Ces organisations demandent l’intervention du gouvernement fédéral.
Selon la présidente de la Black Business and Professional Association, Nadine Spencer, les propriétaires d’entreprises noirs sont victimes de micro-agressions, des préjugés inconscients et de discrimination dans le secteur bancaire. La publication de ces données contribuerait à responsabiliser les banques.
« Pour que nous puissions avancer, nous devons examiner les données, examiner les lacunes et résoudre les problèmes », soutient-elle.
Nadine Spencer souhaite que les gouvernements et les institutions financières parlent aux propriétaires d’entreprise et leur demandent ce dont ils ont besoin.
« La première chose que les institutions financières peuvent faire est de considérer chaque client comme un contributeur à leur base de revenus et de les respecter comme ils le devraient », dit-elle.
Aux États-Unis, les banques doivent assurer le suivi des données des entreprises demandeuses de prêt par race, genre, revenu et lieu de localisation depuis plus de 40 ans en vertu de la Community Reinvestment Act. Cette mesure avait été conçue afin d’encourager les banques à mieux servir les quartiers à faible revenu et les communautés racialisées.
Duff Conacher, cofondateur de Democracy Watch, suggère que le gouvernement fédéral imite les Américains dans ce domaine afin de lutter contre le racisme systémique.
« Quatre de nos six grandes banques canadiennes ont des divisions américaines qui ont respecté pendant des décennies la loi aux États-Unis, mais elles n’ont rien fait ici pour faire la lumière sur la discrimination », dit-il.
Il s’agit de la Banque de Montréal, de la Banque Canadienne Impériale de Commerce, de la Banque Royale et de la Banque Toronto-Dominion.
Herbert Schuetze, un professeur d’économie à l’Université de Victoria, dit que la divulgation de telles données encouragerait davantage de chercheurs à déterminer si les entreprises appartenant à des personnes racialisées obtiennent le même accès au crédit et à d’autres services. Il souligne que les études américaines ont montré une différence de traitement pour ces personnes aux États-Unis et déplore que de telles recherches ne puissent pas être efficacement réalisées au Canada.
« Je ne serais pas surpris de voir ce problème [ici], mais sans les données, nous ne pouvons pas en mesurer l’ampleur au Canada. »
Le gouvernement fédéral en septembre des investissements pouvant aller jusqu’à près de 221 millions de dollars (M$) en partenariat avec des institutions financières canadiennes pour créer le tout premier Programme pour l’entrepreneuriat des communautés noires du Canada.
Selon Duff Conacher, ce programme est insuffisant.
Une porte-parole de la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a déclaré que le gouvernement libéral était ouvert à l’adoption d’autres mesures, bien qu’il ne s’y soit pas engagé.
« Le gouvernement fédéral entreprend actuellement des consultations prébudgétaires. Nous invitons tous les Canadiens à partager leurs idées et leurs priorités, sollicite l’attachée de presse Katherine Cuplinskas. Nous savons qu’il reste encore beaucoup de travail à faire. »
Un porte-parole de la RBC, André Roberts, dit que l’institution ne recueille pas d’informations sur la race ou le genre lorsque les clients accèdent aux services et rappelle que la banque participe au programme d’entrepreneuriat des Noirs.
Un porte-parole de la Banque de Montréal, Jeff Roma, ne précise pas si BMO appuie la divulgation de données, mais indique aussi sa participation au programme fédéral d’entrepreneuriat des Noirs.
La Banque TD ne dit pas sa position sur ce sujet tandis que la CIBC n’a pas répondu à La Presse Canadienne.
« Les banques collectent déjà ces données pour tous leurs emprunteurs et peuvent facilement ajouter une case sur le formulaire leur demandant s’ils veulent être identifiés comme un membre d’une minorité visible », dit Duff Conacher.
Vivian Kaye soutient avoir été victime de discrimination de la part de sa banque depuis la fondation de son entreprise, il y a huit ans. Des agents de sa banque ont souvent remis en question les transferts d’argent qu’elle avait effectués et ne lui ont jamais offert une marge de crédit, même s’ils pouvaient constater que son entreprise était en croissance.
Caroline Shenaz Hossein, une professeure de commerce de l’Université York, croit que la ventilation des données permettrait de savoir qui a accès aux services bancaires au Canada et qui ne l’a pas.
Elle dit que de nombreux Noirs, dont elle-même, se sont tournés vers les services bancaires en ligne, même avant la pandémie de COVID-19, pour éviter d’être confrontés au racisme dans les succursales bancaires.
« Je détestais cette humiliation. On me regardait de haut comme si j’étais une sorte de complice d’un terroriste, parce que je suis une Noire originaire des Caraïbes, raconte-t-elle. Nous connaissons déjà le racisme systémique et il existe. Nous n’avons pas besoin de données pour nous en dire plus. Nous voulons savoir qui obtient réellement les prêts. »
Shannin Metatawabin, PDG de la National Aboriginal Capital Corporations Association, qui propose un financement alternatif aux entreprises autochtones, juge que la publication de données bancaires permettrait aux organisations comme la sienne de créer de nouveaux produits ou de plaider pour de meilleurs services.
« Historiquement, les Noirs, les Autochtones et les personnes de couleur ont toujours qu’une pensée après coup. Satisfaire aux besoins de notre communauté a toujours été précédées par la satisfaction à ceux de la clientèle traditionnelle. »
Le professeur Herbert Schuetze croit que la création d’un système de notation pour les institutions financières afin de les encourager à accorder des prêts aux entreprises appartenant à des minorités un impact positif.
D’autres mesures pourraient contribuer à lutter contre cette discrimination, notamment l’octroi de subventions de démarrage aux entreprises appartenant à des minorités.
« Si l’on peut réduire les obstacles, alors, évidemment, l’accès au capital des institutions financières augmentera. »