Le trio des plus importants assureurs établis au Québec (Desjardins, Industrielle Alliance et SSQ) représente quant à lui 43,4 % du marché québécois, selon le «Rapport annuel sur les institutions financières 2013» de l’Autorité des marchés financiers.

On parle ici d’un rapport de force très différent, mais le statu quo est loin d’être assuré.

Financière Manuvie réalise un grand coup

L’acquisition par la Financière Manuvie des activités canadiennes de Standard Life Canada, qui représentaient 2 % des parts du marché québécois en primes directes souscrites, ne laisse personne indifférent. D’un seul coup, Manuvie met la main sur d’excellentes opérations de gestion de retraite et d’assurance collective.

Évidemment, ma première réaction a été de craindre pour le bureau montréalais, car Manuvie a la réputation de centraliser beaucoup ses opérations à son siège social. Mais en y repensant, je suis devenu plus optimiste.

Ce qui a incité Manuvie à payer un prix tout de même assez élevé pour acquérir la vénérable compagnie, c’est à mon avis qu’elle obtient du même coup une équipe aguerrie. Une équipe qui de surcroît connaît très bien le marché québécois, où Manuvie, qui occupe «seulement» le quatrième rang des assureurs au Québec, peut faire des gains.

Seul l’avenir nous dira clairement quel sera l’impact de cette transaction sur l’industrie financière québécoise, mais d’ici là, le président et chef de la direction de Manuvie, Donald Guloien, s’est fait rassurant, notamment lors d’une récente allocution au Cercle canadien de Montréal. «Nous espérons ajouter une équipe de haute direction québécoise qui participera à la prise de décisions touchant non seulement les activités du Québec, mais aussi celles de l’ensemble du Canada.»

Sun Life s’impose

Si Manuvie regarde du côté de son concurrent Sun Life, elle y verra sans doute qu’investir au Québec est une opération rentable. On se rappelle que la nomination d’Isabelle Hudon à la présidence de la Financière Sun Life Québec avait été reçue avec un certain scepticisme dans l’industrie financière.

Lors de ma première rencontre avec la dirigeante, elle ne cachait pas que la courbe d’apprentissage était abrupte, mais qu’elle était bien entourée, et qu’après tout, son rôle de leader n’était pas de rédiger des rapports actuariels. On sait aussi qu’elle n’a pas la réputation de ménager ses énergies.

En tout juste cinq ans, l’effectif québécois a augmenté de 10 %, mais surtout, le nombre de cadres supérieurs a crû de 76 %. Le Québec y gagne, Sun Life aussi : «Grâce à ces embauches, nous avons une bien meilleure compréhension du marché, qui est définitivement distinct par rapport au reste du pays», indique Robert Dumas dans un article publié sur finance-investissement.com.

Le nouveau président de Financière Sun Life Québec prendra le relais d’une division qui a le vent dans les voiles : il y a cinq ans, 19 % des ménages clients au Canada provenaient du Québec. Aujourd’hui, c’est 25 %.

Isabelle Hudon, elle, accède à des responsabilités nationales à titre de vice-présidente principale, solutions clients, l’un des cinq secteurs d’activité de la Financière Sun Life au Canada.

Quel sera l’impact de la transaction de Manuvie et du dynamisme de Sun Life sur les assureurs québécois ? On sait que depuis plusieurs années, ils ont investi (avec succès) beaucoup de capitaux et d’énergie dans l’accroissement de leurs parts de marché hors Québec.

Ils n’ont évidemment pas négligé leur bastion, mais dans un marché mature comme celui de l’assurance, l’augmentation des volumes de l’un s’acquiert en grande partie au détriment de celui des autres. Or, si deux géants canadiens de l’assurance tentent d’augmenter leur part de marché au Québec de façon plus agressive, leurs concurrents devront redoubler d’ardeur pour protéger leurs positions.

Une renaissance pour Transamerica Vie ?

Dans les jours qui ont suivi la transaction Manuvie-Standard Life, plusieurs observateurs ont noté qu’il ne restait qu’un seul assureur canadien de propriété étrangère important : Transamerica Vie Canada. Certaines rumeurs circulaient aussi, car Transamerica Vie ne traverse pas une période faste.

On craignait que la fusion probable d’un assureur de taille moyenne (au Québec, la part de marché de Transamérica est comparable à celle de RBC) entraîne une baisse de la concurrence dans le marché.

Or, c’est une autre société étrangère, Wilton Re, qui a fait l’acquisition de Transamerica Vie Canada à la mi-octobre. Elle sera exploitée comme une société canadienne, mais sous un autre nom, selon Doug Brooks, président et chef de la direction de Transamerica Vie Canada. «Je vois cette transaction comme quelque chose de très positif pour nous tous, a-t-il expliqué en insistant que cette vente ne représentait pas une consolidation. Il n’y a pas de fusion ni d’intégration, donc il n’y a pas de perte de concurrence sur le marché.»

Après avoir traversé plusieurs années sous le signe de la continuité, le marché de l’assurance est dans une phase de transformation. Il sera fascinant de suivre son évolution.

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