Après un passage à la négociation des obligations pour les clients institutionnels, Richard Rousseau termine une maîtrise en gestion des affaires (MBA) à l’Université McGill et prend deux décisions : il préfère la clientèle privée à l’institutionnel, et il souhaite travailler du côté de la direction et non dans la vente.

Ruée vers l’Ouest

Il prend les rênes d’une succursale montréalaise de Lévesque Beaubien Geoffrion en 1993. Puis, en 1997, le deuxième acte de sa carrière s’amorce, alors que le poste de directeur de la succursale de Vancouver devient vacant.

«En travaillant au pupitre obligataire, j’avais eu beaucoup d’échanges avec les gens de l’Ouest canadien. J’ai appris que la succursale de Vancouver avait besoin d’un directeur, se souvient Richard Rousseau. C’est comme ça que j’ai commencé, avant de devenir directeur régional pour la Colombie-Britannique, puis pour tout l’Ouest canadien.»

Charles Guay, ancien président et chef de la direction de Manuvie pour le Québec, qui a côtoyé Richard Rousseau alors qu’il était à la Banque Nationale, salue son audace : «Au Québec, on a tendance à être fortement ancrés chez nous, par rapport au reste des Nord-Américains. Richard est un des rares qui n’a pas hésité à sortir du Québec pour aller travailler quelques années dans l’Ouest canadien».

Pour Richard Rousseau, cette décision allait de soi. Fils de l’attaquant des Canadiens de Montréal Robert «Bobby» Rousseau, il avait lui-même vécu aux États-Unis après que son père eut été échangé aux Rangers de New York.

«L’expérience de déménager, de se faire de nouveaux amis et de se construire une nouvelle vie dans une langue étrangère m’a beaucoup aidé plus tard dans ma vie, indique-t-il. Je voulais offrir la même chance à mes enfants.»

Richard Rousseau garde un très bon souvenir de son périple dans l’Ouest : «C’était embryonnaire quand nous avons commencé, nous voulions bâtir notre présence et nous l’avons fait avec énormément de succès. Plusieurs des meilleurs conseillers de la Financière Banque Nationale actuellement ont été engagés à cette époque par notre succursale.» La Banque Nationale a acquis Lévesque Beaubien Geoffrion en 1999 pour former la Financière Banque Nationale.

Son passage à Vancouver a prouvé que Richard Rousseau savait attirer les bons conseillers, selon Germain Carrière, président de Financière Banque Nationale Services aux particuliers de 1998 à 2002.

«Richard voulait vraiment relever ce défi (se charger de la succursale de Vancouver), même si ça ne faisait pas l’unanimité dans l’équipe de direction, se souvient-il. Qu’à cela ne tienne, en très peu de temps, il a dynamisé notre présence dans l’Ouest de façon exceptionnelle. Il a clairement établi, lors de son passage en Colombie-Britannique, qu’il avait un grand talent de recruteur.»

Six ans plus tard, il revient à Montréal où il continue à monter les échelons à la Banque Nationale jusqu’à sa nomination, en 2011, au poste de vice-président du Conseil, Financière Banque Nationale, Gestion de patrimoine. Après que poste a été aboli par Banque Nationale dans le cadre d’une restructuration, Richard Rousseau est approché par le géant américain Raymond James, qui souhaite se tailler une place au Québec.

C’est chez Raymond James que s’amorce le troisième acte de sa carrière : «S’il y a un filon dans mon cheminement professionnel, c’est vraiment le travail auprès des conseillers en placement. J’ai toujours travaillé auprès d’eux afin de les aider à servir leurs clients. Quand je suis devenu disponible, j’ai reçu l’appel de Raymond James, où on avait besoin de quelqu’un pour aider la firme à prendre de l’expansion au Québec. Nous avons créé un plan juste pour le Québec».

À la conquête du Québec

Un des objectifs de Richard Rousseau est d’avoir 100 conseillers en placement chez Raymond James au Québec d’ici la fin de 2019. Grâce à l’acquisition de 3Macs et aux efforts de recrutement, les effectifs de Raymond James sont passés de 8 à 48 conseillers en placement au Québec entre 2011 et 2016. Durant la même période, l’actif sous gestion des conseillers de Raymond James au Québec est passé de 185 M$ à 3,83 G$.

Au Canada, Raymond James compte actuellement près de 460 conseillers en placement, par rapport à 417 il y a cinq ans de cela. L’actif sous gestion des conseillers de Raymond James au Canada est passé de 18 G$ en 2011 à 36 G$ en 2016.

«Nous espérons recruter au moins 10 conseillers par an à partir de cette année, c’est beaucoup plus facile d’attirer des gens une fois qu’on a une masse critique, dit-il. Nous avons une succursale à Montréal, mais aussi une à Québec et nous envisageons d’en ouvrir sur la Rive-Sud et sur la Rive-Nord de Montréal ainsi que dans l’Ouest de l’île.»

Raymond James offre différents modes d’affiliation à ses conseillers : le réseau des correspondants, dans lequel le conseiller n’est pas affilié, mais où il fait affaire avec la firme pour différents services, la structure traditionnelle, où le conseiller travaille dans une succursale de l’entreprise, ainsi que le modèle mandat-mandataire.

«C’est le modèle mandat-mandataire que nous souhaitons mettre en avant au Québec, explique Richard Rousseau. Le conseiller peut garder un pay-out de 80 à 85 %, et le reste revient à Raymond James. C’est un modèle beaucoup plus avantageux que le 50-50 offert par certaines banques.»

«Nous permettons au conseiller de gérer sa propre structure de coûts, poursuit-il. En région, c’est une bonne façon de fonctionner, puisque les frais d’exploitation (comme les loyers et les salaires des employés) sont plus bas. Le conseiller n’a pas besoin de soutenir la structure de coûts imposée par une grande institution financière. Il prend toutefois plus de risques, c’est évident, puisqu’il est responsable du loyer et qu’il doit payer lui-même ses équipements informatiques et ses meubles, mais ça lui donne plus de liberté.»

Depuis l’acquisition de 3Macs, Raymond James offre aussi le modèle Raymond James conseils en placement, qui offre des services de gestion discrétionnaire : «La gestion discrétionnaire prend aussi de plus en plus de place chez nous puisqu’il y a une grande demande pour ce type de service. Ce n’est toutefois pas pour tout le monde, ça doit convenir aux besoins du client».

La transparence est un concept important pour Richard Rousseau, il estime d’ailleurs que 77 % des revenus de Raymond James proviennent des frais de gestion (commissions de suivi et honoraires), et non pas des commissions à la transaction. Alors que les autorités de réglementation multiplient les réformes sur le plan de la rémunération, Richard Rousseau se dit heureux que la transition de la structure par honoraires soit bien avancée.

«Je siège à un comité de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), et j’estime que la majorité des réformes incluses dans l’avis 33-404 sont des choses que nos conseillers font déjà. Toutefois, la norme du meilleur intérêt des clients par rapport à celle du devoir fiduciaire et l’obligation pour le conseiller de connaître tous les produits financiers offerts par sa firme sont un peu irréalistes. C’est comme de demander à un médecin de connaître toutes les maladies.»

Richard Rousseau se défend d’ailleurs de recruter ses conseillers en fonction d’un niveau de revenu minimum généré.

«J’ai 30 ans d’expérience dans le domaine et je trouve qu’il y a un biais dans l’industrie qui n’est pas correct. On s’imagine qu’un conseiller qui génère un chiffre d’affaires de 2 M$ est meilleur que celui qui a un chiffre d’affaires de 500 000 $. J’ai connu de très bons conseillers qui avaient une production de 400 000 $, et j’en ai connu de très mauvais qui en avaient une de 2 M$», soutient-il.

Raymond James a d’ailleurs recruté près d’une dizaine de conseillers parmi les 75 qui ont été mis à pied récemment par ScotiaMcLeod dans le cadre d’un retrait stratégique. Richard Rousseau estime qu’une des forces de l’entreprise est le fait qu’elle se concentre sur un seul réseau de distribution : le conseiller en placement.

«Nos conseillers n’ont pas besoin de faire concurrence à 10 autres modèles d’affaires au sein de la même firme. Chez nous, il n’y a pas de robot-conseiller ou de banquier privé. Nous avons une relation professionnelle avec le conseiller et nous reconnaissons qu’il est propriétaire de sa franchise», souligne Richard Rousseau.

Passionné de golf, il a joué pour l’équipe de l’Université d’Indiana durant ses études et est d’ailleurs propriétaire de deux parcours de golf au Québec, l’un à Grand-Mère et l’autre à Louiseville. Il trace d’ailleurs un parallèle entre le métier de conseiller en placement et ce sport.

«Au golf, ce qui est important, ce ne sont pas les bons coups, mais c’est plutôt de ne pas faire de mauvais coups, dit-il. En finance, c’est la même chose : le conseiller en placement n’est pas là pour jouer les héros, il est là pour ne pas faire d’erreur et ne pas laisser son client en faire.»

Germain Carrière se souvient de la passion de Richard Rousseau pour le golf : «Lorsqu’il avait une trentaine d’année, je me souviens qu’il participait encore à des tournois amateurs. Il se levait à six heures du matin pour aller s’entraîner avant de venir travailler. C’est un très bon joueur de golf, qui a la même rigueur dans ce sport que dans sa vie professionnelle. Quand il note des carences dans l’un ou dans l’autre, il n’a pas peur d’aller s’entraîner intensément.»