La récente montée en flèche de l’intérêt pour la spéculation par les petits investisseurs constitue une menace pour le secteur du courtage selon l’agence de notation DBRS, qui estime toutefois que l’industrie canadienne, plus consolidée, serait moins vulnérable à cette vague.
Dans un nouveau rapport, celle-ci a déclaré que la pandémie de COVID-19 a été une « tempête parfaite » pour l’augmentation des transactions effectuées par les petits investisseurs autonomes.
« Alors qu’un marché haussier prolongé a été un facteur d’augmentation de la participation des investisseurs sur les marchés des actions, la volatilité accrue du marché qui a commencé au début de 2020, causée par le début de la pandémie de coronavirus, a stimulé la pratique de la négociation d’actions individuelles », précise le rapport.
Une série de facteurs, mis en commun, encourage en quelque sorte les petits investisseurs à s’intéresser à des pratiques plus spéculatives, notamment les transaction sur séance (day trading). On peut ainsi penser :
- aux mesures de verrouillage qui ont freiné les dépenses de consommation et donné aux investisseurs plus de temps pour s’engager dans l’investissement autonome;
- aux mesures de relance budgétaire qui ont augmenté les revenus disponibles, associés à des taux bas qui soutiennent la recherche de rendement;
- et au marché haussier prolongé.
Résultat, en 2020, le nombre de nouveaux comptes de courtage à escompte au Canada a augmenté de 159 % par rapport à l’année précédente, indique le rapport.
L’augmentation du nombre d’investisseurs autonomes a eu pour conséquence d’entraîner une forte hausse de la volatilité de certaines actions, ce qui peut éventuellement constituer une menace pour les sociétés de courtage en raison de l’augmentation de certaines exigences en matière de garanties et de capitaux, par exemple.
« Tout risque découlant d’une transaction irrationnelle serait préjudiciable aux sociétés de courtage en ligne où ces activités ont lieu », souligne le rapport.
Normalement, une entreprise en difficulté ne poserait pas de risque systémique, mais le DBRS estime qu’un problème pourrait survenir « si plusieurs participants au marché étaient confrontés à des exigences de garantie en augmentation rapide qu’ils ne pouvaient pas satisfaire, ce qui pourrait causer un problème de liquidité systémique ».
Ce risque est particulièrement évident aux États-Unis où Robinhood Markets a dû lever 3 milliards de dollars américains pour satisfaire à ses obligations de garantie, mais DBRS avertit qu’une telle situation pourrait également se produire au Canada.
Cela dit, par rapport aux États-Unis, le secteur canadien du courtage en ligne est davantage consolidé et est largement contrôlé par les grandes banques. Il existe des exceptions, comme des courtiers virtuels comme Wealthsimple Trade, mais le marché canadien n’est pas aussi compétitif à cet égard que le marché américain.
« Bien que cela puisse offrir moins de choix aux investisseurs de détail, un avantage de cette réalité est la disponibilité potentielle de capitaux si le besoin se fait sentir de manière inattendue », affirme le rapport.
En conséquence, DBRS considère que la menace au Canada est relativement modeste.
« Selon DBRS Morningstar, la probabilité que survienne une situation de défaut dans laquelle un courtier serait incapable de répondre aux exigences de liquidité est assez faible pour le Canada, étant donné que la plupart des maisons de courtage en ligne sont détenues par des banques bien financées », précise le rapport.
« Néanmoins, comme l’investissement autonome et la spéculation sur séance semblent continuer à susciter l’intérêt, ce qui amène un plus grand nombre de négociants indépendants et de courtiers en ligne à interagir sur les marchés, il devient impératif de s’assurer que les pratiques en matière de gestion de risques de ces entreprises tiennent compte de ce risque, en particulier dans un environnement de marché des actions plus incertain et plus volatil », ajoute-t-il.
En outre, une accumulation continue de tels risques pourrait à terme attirer l’attention des autorités réglementaires, a noté le DBRS.
« Si la spéculation effectuée de la part des investisseurs autonomes parvient à perturber davantage les marchés financiers au sens large, il pourrait attirer l’attention des régulateurs, ce qui pourrait entraîner une réglementation plus stricte pour les petits investisseurs et les maisons de courtage », affirme le rapport.