Dès 2017, les clients pourront aussi investir dans des titres sans frais d’acquisition en profitant d’une réduction des frais annualisée de l’ordre de 4 à 10 points de base pour la majorité des fonds du Groupe Investors.
Dans une entrevue accordée à Finance et Investissement en septembre, Claude Paquin, président pour le Québec du Groupe Investors, affirmait que cette décision avait été «exceptionnellement bien reçue» par ses conseillers.
Il reste que les FAR sont de moins en moins populaires chez les conseillers, notamment en raison de la croissance de l’actif sous gestion en série F et des nouvelles normes de divulgation de la réglementation.
L’actif sous gestion des fonds à FAR représentait 17 % de l’actif total en fonds d’investissement à la fin de 2014, par rapport à 30 % en 2007, selon une étude d’Investor Economics préparée pour l’Institut des fonds d’investissement au Canada (IFIC).
De plus, les FAR sont scrutés attentivement par les régulateurs. En 2015, l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACCFM), après une série d’inspections, émettait des doutes sérieux quant à leur convenance pour certains clients plus âgés.
Autre problème soulevé par l’ACCFM : «Des clients avaient parfois acheté des fonds avec FAR alors que leur horizon de placement était plus court que le barème des FAR des fonds souscrits».
Problèmes de rachat
Rappelons que les FAR permettent aux clients de réduire les frais pour l’achat de fonds et aux conseillers d’obtenir une avance de commission. Habituellement, cette dernière s’élève à 5 %, en plus d’une commission de suivi de 0,5 % par an. Le client se voit imposer des frais de sortie s’il rachète ses parts de fonds avant l’échéance, qui varie de cinq à sept ans.
Au Groupe Investors, les FAR typiques sont de 5,5 % dans les deux ans qui suivent l’achat. Ils diminuent de 50 points de base chaque année subséquente. Le rythme de réduction s’accélère après cinq ans, et le client n’a plus de FAR sept ans après l’achat.
Or, depuis 2006, au Groupe Investors, ces frais lient généralement le client, non seulement à son échéancier de FAR, mais aussi au Groupe Investors.
Normalement, si un client souhaite changer de conseiller et déplacer son actif chez un autre courtier, celui-ci pourra transférer ses parts de fonds sans déclencher de frais de rachat. Cependant, en général au Groupe Investors et chez certains autres courtiers, lorsqu’un client demande un tel transfert, il doit racheter ses parts, ce qui occasionne des FAR. Le conseiller qui perd ce client peut, à sa discrétion, rembourser ces frais.
Toujours pertinents
Bien que critiqués, les FAR ont toujours leurs défenseurs. «Les FAR ne coûtent rien aux clients», explique Flavio Vani, président de l’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APCSF), précisant que l’avance de commission est un emprunt fait par la société de fonds pour payer le conseiller.
«Ces montants sont vraiment nécessaires pour donner un service à long terme à un client. Il n’y a pas d’avantage pour les investisseurs à voir ces frais abolis», assure-t-il.
«Je ne suis absolument pas pour l’abolition des FAR», renchérit Gino Savard, président de Mica Services financiers. Néanmoins, il estime comme plusieurs que la baisse de popularité des FAR est une «tendance lourde», soulevant qu’actuellement, 80 % des nouvelles entrées d’argent découlent de fonds sans frais chez MICA.
«Avec une pratique un peu plus mature, avec un peu plus d’actif, les conseillers aiment beaucoup mieux travailler en mode sans frais», dit Gino Savard.
Pénurie de relève en vue ?
Selon Flavio Vani, un des avantages des FAR est de permettre à du «sang neuf» d’entrer dans l’industrie, garantissant un revenu plus élevé aux nouveaux conseillers.
C’est aussi dans cette optique que Gino Savard remet en question la décision de Groupe Investors. «Le Groupe Investors, qui est justement une porte d’entrée dans l’industrie pour les jeunes conseillers, doit avoir un plan. Ce sont des gens intelligents. Mais que vont-ils faire ? Offrir un salaire de base ?» se demande-t-il.
En entrevue, Claude Paquin, du Groupe Investors, affirmait que la société souhaitait mettre en place des mesures transitoires pendant les 15 prochains mois. Cependant, il n’a pas voulu donner plus de détail. «Nous voulons nous assurer que pendant la période de transition, il y aura quand même une stabilité sur le plan des revenus», a-t-il affirmé.
Gino Savard rappelle que les FAR représentent aussi un coût pour les sociétés de fonds. Des économies réalisées à ce chapitre permettront peut-être de «subventionner» autrement la pratique des jeunes conseillers, suggère-t-il. «Ils vont devoir faire quelque chose, sinon c’est fini l’entrée en carrière.»
Petits portefeuilles touchés
Si les FAR sont un moyen de subventionner les jeunes conseillers, ils seraient aussi une manière de subventionner les conseils prodigués aux plus petits épargnants.
C’est pourquoi Gino Savard croit que les FAR continueront d’être utilisés, s’ils sont encore permis, «pour les bonnes raisons, pour les bonnes personnes, c’est-à-dire pour les petits portefeuilles».
Selon lui, les FAR compensent en quelque sorte les conseillers pour des services qui ne seraient pas couverts par une simple commission de suivi. «Pour les jeunes clients qui commencent à épargner, qui ont un actif de moins de 50 000 $, c’est tout à fait indiqué. Ça permet à ces gens-là d’avoir du service. D’avoir les services d’un conseiller qui va se déplacer, qui va analyser le dossier. Ils paieraient des montants faramineux si ce n’était pas des frais de sortie», résume Gino Savard.
Flavio Vani abonde dans le même sens. «Si vous allez voir un client qui a 27 ans, 30 ans, allez-vous commencer à lui faire un plan d’épargne, avec tout le travail de suivi ? demande-t-il. Comment pouvez-vous gagner votre vie avec quelqu’un qui veut épargner 50 $, 100 $ par mois ?»
«Le gouvernement est-il prêt à dire que les petits épargnants ne méritent pas de conseils professionnels ?» demande Flavio Vani.
Rien n’est joué
Du côté de l’Autorité des marchés financiers (AMF), on semble garder le cap. En réponse à une demande d’entrevue, l’AMF réitère son affirmation selon laquelle «les ACVM suivent les développements de l’offre de FAR au Canada» et qu’elles envisagent, dans le cadre des consultations, de discontinuer «tant les commissions à la vente que les commissions de suivi qui sont versées par le gestionnaire de fonds d’investissement aux courtiers et aux représentants».
Dans une rencontre de préconsultation avec l’AMF à laquelle il a assisté en septembre, Gino Savard a demandé : «Est-ce qu’on est en train de perdre notre temps ici ?» Les régulateurs lui auraient assuré que la décision n’était pas encore prise et qu’ils souhaitaient discuter de possibles mesures transitoires afin de mieux saisir les enjeux d’une abolition des commissions intégrées.
«Rien n’est accompli tant que ce n’est pas accompli», se rassure de son côté Flavio Vani qui jure de faire tout son possible pour pousser l’AMF à changer d’idée. À la fin du mois de novembre, l’APCSF organise des «états généraux» pour discuter de la question.