En compagnie de son collègue David-Jan Jansen, il a démontré que les changements d’humeur des investisseurs peuvent influer sur les cours au fil même des compétitions.

En analysant le cours d’une action cotée à Milan et à Paris (STMicroelectronics), les auteurs ont découvert que le déroulement d’un match de l’équipe italienne ou française influençait directement le cours du titre. Si les Bleus se dirigeaient vers une défaite, STM devenait sous-évaluée à Paris.

«Pendant les matchs, les cours de l’action étudiée peuvent être jusqu’à sept points de base en retrait dans le pays qui est sur le point de perdre», lit-on dans l’étude.

Pour Michael Ehrmann, cet intérêt pour l’effet du sport sur la Bourse découle d’une nouvelle attention portée aux comportements irrationnels sur les marchés.

«Depuis la crise financière, plusieurs recherches s’intéressent aux émotions et aux sentiments, des sujets qui ne sont pas traités dans le paradigme dominant qui postule l’efficience des marchés», explique-t-il en entrevue.

L’étude de Michael Ehrmann documente bien l’effet direct du sport sur les émotions, puisqu’elle est la seule du genre à s’intéresser, non seulement à l’effet décalé (le jour suivant), mais aussi à l’effet en temps réel d’une défaite sportive.

Des recherches précédentes avaient déjà démontré que les résultats de grandes compétitions sportives obtenus un certain jour ont une incidence sur les rendements boursiers du lendemain, à cause des changements d’humeur des investisseurs.

Le cricket plus influent que le hockey

S’étant intéressé aux matchs de soccer à cause de leur portée nationale, Michael Ehrmann hésite fort à prédire des effets similaires pour un match de hockey.

«Ce qui est difficile, dans la mesure de l’effet des émotions, c’est de détecter des événements qui ont un impact important», explique-t-il. Il note que les joutes de soccer sont moins nombreuses et qu’elles sont souvent sans appel, contrairement aux nombreux matchs des séries de la Ligue nationale de hockey.

Même les chercheurs qui se sont intéressés à l’effet des matchs internationaux de hockey n’ont pas décelé le même effet que pour d’autres sports.

Diego Garcia, professeur de finance à l’Université de Caroline du Nord, a publié un article en 2007 dans lequel il teste l’effet sur les marchés de défaites ou de victoires dans plusieurs sports (http://tinyurl.com/muz6lyx).

«De tous les sports que nous avons testés, le hockey est le seul à ne pas avoir d’effet», s’étonne Diego Garcia, en entrevue.

Le soccer a évidemment un impact important, cependant, le sport qui a le plus d’influence sur les investisseurs est le cricket. «En Inde, 98 % des revenus reliés au sport proviennent du cricket», fait remarquer le professeur.

Les autres sports qui ont le plus de conséquences sur les investisseurs et les marchés sont le rugby et le basketball.

Une défaite est pire

Diego Garcia et ses collègues ont aussi conclu que l’effet des résultats sportifs n’est pas symétrique : une défaite a beaucoup d’effet, alors qu’une victoire n’a pas d’impact significatif.

Selon lui, cela pourrait être lié au fait que l’allégeance à une équipe entraîne des prédictions biaisées de victoires qui, quand elles se produisent, ne font que conforter les fans. À l’inverse, une défaite aurait d’autant plus d’effet qu’elle n’est souvent pas prévue.

Néanmoins, les émotions positives qu’entraîne une victoire sportive auraient des conséquences bien réelles, auxquelles certaines institutions financières devraient porter attention.

Dans un article à paraître, Ran Duchin, professeur de finance à l’Université de Washington, constate qu’une victoire au Super Bowl entraîne une hausse de 4,5 % des approbations de prêts dans la localité gagnante (http://tinyurl.com/k3hnydl).

Ran Duchin croit même que des mesures devraient être mises en place pour contrer le phénomène. «Les pertes liées aux défauts de paiement sur ces prêts sont réelles, affirme-t-il en entrevue. Il serait opportun, par exemple, de faire contre-vérifier par un tiers les approbations qui suivent une telle victoire.»

Une stratégie d’investissement ?

D’autres pourraient être tentés de s’intéresser au phénomène, question d’en profiter. Diego Garcia et ses collègues ont par exemple découvert que les titres d’entreprises à petite capitalisation seraient plus touchés que les autres. Deux économistes ont aussi suggéré récemment que le fait de simplement réduire son exposition aux marchés américains durant la Coupe du monde de soccer permettrait d’éviter une baisse de rendements de 2,58 % en moyenne (http://tinyurl.com/n65oq77).

Michael Ehrmann, de la Banque du Canada, doute néanmoins que les investisseurs puissent gagner de leur connaissance de telles tendances.

«Pour en profiter, il faudrait qu’il y ait une grande variation dans le prix», croit-il. Et, ironiquement, une fois que les marchés prennent conscience de tels problèmes d’irrationalité, ils en viennent aussi souvent à corriger rapidement les anomalies… d’une manière efficiente.