Devant la concurrence croissante des jeunes entreprises, les attentes grandissantes des clients et l’augmentation de la demande numérique, les banques accélèrent leur passage à l’infonuagique.
La tendance s’était amorcée avant la pandémie, mais la fermeture soudaine de succursales et de bureaux en mars 2020 a contraint les banques à se fier encore davantage aux systèmes en ligne, selon Robert Vokes, directeur général des services financiers canadiens de la firme Accenture.
« En mars 2020, tout le monde a soudainement réalisé qu’il avait besoin d’un service plus rapide. Cela a été un sérieux avertissement », raconte-t-il.
Des systèmes infonuagiques, parfois gérés par les banques, mais plus souvent par des entreprises tierces du secteur des technologies, permettent aux données de circuler plus rapidement et plus librement. Les banques peuvent plus facilement caractériser chaque client, s’automatiser encore plus et épargner de l’argent.
L’idée existe depuis la bulle internet, mais l’équipement ne permet de le réaliser que depuis quelques années, ajoute Robert Vokes.
« Nous ne disposions pas des moyens techniques, mais la technologie a rattrapé son retard. »
Plusieurs banques ont conclu des accords avec des sociétés offrant des services infonuagiques au cours des derniers mois. Ainsi, la CIBC a signé un contrat avec Microsoft Azure, la Scotia avec Google Cloud et la BMO avec Amazon Web Services.
La BMO vient de compléter une première grande transformation de son système depuis son entente avec Amazon en transférant toutes ses activités financières sur le nuage, une opération qui nécessitait de transférer l’équivalent d’un millier de serveurs de données.
La banque a décidé d’aller de l’avant parce qu’elle est maintenant convaincue que les infrastructures infonuagiques sont bien établies et fiables, explique Sid Deloatch, de la BMO.
« Nous avons atteint le seuil. Nous sentions que la technologie existait. Nous sommes persuadés qu’elle existe maintenant. C’est pourquoi nous allons de l’avant », dit-il.
La transformation permettra à la BMO d’offrir des décisions automatisées pour des prêts. Elle pourra épargner jusqu’à 30 % sur ses frais d’exploitation.
Selon Sanjay Pathak, de la firme PwC, les banques hésitaient à franchir le pas à cause du grand nombre de fichiers accumulés sur les anciens systèmes au cours des dernières décennies.
« Démêler les activités courantes des anciennes techniques est très, très complexe. Cela peut être très risqué et perturber une entreprise », souligne-t-il.
Convaincre les directions a été une tâche très difficile, car le passage à l’infonuagique signifie d’abandonner le contrôle sur des infrastructures mises en place depuis plusieurs décennies. Toutefois, les banques ne peuvent plus accuser de retard dans ce domaine en raison de la pression de leur clientèle et des attentes de leurs employés qui souhaitent des procédures plus homogènes, dit Sanjay Pathak.
Les plus petites banques ont pu agir plus rapidement. Ainsi EQ Bank a pu se convertir à l’infonuagique dès 2019. Les jeunes pousses financières pouvaient démarrer leurs activités directement sur le nuage, contraignant les banques à réagir.
« Une grande pression est exercée sur les services financiers par les entreprises de technologie financière. Celles-ci ont souvent vu le jour sur le nuage. Elles peuvent bouger très rapidement en raison de leur pleine capacité numérique », décrit Hillery Hunter, d’IBM Cloud.
Selon elle, plusieurs banques transfèrent leurs systèmes de base sur le nuage parce qu’une grande partie de leurs données doivent être intégrées. Ces données doivent être rapidement disponibles afin de prendre sur le champ certaines décisions, notamment pour des prêts.
« Les consommateurs sont devenus assez impatients. Ils s’attendent que les choses soient disponibles sur le champ. »
Inquiétudes
Toutefois, le recours à une partie tierce, pour entreposer des données personnelles financières, soulève des inquiétudes chez certains régulateurs.
La Banque d’Angleterre a indiqué en octobre que des mesures sont nécessaires pour « minimiser les risques à la stabilité financière créés par la concentration de services fournis par une partie tierce ».
Le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada a publié au début du mois un projet de ligne directrice au sujet de la gestion du risque lié aux technologies et du cyberrisque. Selon lui, les banques et autres institutions financières devraient planifier des stratégies de sortie judicieuse et tenir compte de la transférabilité des données d’un fournisseur de services d’infonuagique à un autre.
Le Bureau compte publier des lignes directrices visant plus précisément les tierces entreprises au début de 2022.
La sécurité des données et s’assurer que les entreprises de hautes technologies n’aient pas trop de pouvoir pour dicter leurs conditions sont les principales sources d’inquiétudes, affirme Sanjay Pathak. Selon lui, ces entreprises ont la taille et la rapidité pour devenir une menace.
« La tension est en croissance. Les fournisseurs infonuagiques deviennent des concurrents. Ils sont une menace réelle pour les banques. »