Dans un courriel envoyé à Finance et Investissement, RBC précise qu’il s’agit «d’établir des services mondiaux de gestion de patrimoine ciblés pour servir la clientèle fortunée et très fortunée des marchés prioritaires depuis nos centres de l’Amérique du Nord, des îles britanniques et de l’Asie.»
Ces ventes suivent une nouvelle vague de fermetures de bureaux en Amérique du Sud au cours des derniers mois, notamment au Brésil, en Uruguay et au Chili, selon différents médias.
Ces fermetures surviennent après que la RBC a eu des démêlés avec différentes instances de réglementation, entre autres en raison d’enquêtes liées à des allégations de blanchiment d’argent, selon deux reportages du Wall Street Journal (WSJ)(http://on.wsj.com/1M05qW0) et (http://on.wsj.com/1PQdvu1).
Tracasseries
D’abord, en 2008, la banque centrale d’Uruguay a imposé à RBC une amende de plus de 20 000 $ US pour des « »omissions » au chapitre des contrôles anti-blanchiment d’argent», selon le WSJ, citant un communiqué de la Banco Central del Uruguay (BCU).
Selon le quotidien américain, un client brésilien fortuné serait accusé par la justice brésilienne parce qu’il aurait offert des pots-de-vin à des employés gouvernementaux pour disposer de terrains publics.
Lorsqu’il serait devenu client de la RBC, des responsables de la conformité de la banque torontoise auraient lancé un signal d’alarme, d’après des sources proches du dossier consultées par le WSJ. Ces responsables auraient recommandé la fermeture de ces comptes.
Puisque la filiale qui gère les activités de gestion de patrimoine en Amérique du Sud est située à Miami, RBC aurait du même coup attiré l’attention de l’Office of the Comptroller of the Currency, le bureau de réglementation des banques aux États-Unis, qui «a jugé les contrôles anti-blanchiment de RBC insatisfaisants et lui a ordonné de les rectifier», d’après le WSJ, citant des sources proches du dossier.
En 2014, toujours selon le WSJ, quelques comptes vénézuéliens de RBC auraient également attiré l’attention de régulateurs américains, dans ce cas, celle du Département de la justice et du Homeland Security. Ces problèmes auraient eu raison de RBC qui, au début de 2015, fermait son bureau de Miami, aurait mis fin à toute relation avec le client brésilien fortuné et aurait fermé les comptes de clients vénézuéliens ciblés par des poursuites aux États-Unis.
Aucune complicité
La RBC a préféré répondre à ces allégations dans un courriel envoyé à Finance et Investissement : «Notre réputation d’entreprise intègre est bien méritée. RBC respecte le cadre juridique et réglementaire de chaque pays où elle exerce des activités».
L’institution affirme mettre en place des mécanismes de contrôle exhaustifs : «Nous appliquons des principes, des politiques et des procédures visant à préserver l’intégrité de nos activités et la confiance de nos clients. RBC affiche un bilan solide en matière de conformité à la réglementation mondiale.»
En dépit de tous ces déboires, «je ne connais aucun cas où RBC a été trouvée coupable de complicité», soutient James P. Shanahan, responsable de la recherche, titres financiers, chez Edward Jones, à Saint-Louis, au Minnesota, en entrevue avec Finance et Investissement.
Les contraintes de la réglementation dans certains pays ont tellement augmenté, surtout depuis la crise financière, que plusieurs banques, notamment RBC, ont décidé que le jeu n’en vaut plus la chandelle, juge Claude Boulos, chef des opérations chez Gestion de portefeuille Selexia à Montréal, au cours d’une entrevue avec Finance et Investissement. C’est une chose dont les banques ne parlent qu’à huis clos, soutient-il : «Elles craignent de ne pas être en mesure de détecter si de l’argent illicite passe par leurs filiales».
Il reste que le fait de faire affaire dans plusieurs juridictions risque d’accroître les coûts et le fardeau réglementaire pour n’importe quelle institution financière.
Les règlements ont acquis beaucoup de mordant ces dernières années, poursuit Claude Boulos. En contrepartie, ajoute-t-il, «il est à peu près impossible de faire tomber le voile corporatif. Une banque ne peut pas savoir si un client montre « patte blanche ». Je comprends pourquoi les banques se retirent» de ces marchés.
RBC n’est certainement pas la seule à se replier ainsi. Par exemple, «Morgan Stanley, Bank of America, Lloyds se sont toutes retirées de Suisse», fait remarquer James P. Shanahan en entrevue. HSBC Holdings PLC et Standard Chartered ont également délaissé certains marchés émergents, note le WSJ.
Par ailleurs, une transaction majeure témoigne de ce repositionnement de la banque : l’achat en cours de City National, établie à Los Angeles, au coût de 5,4 G$ US. On peut juger que RBC a payé trop cher cette acquisition, signale James P. Shanahan, mais le geste se justifie dans une perspective stratégique.
« »Nous considérons que le jeu n’en vaut pas la chandelle en Amérique du Sud ou en Suisse », nous dit RBC. Mais City National sera beaucoup plus intéressante en termes de revenus et de profits que toute autre institution au sud de la frontière» américaine, d’après James P. Shanahan.