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Le gouvernement fédéral pourrait bientôt interdire les fusions entre les plus grandes banques canadiennes. Cette mesure figure parmi les propositions du document de consultation publié le 12 août par le ministère des Finances, visant à renforcer le secteur financier canadien.

« Le ministère des Finances envisage des mesures législatives pour interdire l’acquisition du contrôle d’une grande banque par une autre grande banque et leur fusion, sous réserve d’exemptions prudentielles ou de stabilité financière », indique le document.

La loi sur les banques définit les grandes banques comme celles qui disposent d’au moins 12 milliards de dollars (G$) de fonds propres. En tant que telle, la disposition ne se serait pas appliquée au projet d’acquisition de la Banque canadienne de l’Ouest par la Banque Nationale du Canada, ni à l’acquisition récente de la Banque HSBC Canada par la Banque Royale du Canada.

Au 31 octobre 2023, les fonds propres de la Banque Canadienne de l’Ouest s’élevaient à 4 G$. Au 31 décembre 2023, les capitaux propres de la Banque HSBC Canada s’élevaient à 7 G$.

Les institutions financières fédérales (IFF) qui souhaitent entrer au Canada, fusionner ou changer de propriétaire, doivent demander l’approbation du ministre. Le ministère des Finances souhaite obtenir des commentaires sur la question de savoir si les IFF doivent tenir des consultations publiques dans le cadre de ces demandes et, le cas échéant, de quelle manière.

En outre, le ministère souhaite préciser que le ministre peut tenir compte, dans son évaluation, du respect par le demandeur des exigences réglementaires, telles que celles liées à la lutte contre le blanchiment d’argent et à la fiscalité.

Les banques qui décident de fermer des succursales pourraient également être tenues d’en expliquer publiquement les raisons et de faciliter le transfert des comptes vers des institutions concurrentes. Le ministère des Finances souhaite notamment savoir si les banques devraient être tenues de partager les données relatives à la succursale qui ferme — par exemple, le volume des transactions par rapport à une succursale moyenne — et si une banque doit renoncer aux frais de transfert lorsqu’elle ferme une succursale.

Le document sollicitait également des retours sur les propositions concernant la protection des consommateurs, notamment :

  • Exiger des banques qu’elles bloquent ou retardent les transactions suspectées de fraude.
  • Obliger les banques à offrir aux consommateurs la possibilité de désactiver certaines fonctions bancaires, comme les virements électroniques, pour prévenir la fraude.
  • Introduire un seuil maximal de responsabilité pour les victimes de transactions non autorisées.
  • Augmenter les montants disponibles immédiatement pour les clients qui encaissent des chèques en personne.

Ingérence étrangère, IA

Le ministère des Finances envisage également des réformes législatives destinées à renforcer la sécurité du secteur financier.

« Alors que le paysage des menaces évolue et que de nouveaux risques apparaissent, le gouvernement fédéral envisage de prendre des mesures pour s’assurer que ses outils suivent le rythme afin de protéger les Canadiens et le secteur financier canadien », peut-on lire dans le document.

Au début de l’année, le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a introduit de nouvelles orientations visant à améliorer les mesures de protection contre l’ingérence étrangère potentielle dans le système financier national. Ces mesures visent à prévenir les tentatives de manipulation ou de corruption des entreprises et du personnel du secteur par des gouvernements étrangers. Cette initiative fait suite à une législation récente ayant élargi les pouvoirs du ministère des Finances et du BSIF pour faire face à ces menaces.

Le ministère des Finances envisage désormais d’établir une structure plus formelle pour superviser les risques liés à la sécurité nationale dans le secteur financier. Cette nouvelle structure aurait pour rôle de coordonner les consultations et de faciliter l’échange d’informations entre les régulateurs et les autorités gouvernementales concernées.

Il envisage également d’élargir les pouvoirs du BSIF pour qu’il puisse se pencher sur les risques de sécurité liés aux activités des institutions financières, ce qui peut inclure les accords de gouvernance d’une entreprise et les relations entre les institutions financières et leurs actionnaires, administrateurs et dirigeants.

Le document envisage en outre des réformes destinées à renforcer la coopération réglementaire lorsque les autorités fédérales partagent des informations avec les provinces et le secteur sur les menaces pour la sécurité.

« L’amélioration de l’échange d’informations pourrait permettre aux entités financières ou aux régulateurs du secteur financier de mieux identifier et mettre en œuvre des mesures proactives pour faire face aux risques liés à l’intégrité et à la sécurité et de mieux répondre aux attentes des régulateurs et des superviseurs », indique le document.

Outre les mesures conçues pour mieux se prémunir contre les menaces extérieures, le document examine également la nécessité de traiter certains des risques posés par l’adoption croissante de l’intelligence artificielle (IA) dans le secteur financier et les menaces éventuelles pour la stabilité financière.

À cette fin, il sollicite des commentaires sur son travail visant à renforcer le leadership fédéral et à développer une stratégie fédérale sur l’utilisation responsable de l’IA. En outre, le document envisage d’autres réformes qui vont au-delà des questions de sécurité, notamment des mesures destinées à améliorer la prévisibilité de la réglementation, tant pour le secteur que pour les investisseurs.

Il pourrait s’agir de publier des fiches d’impact des mesures réglementaires, de fournir des annonces coordonnées et périodiques sur les mesures réglementaires probables à venir et de mettre en place un nouveau forum pour collaborer sur les questions internationales.

Le document indique que la création d’un environnement réglementaire plus prévisible permettrait aux entreprises du secteur de planifier plus facilement les réformes réglementaires et de s’y adapter, tout en facilitant les affaires et en apportant plus de certitude aux investisseurs.

Parallèlement, le gouvernement envisage de prendre des mesures pour protéger la concurrence et éviter les conflits d’intérêts en limitant ou en interdisant les « directions interdépendantes ». Ces derniers existent lorsqu’un employé ou un administrateur d’une entreprise siège également au conseil d’administration d’autres entreprises du même secteur ou y détient d’autres intérêts.

« Limiter l’imbrication des conseils d’administration pourrait encourager un plus grand nombre de personnes à siéger en tant qu’administrateurs, ce qui apporterait des perspectives et des compétences diverses, et pourrait favoriser une meilleure gouvernance des institutions financières », indique le document.

La consultation vise également à recueillir des commentaires sur la révision du seuil de déclenchement de l’obligation de détention publique pour les entreprises financières. Au-delà d’une certaine taille, les entreprises doivent avoir au moins 35 % de leurs actions avec droit de vote cotées en bourse. Ce seuil a été actualisé pour la dernière fois en 2007.

Le gouvernement envisage finalement de réviser d’autres seuils statutaires qui s’appliquent aux entreprises du secteur financier, notamment les limites imposées aux activités de financement spécialisé et aux pouvoirs d’investissement, et sollicite des commentaires sur la question de savoir si ces seuils devraient être déplacés de la législation vers la réglementation.

Les réactions à la consultation sont attendues pour le 11 septembre.

Ce document constitue la troisième phase de l’examen par le gouvernement de la loi sur les banques, de la loi sur les compagnies d’assurance et de la loi sur les sociétés de fiducie et de prêt.

Les consultations précédentes ont porté, entre autres, sur les risques émergents pour le secteur financier, les obstacles à l’accès aux services bancaires, les questions de concurrence et la collaboration fédérale-provinciale.