Un allégement fiscal pour les entreprises dans le budget 2022 pourrait s’avérer peu pratique pour certains, étant donné l’impôt sur les revenus de placement passifs.
Le gouvernement fédéral a proposé d’augmenter le niveau de capital imposable à partir duquel une entreprise peut encore bénéficier du taux d’imposition des petites entreprises (un taux fédéral de 9 % sur la première tranche de 500 000 $ de revenu imposable, contre un taux fédéral général de 15 % pour les sociétés).
Actuellement, l’accès au taux d’imposition des petites entreprises est réduit proportionnellement lorsque le capital imposable d’une entreprise se situe entre 10 et 15 millions de dollars (M$). L’accès au taux applicable aux petites entreprises cesse complètement lorsque le capital imposable est de 15 M$ ou plus.
Le budget proposait d’éliminer l’accès de façon plus progressive, l’accès étant complètement éliminé lorsque le capital imposable atteint 50 M$.
La mesure s’appliquerait aux années d’imposition qui commencent le jour du budget ou après. Le gouvernement estime que les entreprises économiseraient environ 660 M$ en impôts entre 2022 et 2027 pour réinvestir et créer des emplois.
Les entreprises à forte intensité de capital ne sont souvent pas admissibles au taux applicable aux petites entreprises, rapporte Keith MacIntyre, associé chez Grant Thornton LLP à Halifax. Avec cette proposition, le gouvernement fédéral « accorde un allègement » à ces entreprises, comme un concessionnaire automobile ou une société immobilière.
Cependant, pour ces entreprises, « ce qui est vraiment négatif ici […], c’est que vous devrez avoir des réserves de trésorerie afin d’économiser pour une expansion future », ajoute Keith MacIntyre.
Les règles relatives aux revenus passifs empêchent cela : le plafond de la déduction pour les petites entreprises commence à être réduit lorsque les revenus d’investissement dépassent 50 000 dollars et atteint zéro à 150 000 dollars.
Ce seuil empêche une entreprise de constituer des réserves de liquidités pour verser, par exemple, un acompte sur un immeuble d’un million de dollars dont elle a besoin pour ses activités.
« Le fait que les règles sur les revenus passifs n’aient pas été ajustées en même temps pourrait rendre [cette nouvelle règle] très peu importante pour un grand nombre d’entreprises à forte intensité de capital qui épargnent prudemment », constate Keith MacIntyre.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) a néanmoins salué la proposition. « Nous félicitons le gouvernement d’avoir accepté la recommandation de longue date de la FCEI de relever ce seuil à 50 M$, ce qui encourage davantage de petites entreprises à devenir des moyennes entreprises », a déclaré le président de la FCEI, Dave Kelly, dans un communiqué.
Un autre élément du budget lié aux revenus passifs est la répression de l’utilisation de sociétés étrangères pour éviter de payer l’impôt sur les revenus passifs.
« Certaines personnes manipulent le statut de société privée sous contrôle canadien (SPCC) de leur société pour éviter de payer l’impôt supplémentaire remboursable sur le revenu des sociétés qu’elles paieraient autrement sur le revenu de placement gagné dans leur société », selon le budget.
Par exemple, pour ne plus être considérée comme une SPCC, une société pourrait déménager dans une juridiction étrangère à faible taux d’imposition, utiliser une société fictive étrangère ou transférer des portefeuilles passifs dans une société étrangère, selon le budget.
Keith MacIntyre donne l’exemple d’une entreprise constituée en société dans les îles Vierges britanniques ou dans une autre juridiction étrangère afin d’éviter le statut de SPCC et ainsi, l’impôt sur un gain en capital important lorsque vous vendez vos actions.
« Vous pourriez réduire de près de moitié vos impôts sur cette vente, selon lui. (En Nouvelle-Écosse, par exemple, les SPCC sont imposées à un taux combiné de près de 53 % sur le revenu de placement, contre 29 % pour une société générale). C’est un jeu d’arbitrage. »
Bien que le gouvernement fédéral ait tenté de contester ce type de planification devant les tribunaux, il envisage maintenant de légiférer, constate-t-il.
Le gouvernement propose de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin que, pour les années d’imposition se terminant le jour du budget ou après, les revenus de placement gagnés et distribués par des sociétés privées qui sont, en substance, des SPCC soient assujettis à la même imposition que les revenus de placement gagnés et distribués par des SPCC.
« Il s’agit d’une planification prudente » de la part du gouvernement, car ce type d’évitement est répandu, confirme Keith MacIntyre.
La mesure augmenterait les revenus fédéraux de 4,2 milliards de dollars sur cinq ans à partir de 2022-23, selon le budget.