Les pénalités administratives imposées à des tiers existent depuis 2000 et servent à empêcher les planifications fiscales abusives, c’est-à-dire les stratégies fiscales qui respectent ce qui est écrit dans la loi, mais contreviennent délibérément à l’esprit de la loi.
Ces dernières années, les autorités fiscales ont voulu leur donner plus de mordant. Ainsi, en 2009-2010, de nouvelles pénalités ont été introduites pour frapper les gens qui font la promotion d’arrangements abusifs.
«Ces pénalités s’inscrivent dans le cadre des régimes de divulgation des planifications fiscales agressives», remarque Thimoté R. Huot, avocat chez Spiegel Sohmer.
Pénalités sévères
Ces peines ne sont pas les mêmes au fédéral et au provincial.
«L’ARC a adopté des pénalités plus dissuasives, explique François Barette, associé en fiscalité chez Fasken Martineau, parce qu’elles touchent aussi bien le promoteur et le conseiller que le contribuable. Revenu Québec (RQ), pour sa part, prévoit une pénalité pour le contribuable. Par contre, lorsqu’il est prouvé que la planification fiscale est abusive, la règle générale anti-évitement s’applique, et elle prévoit une peine pour le promoteur.»
Au fédéral, la pénalité s’élève à 100 % des honoraires touchés. «Et toutes les personnes impliquées dans la planification fiscale abusive sont responsables conjointement, expose Thimoté R. Huot. Donc, si une personne ne paie pas sa pénalité, les autres devront payer à sa place.»
Au provincial, la pénalité qui s’applique au promoteur est fixée à seulement 12,5 % des honoraires auxquels il avait droit.
«Par contre, note Geneviève Provost, associée principale en fiscalité chez Deloitte, il est plus facile de s’en sortir au fédéral. Car pour être considéré comme ayant fait la promotion d’une stratégie d’évitement, il faut deux des trois éléments suivants : des honoraires conditionnels à l’avantage fiscal, une invocation du droit de confidentialité et une protection contractuelle si le contribuable ne touche pas l’avantage fiscal promis.»
Au Québec, en revanche, dès qu’il y a un abus de l’esprit de la loi, le promoteur tombe sous le régime de pénalités.
Diligence raisonnable
Naturellement, il est possible de contester ces pénalités aux tiers. «Les agences de revenu du Québec et du Canada conviennent que la diligence raisonnable peut servir de défense», note François Barette.
Or, pour faire preuve de diligence raisonnable, un conseiller doit «faire preuve de jugement et d’un esprit critique, veiller à ce qu’il n’y ait pas d’incohérence, explique Denis Langelier, associé chez PricewaterhouseCoopers. Il doit poser des questions, aller au fond des choses… Par exemple, si la stratégie comporte une fiducie, il doit demander à voir l’acte de fiducie.»
Notons que le conseiller ou le planificateur financier ont une responsabilité même si leur rôle se limite à adresser le client à un promoteur en lui disant de consulter un expert fiscal. «Il ne peut pas envoyer un client à n’importe qui, dit Denis Langelier. Il doit vérifier la réputation du promoteur, connaître les grandes lignes de la stratégie, etc.»
S’il est mêlé à une affaire de planification fiscale abusive, pour se disculper, non seulement le conseiller devra avoir fait son devoir de diligence, mais il devra aussi être capable de le démontrer. Ce qui implique de bien documenter le dossier.
«Par exemple, dit François Barette, il pourrait se protéger en suggérant au client de faire une divulgation préventive. Mais si le client ne l’écoute pas, il doit avoir en sa possession un document qui prouve qu’il lui a fait cette recommandation.»
«Une autre façon d’éviter les problèmes serait de demander une décision anticipée des autorités fiscales, note Geneviève Provost. Pour ce faire, le conseiller ou le promoteur devra expliquer les étapes de la stratégie et les résultats fiscaux qui en découlent. La décision qui sera rendue par les agences de revenu les lie alors pour la période concernée à condition que les faits donnés pour l’analyse soient exacts.»
François Barette, quant à lui, a des réticences à recommander cette solution en raison des délais – souvent quelques mois – et des coûts d’une décision anticipée. «Il est préférable de demander l’opinion d’un fiscaliste sur l’opération et sur ses conséquences fiscales avant la mise en oeuvre», dit-il.
Denis Langelier ajoute qu’un conseiller qui a moins de connaissances en planifications fiscales agressives doit impérativement demander l’avis d’un expert, «car la loi n’est pas clémente pour les gens naïfs ou qui ne s’informent pas de la législation».