Ses recommandations portent sur la distribution de produits financiers sans représentant, la vente de produits d’assurance en ligne, les dédoublements dans les structures d’encadrement des représentants et l’indemnisation en cas de fraude.
Au-delà du contenu du rapport, c’est le temps alloué aux acteurs de l’industrie pour émettre leurs commentaires qui fait réagir. Lors du dépôt, le gouvernement leur a demandé de communiquer leurs commentaires d’ici le 11 septembre, ce qui leur laisse trois mois, et ce, pendant l’été.
Les réactions n’ont pas tardé. Dans les jours qui ont suivi le dépôt, trois organismes d’autoréglementation du secteur – la Chambre de la Sécurité Financière (CSF), la Chambre de l’assurance de dommages (ChAD) et l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) – ont demandé une prolongation au ministre Leitão.
«Nous devons avoir le temps pour que les membres du conseil d’administration se rassemblent pour étudier tous les aspects. Disons qu’en pleine période estivale, ce n’est pas l’idéal», a indiqué Marie Elaine Farley, présidente de la CSF. Même son de cloche à la ChAD. Rappelons que la mission même des organismes d’autoréglementation est remise en question dans le rapport.
La CSF et la ChAD espéraient que la date butoir de remise des commentaires serait reportée à octobre. Le ministère des Finances leur a finalement accordé un sursis de deux semaines, déplaçant la date de remise au 30 septembre.
Une prolongation qui n’est «pas raisonnable»
Une prolongation que plusieurs organisations jugent insuffisante. C’est le cas de Mario Grégoire, président du Conseil des professionnels en services financiers (CDPSF) : «Pourquoi 15 jours ? Est-ce qu’il y a un élément d’urgence par rapport à cette révision ? Je trouve que ce n’est pas très long pour des enjeux comme ceux dont on parle.»
Il ne cache pas qu’une telle position du ministre suscite des questions : «Je me demande à quel point l’idée du ministre n’est pas déjà faite».
Réaction similaire à l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF). Son président, Flavio Vani, juge une remise pour septembre «inacceptable». Le gouvernement aurait dû repousser la date de dépôt à décembre, selon lui.
Une loi hautement politisée
«La Loi 188 a son historique [de tensions]», rappelle Alain Paquet, professeur à l’École des sciences de la gestion (ESG UQAM), indiquant qu’il est important que tous aient l’occasion de commenter adéquatement le rapport. Il a suivi le dossier de très près alors qu’il était président de la Commission des finances publiques, de 2003 à 2011, et ministre délégué des Finances du Québec, de 2011 à 2012.
La mouture législative présentée à la fin des années 1990 avait été «une catastrophe» en raison des «tensions palpables» entre différents groupes d’intérêts, rappelle Alain Paquet. Le désir de réaliser l’équilibre entre les intérêts qui s’entrechoquaient a mené à la création des deux organismes d’autoréglementation que sont la CSF et la ChAD.
Avec une refonte éventuelle de la Loi 188, les divisions refont surface. Alain Paquet divise les intérêts en quatre grandes catégories. Il y a tout d’abord ceux de l’Autorité des marchés financiers (AMF), chien de garde de l’industrie. Viennent ensuite ceux des organismes d’autoréglementation – la CSF et la ChAD -, qui assurent l’encadrement lié aux pratiques déontologiques de leurs membres.
En marge de ceux-ci, on retrouve ceux d’institutions financières comme le Mouvement des caisses Desjardins – qui a réagi de manière positive au rapport dans les heures qui ont suivi sa publication -, et finalement, ceux de regroupements qui se font les porte-paroles des professionnels de l’industrie. Alain Paquet cite en exemple le Regroupement des cabinets de courtage d’assurance du Québec (RCCAQ), syndicat professionnel qui défend des cabinets et des courtiers, et le CDPSF.
«Tout cela devient très complexe», dit-il. L’arbitrage de ces intérêts, selon lui, risque de renvoyer l’adoption de modifications à 2016.
Ces «tensions», Alain Paquet les illustre avec un épisode qui s’est déroulé en 2010. À la suite d’une étude de l’AMF, l’idée circulait que la CSF pourrait être intégrée à l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM). Un branle-bas de combat avait alors eu lieu pour que la Chambre reste autonome.
À l’heure actuelle, estime l’ancien ministre, une situation similaire risque de se reproduire, principalement du fait que le rapport «n’est pas assez étoffé», et que du coup, il laisse place à l’interprétation. «En partant, plusieurs risquent d’être sur la défensive», dit-il.
Alain Paquet espère que les discussions porteront sur le contenu : «La forme, les structures, devraient suivre ce qui est le mieux en terme de contenu, et non le contraire».