Comme ce produit comprend une portion assurance et une portion placement, l’assuré peut, s’il le désire, faire des contributions excédentaires. Celles-ci s’accumuleront dans la police en fonction de ses choix de placement et peuvent servir à payer des primes futures ou à augmenter le montant de la couverture.
Or, le revenu de placement est imposé, contrairement à la croyance populaire, de même que les primes sont taxées.
«L’assurance vie est un produit non transparent sur le plan fiscal, dit Denis Preston. Je fais l’analogie avec l’essence, où les taxes ne sont pas visibles mais sont quand même comprises dans le prix.»
Dans les faits, l’assurance vie universelle est imposée à trois niveaux : l’ensemble de la prime est taxable à 3,48 % (3,3 % à compter d’avril 2017) par le gouvernement du Québec. Ensuite, l’assureur doit verser un impôt fédéral de 15 % sur les revenus de placement brut réalisés chaque année par la police.
«C’est un taux moins élevé que le taux d’imposition sur les revenus d’intérêt, mais il peut être plus élevé que le taux sur le gain en capital», précise Denis Preston.
«D’un point de vue fiscal, ce produit est moins avantageux de manière générale que du gain en capital en actions, par exemple, car tant que je ne vends pas mes actions, je ne paie pas d’impôt, alors que là, l’assureur paie de l’impôt annuellement», ajoute le conseiller.
Enfin, il faudra payer de l’impôt si on retire les sommes de son vivant (et plus les années passent, plus la facture s’alourdit).
Bref, le seul moment où une police d’assurance vie universelle est exempte d’impôt, c’est lorsqu’elle est versée aux bénéficiaires désignés, après le décès de l’assuré.
«C’est un produit extraordinaire, mais lorsqu’il est utilisé pour ce qu’il est : une protection en cas de décès», dit Denis Preston.
Pour ce formateur, une méconnaissance de ce produit très complexe peut expliquer pourquoi les conseillers l’utilisent encore à mauvais escient ou en vantent à tort les mérites fiscaux.
Même l’Autorité des marchés financiers (AMF) n’est pas claire sur cet aspect du produit. Sur son site web, on peut lire : «Le surplus que vous payez s’accumule dans votre fonds de capitalisation à l’abri de l’impôt tant que vous ne retirez pas les sommes».
Mis au fait de cette imprécision par Finance et Investissement, le porte-parole de l’AMF, Sylvain Théberge, a mentionné que des corrections seront apportées pour clarifier le statut fiscal de l’assurance vie universelle.
Un produit de niche
Le produit d’assurance vie universelle ne convient qu’à une infime partie de la population, concède Dany Provost, directeur planification financière et fiscale de SFL Cité de Montcalm : «Ça dépend de l’objectif, mais si celui-ci est autre que pour la succession, ça ne s’adresse en fait à personne».
Toutefois, pour ceux qui peuvent se le permettre, dans un but successoral, le produit n’a pas son pareil, selon Dany Provost, puisqu’il offre les mêmes avantages fiscaux qu’un CELI avec un plafond de cotisation beaucoup plus élevé. «C’est comme un CELI débarré», dit-il.
L’assurance vie universelle a connu une bonne popularité ces dernières années. En fait, selon l’Association canadienne des compagnies d’assurance de personnes, les ventes de ce type de produit représentaient 23,3 % de l’ensemble de l’assurance vie individuelle vendue au Canada en 2015.
«Les gens en général ne cotisent déjà pas au maximum à leur REER, leur CELI ou au REEE, qui sont fiscalement plus avantageux, alors sur le plan du placement, il vaut mieux d’abord favoriser ces outils», dit Denis Preston.
Il faut dire que les commissions sur l’assurance vie universelle de même que la prime sont très élevées, selon Denis Preston. «Le conseiller qui en vend gagne sur les deux tableaux», dit-il. Il est donc fort alléchant pour lui d’«exagérer» sur ses avantages en matière de placement.
D’ailleurs, le comité de discipline de la Chambre de la sécurité financière a condamné plusieurs fois par le passé certains conseillers qui avaient vendu des polices d’assurance vie universelle à tort et à travers, sans véritable analyse des besoins de leurs clients.
La popularité de l’assurance vie universelle s’effrite toutefois, selon Dany Provost, car d’autres produits permettent d’offrir de la flexibilité. «Ce qu’on voit plus souvent maintenant ce sont des assurances vie entière sur dix ans ou encore des polices participantes à primes plus élevées, mais qui permettent d’obtenir un remboursement à la fin de l’année», dit-il.
La nouvelle loi sur l’exonération des polices d’assurance vie universelle qui est entrée en vigueur en 2017 viendra sans doute aussi décourager les conseillers à l’utiliser à des fins de placement puisque l’épargne maximale pouvant être générée sera moins élevée. De plus, le coût de base de la police sera rehaussé.
Autrement dit, le coût de la prime devra être plus élevé pour obtenir le même rendement. «Autant c’est un bon produit en cas de décès, autant c’est pourri de son vivant», résume Dany Provost.
Denis Preston abonde dans le même sens. «Souvent, les gens me demandent s’ils devraient garder leur assurance vie ou donner l’argent de la prime immédiatement à leurs enfants. Avec l’espérance de vie qui allonge, les enfants sont vieux quand on meurt. C’est quand ils ont 30 ans avec de jeunes enfants et une maison à payer qu’ils ont le plus besoin d’argent, alors pourquoi ne pas les aider de son vivant ?»