Les banques ont soulevé plusieurs arguments, dont celui qu’elles n’étaient pas soumises à l’application de la L.p.c., une loi provinciale, en raison de l’exclusivité de la compétence fédérale sur les banques. Les banques ont également contesté le statut des deux représentants de groupe, au motif que chaque représentant n’avait pas une cause d’action contre chaque défendeur.

Dans une décision unanime récente1, le plus haut tribunal du pays a conclu notamment que :

Les demandeurs avaient un intérêt juridique suffisant pour agir à ce titre contre tous les défendeurs ;

Les frais de conversion se qualifient comme du «capital net», et non comme des «frais de crédit» ;

Les dispositions pertinentes de la L.p.c. s’appliquent aux banques ;

Le paiement du montant total des réclamations par «recouvrement collectif» n’exclut pas l’octroi de dommages autres que compensatoires, comme les dommages-intérêts punitifs.

Banques condamnées

Pour ces motifs, la Cour a condamné les banques du groupe A à rembourser les frais perçus par des titulaires de leurs cartes et à payer en sus des dommages-intérêts punitifs.

Selon la Cour, «rien dans la nature du recours collectif ou dans les critères d’autorisation prévus à l’art. 1003 n’exige une cause d’action directe par le représentant contre chaque défendeur ou un lien de droit entre eux» (paragr. 43).

Faisant appel à une interprétation «souple» et «proportionnelle», la Cour a considéré qu’une représentation adéquate a été assurée et que «l’action de chaque membre du groupe à l’encontre de chaque défendeur soulève des questions de droit identiques» (paragr. 46).

La Cour a aussi rejeté les arguments des banques concernant la doctrine de la prépondérance fédérale. Cette doctrine entre en jeu lorsqu’il y a conflit entre une loi provinciale et une loi fédérale validement adoptées.

La Cour a conclu que la L.p.c. n’empêchait pas la réalisation d’un objectif fédéral. De plus, elle a noté que les normes fédérales et provinciales sont identiques quant à la manière dont les frais sont calculés et divulgués.

La Cour a donc rétabli les conclusions du juge de première instance, qui énonçait que les banques du groupe A avaient contrevenu à l’art. 12 de la L.p.c. (qui prévoit qu’«aucuns frais ne peuvent être réclamés d’un consommateur, à moins que le contrat n’en mentionne de façon précise le montant [NDLR nous soulignons]») et qu’elles devaient ainsi rembourser les frais perçus.

La Cour a aussi rétabli le jugement de première instance en ce qui concerne la question des dommages-intérêts punitifs (paragr. 99).

Approche flexible favorisée

Enfin, la Cour suprême n’a pas suivi la conclusion de la Cour d’appel selon laquelle le recouvrement collectif comporte un aspect punitif en soi, raisonnant plutôt que «le mode de recouvrement ne fait pas partie des facteurs énoncés dans la jurisprudence de la Cour sur l’analyse servant à déterminer l’opportunité d’une condamnation aux dommages-intérêts» (paragr. 104).

Ainsi, le recouvrement collectif de dommages compensatoires n’empêche pas l’octroi de dommages punitifs.

Outre l’importance de l’arrêt Marcotte1 pour les institutions financières, la décision souligne l’approche flexible favorisée par la Cour suprême en matière de recours collectifs.

En décidant qu’un demandeur n’est pas tenu d’avoir une cause d’action contre chaque défendeur, et qu’un recouvrement collectif n’exclut pas pour autant l’octroi de dommages punitifs, la Cour suprême rappelle que malgré ses conséquences économiques et sociales, le recours collectif n’est pas un moyen exceptionnel, mais plutôt un outil procédural qui vise l’accès à la justice, l’économie judiciaire et la modification de comportements.

1. Arrêt Banque de Montréal c. Marcotte, 2014 CSC 55

*Associée chez McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L, s.r.l. Le présent article a aussi été écrit par Shaun Finn, associé au même cabinet. Il ne constitue pas un avis juridique.