Une enquête du CFA Institute, basé à New York, révèle que seuls 20 % des contenus des influenceurs financiers qui partagent des conseils et des stratégies d’investissement sur les médias sociaux ou finfluencers contenant des recommandations d’investissement sont accompagnés d’une quelconque divulgation.
L’institut a récemment publié des recommandations politiques concernant la réglementation des finfluencers après avoir constaté que le taux de divulgation pour les contenus comprenant un lien d’affiliation était de 27 % et pour les contenus promotionnels de 53 %.
Le rapport du CFA Institute, qui a analysé des posts de finfluencers du monde entier, a révélé que les investisseurs de la génération Z prenaient conseil auprès de finfluencers en raison du coût pour accéder à un véritable conseiller en services financiers. Beaucoup ont également déclaré qu’ils se méfiaient des conseillers professionnels parce qu’ils pensent que ces derniers recommandent des produits pour recevoir une commission et n’agissent pas dans le meilleur intérêt de l’investisseur.
Pour leur part, les sociétés financières engagent des finfluencers pour atteindre les investisseurs âgés de 18 à 25 ans et leur proposer un contenu engageant et auquel ils peuvent s’identifier. Cependant, les faibles barrières à l’entrée peuvent également augmenter l’exposition à des conseils médiocres, souligne le CFA Institute.
Au Canada, « la majorité des personnes, je dirais même la part du lion des finfluencers, ne sont pas réglementées », remarque Samuel Lichtman, fondateur de Millen Wealth Advisors, basé à London, en Ontario. De nombreux finfluencers non réglementés partagent leur parcours personnel ou vendent des produits éducatifs, continue-t-il.
Samuel Lichtman, lui, est inscrit en tant que représentant en fonds communs de placement et a obtenu l’autorisation de publier sur les médias sociaux. Il compte plus de 90 000 adeptes sur Instagram, Facebook, TikTok, LinkedIn et Twitter.
Recommandations pour les régulateurs et les entreprises
Le rapport estime que les régulateurs devraient notifier les finfluencers sur les informations réglementaires requises pour certaines activités. Pour faire appliquer les règles, les régulateurs pourraient créer des rapports publics sur les plaintes concernant les finfluencers et émettre des avertissements à l’encontre des récidivistes.
Cependant, les régulateurs canadiens n’ont pas toujours la capacité de faire appliquer les règles auprès des personnes réglementées, souligne Samuel Lichtman.
Par exemple, certains agents d’assurance-vie ont publié sur les médias sociaux des messages suggérant de placer toutes leurs liquidités disponibles dans une police d’assurance-vie entière, en laissant entendre que la stratégie peut fonctionner quelle que soit la situation personnelle et sans révéler qu’ils sont susceptibles de toucher une commission substantielle.
« Il y a tellement de déchets sur le marché, affirme Samuel Lichtman. Il faut menacer les personnes qui commencent à proposer ces produits sans les accompagner de conseils et sans divulguer les conflits d’intérêts comme le veut l’application de la loi. Je pense qu’il s’agit là d’un problème majeur. »
L’année dernière, la Financial Conduct Authority du Royaume-Uni a proposé de nouvelles orientations sur l’utilisation des médias sociaux par le secteur et l’Autorité européenne des marchés financiers a entamé un processus de consultation sur les réformes réglementaires potentielles concernant l’utilisation des médias sociaux, des finfluencers et des techniques de gamification.
Quant aux entreprises d’investissement, le CFA Institute a recommandé qu’elles assument la responsabilité de la conformité de leurs activités auprès des finfluencers. Avant d’embaucher un finfluencer, les entreprises devraient se renseigner auprès des régulateurs qui exercent une surveillance sur leurs activités et déterminer si les avantages potentiels l’emportent sur les coûts de mise en conformité et les risques réglementaires et financiers.
Avant de publier un contenu, les entreprises devraient exiger qu’il fasse l’objet d’un examen de conformité. Les finfluencers devraient également être formés à fournir les informations nécessaires et à ne pas commercialiser des produits complexes auprès d’investisseurs non avertis.
Conseils pour les investisseurs
L’Institut a identifié cinq éléments permettant d’améliorer la capacité des jeunes investisseurs à évaluer de manière critique les informations fournies par les finfluencers. Les investisseurs de la génération Z devraient :
- comprendre les motivations financières des finfluencers,
- vérifier leurs qualifications professionnelles,
- s’assurer de l’existence de conflits d’intérêts,
- examiner les gains et les pertes des portefeuilles des finfluencers lorsque c’est possible
- et vérifier si les informations sont cohérentes avec d’autres sources.
En outre, les investisseurs devraient se méfier de la désignation et des antécédents disciplinaires d’une personne, recommande Samuel Lichtman. Certains finfluencers qui ne sont autorisés qu’à vendre des assurances peuvent se faire passer pour des conseillers en services financiers à part entière, tandis que d’autres peuvent représenter des entreprises qui ont des antécédents de non-respect de la réglementation.
Le rapport ajoute que les plateformes de médias sociaux devraient renforcer les contrôles en exigeant des créateurs de contenu qu’ils divulguent clairement la publicité. YouTube invite déjà les créateurs à faire des déclarations, et d’autres plateformes devraient adopter cette approche, affirme le CFA Institute. Les plateformes pourraient utiliser l’intelligence artificielle pour détecter la publicité et vérifier si les divulgations sont adéquates.
« Les jeunes professionnels de la finance qui débutent doivent être présents sur les médias sociaux, ne serait-ce que pour lutter contre la quantité de conseils horribles qui y sont prodigués par des personnes non réglementées, soutient Samuel Lichtman. Si nous laissons l’espace être envahi par des personnes non autorisées et non réglementées, je pense que le consommateur sera moins bien loti. »
Le CFA Institute a formulé ses recommandations après avoir organisé des groupes de discussion avec de jeunes investisseurs et examiné 110 contenus de finfluencer en ligne provenant des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et des Pays-Bas. Les contenus qui comportaient une promotion ou une recommandation d’investissement représentaient 65 % de ce que l’Institut a analysé, le reste étant des conseils d’ordre général.