obligataires futurs, mais il y a aussi le fait que les titres boursiers proposent le meilleur ratio risque-rendement pour les prochaines années par rapport aux obligations gouvernementales, jugées «surévaluées».
Toutes les catégories d’actions – revenu, croissance, équilibrée, etc. – sont sous-pondérées par rapport à leur indice de référence, parfois de moitié, comme c’est le cas pour les actions qui visent la croissance dynamique.
Le raisonnement est le suivant : les titres de sociétés canadiennes ont «tellement bien performé pendant tellement longtemps que leurs évaluations deviennent moins intéressantes par rapport à ce qui se trouve ailleurs dans le monde», explique Vincent Lépine, vice-président chargé de la répartition globale de l’actif chez Investissements Renaissance.
Vincent Lépine soutient en outre que la prime risque-rendement payée sur les marchés européens et américains, par exemple, est inférieure à celle que l’on paie au Canada.
Mêmes échos à l’étranger
Ailleurs aussi, un consensus s’établit autour d’une baisse de régime sur les marchés canadiens. Dans sa dernière lettre trimestrielle, Shailesh Kshatriya, directeur de la recherche chez Investissements Russell Canada, expliquait avoir diminué ses attentes quant à la croissance moyenne des bénéfices par action sur le marché canadien.
Évaluée à 10 % au début de 2013, alors qu’elle était encore alimentée par le secteur financier canadien, cette prévision de croissance est maintenant estimée à 5 % d’ici la fin de 2013.
«En raison d’un aplatissement de la courbe des taux et du désendettement des ménages, nous pensons que la contribution du secteur financier ne pourra pas être aussi importante cette année. De plus, les données fondamentales entourant le pétrole brut canadien risquent de nuire au secteur de l’énergie», écrit Shailesh Kshatriya, qui abaisse ainsi ses prévisions de bénéfice par action de moitié, pour les situer à 5 % pour le marché canadien d’ici la fin de l’année.
Pour Stéphane Rochon, les États-Unis sont l’endroit de prédilection pour le cycle qui s’amorce. «Historiquement, à 15 fois les ratios cours/bénéfice futurs, les actions ne sont pas surévaluées» dans ce marché.
Plusieurs facteurs incitent en outre le spécialiste de la BMO à surpondérer le marché américain. D’abord, le marché immobilier est en pleine croissance. C’est également le cas de l’actif net des ménages, évalué maintenant à 70 000 G$, «un record», précise-t-il.
«À plus long terme aussi, nous assistons à la réindustrialisa- tion de l’Amérique. Cela est alimenté par le coût de la main-d’oeuvre en Chine, qui augmente et par le coût de l’énergie aux États-Unis, qui est un avantage structurel des Américains», poursuit-il. Voilà autant de facteurs qui militent pour que les investisseurs lorgnent du côté des américaines.
Une tendance à la baisse de la délocalisation fait également en sorte que le secteur industriel américain renouera vraisemblablement avec la croissance au cours des prochaines années. «L’avantage d’être plus proche de leur marché pour les entreprises» signalerait aussi que la création d’emplois semble sur une lancée aux États-Unis. L’indice manufacturier (ISM) montre une tendance positive à la hausse.
Aux États-Unis, les architectes et les ingénieurs prévoient une croissance soutenue de leurs activités au cours des cinq prochaines années, signalant une reprise des activités industrielles et de l’immobilier. Du côté des consommateurs, «la reprise du secteur automobile signale que la consommation revient en force», dit-il encore.
L’Europe est également dans les cartons de Stéphane Rochon : «la crise n’est pas finie, mais elle a été bien contenue», dit-il. Il a donc recommencé à recommander des actions européennes : «Si on attend trop les bonnes nouvelles, il sera trop tard», le marché anticipant les nouvelles de quelques trimestres.
Vincent Lépine est également d’avis que l’Europe recèle de bonnes occasions, dans le secteur financier notamment. «Les banques canadiennes continuent d’offrir de bons rendements, mais si j’adhère à la thèse voulant que les banques européennes aient tellement souffert qu’elles ne peuvent qu’aller mieux, du point de vue de la valorisation», c’est dans les banques européennes qu’il risque d’y avoir de bien meilleures occa-sions de rendements.