Lundi, lors du 12e Rendez-vous de l’Autorité des marchés financiers (AMF), Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF a déclaré ceci : « Il est clair que l’option d’abandonner les commissions intégrées, serait celle qui mitigerait le plus directement les enjeux soulevés dans le document 81-408, mais nous avons aussi reconnu que cette option pourrait être perturbatrice pour le secteur, et les investisseurs. »
Il a par la suite noté que les ACVM étaient à l’étape de l’élaboration des recommandations. « La consultation nous a permis d’obtenir des propositions de mesures alternatives intelligentes qui pourraient permettre d’atténuer les enjeux soulevés, sans aller jusqu’à une abolition complète des commissions intégrées. »
Louis Morisset a ajouté que les orientations finales seront rendues publiques au cours du 1er trimestre de 2018 « et elles devraient, du moins je l’espère, faire largement consensus ».
Des membres de l’industrie financière ont interprété cette déclaration comme le fait que les régulateurs jettent l’éponge en ce qui a trait à l’abolition des commissions intégrées. Gino Savard, président de MICA Cabinet de services financiers, fait partie de ce groupe et l’a même évoqué lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement, à Montréal, mardi.
« Peu d’entre nous pouvaient dire l’an dernier à l’ouverture du processus de consultation sur les commissions intégrées en investissement qu’un an après que nous allions apprendre officieusement, ce qui est arrivé hier [lors du 12e Rendez-vous de l’AMF], que le modèle de commissions intégrées allait perdurer dans notre industrie. Ce n’est pas arrivé par hasard. C’est l’expression du gros bon sens et de la mobilisation de l’industrie. Je tiens à féliciter tout le monde qui est intervenu dans le processus », a-t-il déclaré lors de l’événement.
En entrevue à Finance et Investissement, Gino Savard a précisé que les ACVM devraient, au lieu d’abolir les commissions intégrées, les encadrer différemment et, aussi, limiter l’utilisation des frais d’acquisition reportés pour éviter qu’on les offre à des personnes âgées ou dont l’horizon de placement est trop court.
Quoi qu’il en soit, lors du Congrès de l’assurance et de l’investissement, certains ont défendu les commissions intégrées, dont Pierre Lortie, conseiller principal, Affaires, chez Dentons Canada. Interdire les commissions intégrées risque de réduire l’accès au conseil financier professionnel et réduire la concurrence dans le marché, comme il l’évoquait lors d’une récente conférence.
Lire le texte: Effets d’une possible abolition des commissions intégrées
De plus, Pierre Lortie a évoqué que le conseil financier fait des clients de meilleurs épargnants, ce qui est non seulement avantageux pour leur retraite, mais pour la croissance du PIB à long terme.
« L’analyse des ACVM accorde peu de poids à l’un des rôles fondamentaux de l’intermédiation financière qui est de promouvoir l’épargne et l’accumulation de la richesse au sein d’une société et au fait que l’accessibilité des ménages aux services d’un conseiller financier est un moyen efficient d’accroître l’épargne des ménages », a-t-il souligné.
Alors que les politiques publiques devraient viser à encourager les ménages à épargner et à accumuler un patrimoine financier pour la retraite, de toute évidence, celles préconisées par les ACVM concernant les commissions intégrées vont dans la direction opposée, a-t-il noté.
« Les études empiriques démontrent que le conseil financier favorise la constitution d’un portefeuille diversifié et mieux équilibré ainsi qu’un meilleur usage des régimes d’épargne fiscalisés, ce qui améliore le rendement ajusté du risque sur les portefeuilles d’investissement », a-t-il noté.
Selon certaines études, qui ont examiné des milliers de comptes-clients et ceux de leurs conseillers au Canada et aux États-Unis, la composition des portefeuilles des clients était généralement similaire à celle de leurs conseillers, a évoqué Pierre Lortie : « Ces conclusions suggèrent que les ACVM ont posé un mauvais diagnostic: les conseillers financiers donnent les conseils qu’ils donnent parce qu’ils croient personnellement que leurs recommandations sont supérieures à d’autres options – comme en témoigne le fait qu’ils acquièrent les mêmes produits financiers pour leur propre portefeuille – et non pas parce qu’ils usent de leur position pour proposer des produits financiers qui les avantages au détriment de leurs clients. »
« Ne tuez pas la poule aux œufs d’or! »
Par ailleurs, le passage à une rémunération directe du client au conseiller pose un risque important sur le plan de l’accès au conseil financier. Plusieurs clients ayant un faible actif à investir risquent de ne pas faire appel à un conseiller s’ils doivent le payer d’abord, a souligné Henri-Paul Rousseau, vice-président du conseil de Power Corporation du Canada et de la Corporation Financière Power.
« Celui qui part avec 12 000 $, et veut les investir, s’il doit faire un chèque en partant à son conseiller, ça ne marchera pas, a-t-il lancé dans une conférence donnée lors du congrès. Si on ne préserve pas l’accès au conseil, on tue la poule aux œufs d’or. Il faut garder l’accès au conseil, car c’est l’accès qui va faire en sorte que la société va bénéficier des services-conseils. Si on ne garde pas l’accès, et en même temps les régimes de retraite privés ne sont plus à prestations déterminées, c’est l’enfer. On s’en va vers un gros problème de politique publique. »
Henri-Paul Rousseau a ajouté que « cette décision-là appartient aux politiciens et non aux régulateurs, tellement elle est importante pour l’avenir du Canada et du Québec ».
L’attachée de presse de Carlos Leitao, ministre des Finances du Québec, a répondu ceci dans un courriel lorsque Finance et Investissement a demandé au ministre s’il est en faveur ou non d’abolir les commissions intégrées dans la distribution de fonds d’investissement, tel que proposé par les ACVM: « L’AMF poursuit ses travaux de consultation et analyse sur le 81-408 ».