Dans son plus récent rapport, publié mercredi, la vérificatrice générale Guylaine Leclerc reproche au FISF de ne pas jouer pleinement son rôle, « soit d’indemniser les victimes de fraude ».
Guylaine Leclerc cite en exemple l’année 2015-2016, au terme de laquelle une seule personne a reçu une indemnité, pour un montant de 50 000 dollars, alors que 34 demandes d’indemnisation présentées cette année-là ont été analysées pour un coût évalué à environ 1,2 million de dollars (M$).
Au cours des quatre dernières années, moins de 10 % des demandes ont été acceptées, indique le rapport.
Les nombreuses demandes d’indemnisation ont été rejetées parce que le représentant n’avait pas agit dans les limites autorisées par son certificat démontrent l’obstacle que cette condition d’admissibilité représente, déplore notamment la vérificatrice générale.
Il s’agit en fait du motif de refus le plus important, constate-t-elle. À elle seule, cette condition est à l’origine du rejet de près de 40 % des demandes d’indemnisation refusées de 2011-2012 à 2015-2016, soit 119 demandes.
« Pourtant, il s’agit de la nature même d’une fraude que les individus agissent avec malveillance et mauvaise foi sans tenir compte des lois ou des règles établies en vendant par exemple des produits ou des services financiers non autorisés par leur certificat », écrit Guylaine Leclerc.
Cette condition entraîne des conséquences « qui nous semblent contradictoires avec la raison d’être du Fonds, qui vise à maintenir la confiance du public », ajoute-t-elle.
Pour que les transactions des consommateurs soient couvertes par le FISF, la Loi prévoit en effet que ceux-ci soient tenus de faire affaire avec les personnes et les entreprises autorisées à exercer dans les disciplines encadrées, soit l’assurance de personnes ou l’assurance collective de personnes, l’assurance de dommages, l’expertise en règlement de sinistres, la planification financière et l’épargne collective ou plans de bourses d’études.
À défaut de quoi, « le consommateur n’est pas couvert par le FISF pour les agissements de personnes non inscrites auprès de l’AMF ou pratiquant dans d’autres disciplines, tel le courtage en placement de valeurs mobilières », rappelle la vérificatrice générale du Québec.
Dans la foulée, celle-ci déplore les délais de traitement des demandes d’indemnisation.
Pour la période de 2011-2012 à 2015-2016, les délais ont dépassé la cible de 300 jours fixée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) dans 56 % des cas, soit pour 217 demandes sur 385, et 52 demandes ont été traitées en plus de 600 jours.
« La complexité des dossiers ne peut à elle seule expliquer l’importance des délais de traitement observés, analyse la vérificatrice générale. Les justifications obtenues pour 35 dossiers ont démontré que d’autres facteurs associés à l’organisation du travail étaient souvent en cause ».
À cet effet, notons que la réclamation doit être produite dans l’année où le consommateur prend connaissance de la perte de ses fonds afin que sa demande d’indemnisation soit admissible.
La vérificatrice générale signale aussi une autre condition permettant de statuer sur l’admissibilité d’une demande, mais qui « n’est pas explicitement dictée par la loi ni inscrite dans le règlement de l’Autorité ».
Cette condition résulte de « l’interprétation que l’Autorité fait de la loi et des décisions qu’elle a rendues. La condition est que le représentant doit avoir agi dans les limites autorisées par son certificat pour que la demande d’indemnisation soit admissible, c’est-à-dire que : le produit ou le service financier offert par le représentant doit être autorisé par le certificat délivré par l’Autorité; et/ ou que le représentant doit avoir agi pour le compte de l’entreprise pour laquelle il est autorisé à travailler en vertu de son certificat ».
Recommandations
La vérificatrice générale du Québec recommande à l’AMF que les mesures nécessaires soient prises pour que le délai de traitement des demandes d’indemnisation soit raisonnable en fonction de leur nature et de leur complexité. Plus précisément, elle suggère l’élaboration d’un plan d’action comprenant des mesures structurantes afin de résoudre ce problème.
Elle recommande aussi l’instauration d’un mécanisme de révision des décisions relatives aux demandes d’indemnisation préalable à l’exercice d’un recours judiciaire.
Présentement, le directeur de l’indemnisation statue sur l’admissibilité d’une réclamation et, si aucun fait nouveau n’est apporté, la décision est finale et sans appel. « Dans cette situation, le seul recours possible pour un consommateur en désaccord avec la décision de l’Autorité est d’en demander la révision à la Cour supérieure du Québec, afin d’obtenir son annulation, ce qui suppose des frais et des délais pouvant s’avérer fort importants », constate la vérificatrice générale.
Elle suggère enfin de s’assurer que le consommateur dispose d’une information plus pertinente et facilement compréhensible, pour valider si le produit ou le service financier qu’il souhaite acquérir pourra faire l’objet d’une indemnisation par le FISF en cas de fraude, de manœuvres dolosives ou de détournement de fonds.
« L’Autorité n’a pas mis en place tous les moyens nécessaires afin que le consommateur puisse disposer facilement de l’information lui permettant de déterminer si le représentant est autorisé à offrir le produit ou le service financier qu’il veut acquérir », écrit à cet effet la vérificatrice générale.
Administré par l’AMF, le FISF a pour but de payer des indemnités payables aux victimes de fraude, de manœuvres dolosives ou de détournement de fonds qui sont admissibles. Il est principalement financé par les cotisations de l’industrie.