Il est question ici de fonds d’obligations dont le mandat est de surpasser l’Indice obligataire universel FTSE TMX Canada. Cet indice de référence comprend grosso modo un tiers d’obligations gouvernementales, un tiers d’obligations provinciales et un tiers de titres de sociétés. À la mi-novembre, la duration de l’indice était de 7,4 ans.

«Cependant, la clientèle des conseillers aura une durée souvent plus courte pour la portion à revenu fixe du portefeuille qu’un client institutionnel», précise Jean-François Pépin, premier vice-président et cochef de l’investissement chez Addenda Capital, qui s’occupe notamment de l’élaboration et de la mise en oeuvre de la stratégie obligataire en gestion active de la duration.

«Nos clients de gestion privée ont actuellement une durée qui oscille autour de trois ans, et notre approche en est une de protection du capital où les rendements générés sont plus modestes en raison des besoins de liquidités. Il faut se souvenir que le revenu fixe n’est pas une catégorie d’actif de croissance ni de participation au capital», dit-il. Ce qui ne veut pas dire que les clients de détail ne peuvent détenir d’obligations provinciales et de sociétés.

Dégringolade boursière en vue ?

À quels rendements obligataires peut-on s’attendre en 2016 ? Tout dépendra de l’économie mondiale et de la politique monétaire des États-Unis. La remontée des taux d’intérêt s’amorcera vraisemblablement le 16 décembre prochain, avec une première hausse de taux d’un quart de point de la Réserve fédérale américaine (Fed), affirment les experts consultés.

«C’est le moment de la deuxième hausse de taux qu’il faudra surveiller. Si cette augmentation survient en mars ou avant, cela signalera au marché qu’elles seront plus prononcées et plus rapides, et le marché pourrait réagir violemment. Un tel scénario pourrait entraîner les taux des obligations gouvernementales américaines de 10 ans au-dessus de 3 % tout en faisant dégringoler le marché boursier. Une répétition du scénario de mai et juin 2013 serait possible», croit Derek Brown.

Cette thèse n’est toutefois pas la plus probable. Il pense plutôt que les obligations américaines de 10 ans se situeront l’an prochain dans une fourchette de 2,25 à 2,75 %.

«Au Canada, la banque centrale ne sera probablement pas en position de resserrer les taux d’intérêt l’an prochain, et cela devrait ancrer les taux obligataires dans le court terme», croit Jean-François Pépin. Par contre, les taux à moyen et long terme seront davantage influencés par le contexte mondial.

En outre, le Canada se mesure à d’autres pays pour attirer des capitaux, notamment les États-Unis. «On peut donc s’attendre à ce que la pression sur les taux américains tire à la hausse les taux de 5 à 30 ans au Canada. On verrait donc une accentuation de la courbe de taux de 2 à 30 ans», ajoute-t-il.

«Les taux doivent jusqu’à un certain point être cohérents avec la croissance nominale économique du pays. Au Canada, celle-ci se situe entre 3,5 % et 4 %. Avec des taux des obligations gouvernementales à long terme qui oscillent entre 2 % et 2,5 %, c’est relativement bas. On s’attend donc éventuellement à ce que le rendement moyen à échéance de l’indice obligataire universel FTSE TMX Canada se rajuste (2,09 % au 31 octobre 2015)», précise Jean-François Pépin.

Chez Placements Mackenzie, on prévoit que les taux évolueront l’an prochain dans une fourchette semblable aux trois ou quatre dernières années. «Dans un tel contexte, on a choisi d’intégrer des placements qui génèrent des revenus fixes et variables», explique Steve Locke, portefeuilliste et chef de l’équipe des placements à revenu fixe.

Son équipe sélectionne minutieusement certains titres du marché des prêts commerciaux et des titres à haut rendement. Plusieurs de ces valeurs sont américaines et sont couvertes contre le risque de devise.

«On a également investi dans des prêts et des billets à taux variable afin de réduire le risque de taux d’intérêt tout en le substituant par un peu plus de risque de crédit», précise Steve Locke. En combinant un pourcentage de ces titres à taux flottants dans un portefeuille d’obligations de première qualité (investment grade), on souhaite accroître les rendements des clients tout en diversifiant les risques.

Jouer les écarts de taux

En attendant la remontée des rendements obligataires, toutes les catégories d’obligations sont analysées et comparées entre elles afin de déterminer si certains écarts sont suffisamment grands et attrayants pour l’investisseur.

Derek Brown est actuellement sous-pondéré en obligations du gouvernement fédéral, qu’il juge trop chères. Il mise plutôt sur les titres de sociétés dont les échéances sont de cinq ans et moins. Il ajoute que les obligations de sociétés affichent des écarts de taux vraiment intéressants par rapport aux obligations fédérales, particulièrement dans les termes de trois à cinq ans.

«Nous privilégions particulièrement les titres du secteur bancaire et les titres plus cycliques comme Loblaw ou Alimentation Couche-Tard. Nous n’aimons pas le secteur des matières premières, car nous pensons que la Chine ne sera pas là pour soutenir la demande au cours des prochaines années. Le prix du pétrole devrait donc varier l’an prochain autour de 50 à 55 $ le baril, et le charbon ne sera pas non plus en demande, notamment pour des raisons écologiques», précise-t-il.

Addenda Capital est également favorable au secteur des obligations de sociétés de bonne qualité (investment grade) et plus particulièrement au secteur de 5 à 10 ans. «Les écarts se sont agrandis. La courbe de rendement est plus pentue et il sera intéressant, par exemple, d’acheter une échéance de huit ans pour bénéficier de ce segment de la courbe (roll down)», note Jean-François Pépin.

Qu’en est-il des obligations provinciales ? «Puisque les prix du pétrole restent bas, les obligations de l’Alberta et de la Saskatchewan ne sont plus aussi attrayantes par rapport à celles de leurs homologues de l’Ontario et du Québec», croit Derek Brown.

«En raison d’un écart équivalent de 95 points de base au-dessus des obligations du gouvernement fédéral pour l’Ontario et l’Alberta dans le terme de 10 ans, l’Ontario demeure la province la plus intéressante, puisque son économie est moins dépendante des ressources naturelles. Elle est davantage liée au secteur manufacturier, et ses finances aussi se portent mieux», explique-t-il.

Même chose pour les obligations de la province de Québec qui, à 100 points au-dessus des obligations du Canada, sont attrayantes par rapport à celle de l’Alberta et de la Saskatchewan. «Par contre, on préfère acheter des « Québec » lorsque leur écart avec l’Ontario se situe à 10-15 points de base», note-t-il. Le gestionnaire privilégie les obligations de 10 ans, mais pour un investisseur individuel, il considère que le secteur des obligations de cinq ans sera également intéressant.

Les investissements provinciaux de Placements Mackenzie sont généralement concentrés au Québec et en Ontario. «Nous préférons ces obligations à celles de l’Ouest ou des Praires, puisqu’elles sont beaucoup plus liquides et que les écarts par rapport aux obligations fédérales de 10 ans se sont pas mal agrandis au cours de la dernière année», remarque Steve Locke.