Cet homme ne craint pas les défis. Pas étonnant que VMD soit allée le chercher à son tour, en 2013, pour rebâtir la confiance dans l’organisation après un épisode tumultueux. Deux ans auparavant, l’organisation avait mis à la porte neuf conseillers soupçonnés d’avoir dissimulé des transactions aux Bahamas.
VMD, habituée aux éloges en matière de satisfaction de ses conseillers, tombe alors de son piédestal. Elle passe au dernier rang du Top 9 des courtiers québécois en 2014.
«Tout ça avait créé de l’incertitude et du mécontentement. Les gens avaient besoin d’être écoutés», se souvient Luc Papineau. Dès son arrivée, il boucle sa valise et entreprend la grande tournée des succursales partout au Québec pour comprendre les défis des conseillers.
«J’ai découvert que, au fond, tous les éléments nécessaires au succès étaient déjà en place et que les gens aimaient simplement qu’on leur explique ce qu’on voulait faire», dit Luc Papineau.
Son mandat était clair : gérer le service à la clientèle, faire évoluer l’offre de services, consolider le positionnement de la division au Canada et plus particulièrement au Québec, et renforcer la rentabilité de la firme.
En 2016, soit moins de trois ans après son arrivée, VMD gérait un actif de 28,6 G$, en hausse de 30 % par rapport à 2012. Au Québec, elle comptait 346 conseillers, une vingtaine de plus qu’en 2013. VMD a amélioré son offre de formation continue et a pris un virage en faveur de la technologie mobile.
VMD a regagné l’estime de ses conseillers et, depuis, a repris sa place au sommet des palmarès. «Au fond, on a dit aux conseillers à quel point ils étaient importants et que leur travail était essentiel», raconte Luc Papineau.
Luc Papineau se dit piètre cuisinier, mais il croit qu’un bon portefeuille est comme un bon plat : un habile dosage des meilleurs ingrédients. Et la recette ? Il y en a plusieurs.
«Certains conseillers travaillent avec des fonds communs, d’autres avec des FNB ou des titres individuels. Certains sont plus prudents, d’autres plus audacieux. Chez nous, les gens ont compris que j’acceptais la diversité», dit-il.
Pour y avoir fait carrière pendant 32 ans, Luc Papineau connaît bien l’industrie. Et celle-ci a drôlement changé depuis qu’il faisait le posting à la main dans les fiches des clients, tout en tenant à jour son registre de titres, toujours à la mitaine !
Un rêve de jeunesse
Luc Papineau est titulaire d’un baccalauréat en économie et en finance, de même que d’une maîtrise en administration des affaires (MBA) de l’Université McGill.
Il a fait quelques détours avant de réaliser ses ambitions. Peu de gens savent dans l’industrie qu’il a été technicien à la mise en ondes de la populaire émission de radio «Les amateurs de sports», animée à l’époque par Pierre Trudel et Yvon Pedneault.
C’est ainsi qu’il a payé ses études : en prenant tous les soirs les appels des gérants d’estrade des Canadiens de Montréal ! Cette aventure à la radio a pris fin quand il a accepté un poste de représentant chez IBM, sur les conseils de son père, un épicier soucieux de voir son fils avoir «une vraie job».
Il est alors encore loin du but… Il faut dire qu’à l’époque, les taux d’intérêt frisaient les 22 %. «Les courtiers en obligations étaient bien contents, mais du côté des valeurs mobilières, on n’embauchait pas», se souvient Luc Papineau.
Il tombe un jour sur un ex-camarade de classe qui lui présente son frère, associé d’une petite firme de courtage. Ce dernier lui ouvre son carnet de contacts et l’envoie notamment chez Lévesque Beaubien. «Dans ce temps-là, les entrevues duraient 10 minutes. Si tu avais de l’entregent et un peu de connaissances dans le domaine, tu étais engagé !» raconte le dirigeant.
Nous sommes en 1985, à la glorieuse époque du RÉA. Lévesque Beaubien est le principal émetteur des actions des entreprises québécoises qualifiées. «Ça a été une grande aide pour bâtir une clientèle, car les gens nous appelaient eux-mêmes pour acheter du RÉA. Les nouveaux, on nous mettait sur les appels entrants et on ouvrait les comptes», se souvient Luc Papineau.
Pour le jeune homme qu’il est à l’époque, le simple fait d’être dans une salle de marché et de côtoyer de vieux routiers est déjà un rêve devenu réalité. Passionné de finance, il a eu son premier compte de courtage à 18 ans et voulait devenir stock broker.
Du conseil au management
En 1992, ses patrons, Luc Paiement et Richard Lupien, lui confient le mandat de monter un programme pancanadien de formation et de recrutement des nouveaux conseillers. Il s’illustre et devient directeur de l’une des trois seules succursales du courtier, dans l’édifice de la Sun Life, à Montréal.
«C’est à ce moment-là que j’ai quitté à tout jamais le conseil pour entrer dans le management», dit-il.
La suite est une série de projets d’expansion. Celle de Midland Walwyn, une firme indépendante qui l’engage en 1997 pour croître au Québec, puis celle de Merrill Lynch, qui achète Midland pour revenir sur le marché canadien.
Le passage de Luc Papineau chez ce géant mondial du courtage a été de courte durée, mais des plus formateurs. «Ce qu’est devenue l’industrie aujourd’hui, c’est ce qu’était déjà Merrill Lynch à l’époque en matière de gestion de patrimoine», dit-il.
Réal Raymond, alors président de la Banque Nationale, fait donc un bon coup quand il vient courtiser Luc Papineau en 2001. Il lui offre le mandat de déployer des services de planification financière dans toutes les succursales de la Banque. «Et c’est ainsi que je suis devenu banquier !» lance le principal intéressé en riant.
«Sa grande force est sa capacité à rallier les gens vers un but commun», dit Charles Guay, ex-président de la Standard Life, qui a bien connu Luc Papineau à cette époque, alors qu’il travaillait lui aussi à la Banque Nationale.
«Il a mis en place un réseau de 300 planificateurs financiers dans les succursales de la Banque pour développer la gestion de patrimoine et il a très bien réussi», dit celui qui a côtoyé de près Luc Papineau pendant environ sept ans avant que ce dernier quitte la Banque, en 2008.
Car l’appel du courtage est plus fort. Les transactions bancaires, le crédit, très peu pour lui. Après un court séjour chez CIBC Wood Gundy, puis Richardson GMP, il accepte l’offre de Vincent Hogue, alors premier vice-président chez Desjardins, de venir diriger VMD.
«Le placement me passionne, car tout a une influence sur ce domaine. Je dis souvent aux nouveaux conseillers qu’il est aussi important de lire le premier cahier de La Presse que le dernier. Toute décision, politique ou économique, aura un impact sur les marchés», affirme-t-il.
Cette industrie est tout sauf ennuyante, constate Luc Papineau. «Elle a tellement changé que je n’ai pas l’impression d’avoir exercé le même métier pendant toutes ces années», dit-il.
À l’ère des robots-conseillers, croit-il que le métier a encore un avenir ? «Quand le courtage à escompte est arrivé, on pensait que ce serait la fin du plein exercice, alors qu’aujourd’hui, les deux secteurs sont en très bonne santé. Les robots-conseillers sont un outil de plus à ajouter à notre offre.»
Il reconnaît toutefois que les plus petites firmes pourront avoir du mal à survivre à tous ces bouleversements, qu’ils soient technologiques ou réglementaires. «C’est le gros enjeu dans l’industrie en ce moment et les régulateurs vont devoir se pencher là-dessus. Ce sont souvent les petits acteurs qui innovent le plus, alors c’est sain de les maintenir, car ils forcent les plus gros à s’adapter.»
Luc Papineau est bien placé pour interpeller les autorités réglementaires, puisqu’il a siégé au conseil de section de l’OCRCVM pendant 12 ans et à celui de l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement durant trois ans.
«Il a fait passer la parole du Québec au niveau national avec des arguments sensés, nous sommes chanceux d’avoir un ambassadeur comme lui», dit Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec de l’OCRCVM. Elle le décrit comme un homme dévoué, engagé et transparent. «Ce n’est pas quelqu’un qui joue en coulisses pour faire avancer ses intérêts. Il croit à l’échange et s’assure que chacun exprime son opinion.»
Luc Papineau compte doubler le nombre de conseillers de VMD dans la grande région de Montréal «C’est le secteur qui connaît la plus forte croissance démographique au Québec. Nous devons aussi cibler le marché allophone, d’où vient une grande part de cette croissance», dit-il.