Ernst and Young, qui supervise les procédures de faillite, a publié lundi un rapport préliminaire dans lequel il explique qu’il sera peut-être impossible de mener à bien un examen complet des finances de QuadrigaCX, en raison de la mauvaise tenue de comptes de la société.
En outre, le rapport indique que l’enquête a également été entravée par le manque de coopération de certains partenaires d’affaires de QuadrigaCX et par le nombre considérable de transactions traitées par la plateforme depuis qu’elle a été fondée, en 2013, par Gerald Cotten, de Fall River, en Nouvelle-Écosse.
« Ces transactions se dénombrent en millions », a observé George Kinsman, vice-président principal chez Ernst and Young à Halifax.
« À tout moment dans une restructuration, il faut faire une analyse des coûts par rapport aux avantages. Si on a une équipe de juricomptables qui passent une période de temps considérable (à travailler) sans aucune certitude de récupération, les gens vont devoir se demander si cela a du sens. »
À la fin du mois dernier, QuadrigaCX et ses sociétés de portefeuille associées devaient un total 215,7 M$, a révélé le rapport, écrit par M. Kinsman.
Un total de 76 319 créanciers non garantis, essentiellement des clients de QuadrigaCX, se sont manifestés pour réclamer 214,6 M$, poursuit le rapport de Kinsman.
Le cabinet a annoncé qu’il progressait dans la récupération de fonds auprès des services de traitement de paiements de Quadriga et d’autres Bourses, et envisage de déposer un rapport d’enquête dans les deux prochains mois.
Le service en ligne de Quadriga offrait une plateforme non réglementée permettant aux utilisateurs de stocker et de négocier des actifs numériques tels que Bitcoin, Litecoin et Ethereum.
Le secteur de la cryptomonnaie n’est pas réglementé au Canada et il n’existe aucun organisme pour superviser l’industrie.
À la fin de 2018, QuadrigaCX éprouvait des problèmes de liquidités depuis presque un an, principalement parce que les comptes d’un de ses services de traitement de paiements, détenant 25,7 M$, avaient été bloqués par la Banque CIBC.
QuadrigaCX a mis fin à ses activités en janvier, après le décès de Gerald Cotten, le 9 décembre, à l’âge de 30 ans, lors d’un voyage en Inde.
Toute l’entreprise s’est retrouvée dans une impasse extrême lorsqu’il a été révélé que M. Cotten était la seule personne à connaître les mots de passe pour accéder aux réserves de cryptomonnaies hors ligne de la société.
Mots de passe inconnus
À l’époque, la veuve de Gerald Cotten, Jennifer Robertson, avait produit un affidavit pour la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, dans laquelle il était indiqué que la plateforme devait 190 M$ en cryptomonnaie et 70 M$ en espèces à environ 115 000 utilisateurs.
Le 5 février, la société a obtenu la protection de la cour contre ses créanciers. Le lendemain, Quadriga a transféré par inadvertance 460 000 $ en Bitcoin à l’un de ses portefeuilles hors ligne. Ces actifs numériques restent hors de portée, car personne ne connaît les mots de passe pour y accéder.
Au début mars, Ernst and Young a indiqué que plusieurs portefeuilles hors ligne avaient été retrouvés, mais qu’ils étaient tous vides.
En outre, le cabinet d’experts-comptables a affirmé que 14 comptes d’utilisateurs avaient été créés en interne à l’aide de plusieurs alias. Certains d’entre eux étaient utilisés pour échanger des cryptomonnaies, puisant dans des dépôts « pouvant avoir été créés artificiellement », a précisé le cabinet comptable.
La procédure de faillite a débuté le 15 avril, lorsqu’il est devenu évident que la société ne survivrait pas à une restructuration.
Dans un rapport publié le mois dernier, Ernst and Young a indiqué avoir déterminé que Gerald Cotten mélangeait ses finances personnelles à celles de l’entreprise, affirmant que certains fonds Quadriga auraient pu être utilisés pour acheter des actifs détenus hors de l’entreprise.
La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse a par la suite émis une ordonnance de préservation des avoirs, qui interdit à Mme Robertson de vendre des actifs qui lui appartiennent ou appartiennent à la succession de M. Cotten.
Selon le dernier rapport, ces actifs, qui comprennent des propriétés et des entreprises, valent environ 12 M$, mais ne sont pas considérés comme des actifs de QuadrigaCX.
Mme Robertson est répertoriée comme une créancière garantie à qui 300 000 $ sont dus.