Les conseillers font le point sur l’avertissement des autorités de régulation concernant les récompenses de type « pay-to-play » et celles basées sur des objectifs de vente, et nombre d’entre eux se félicitent de ce nouvel examen.
Au début du mois, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) et l’Organisme canadien de réglementation des investissements (OCRI) ont envoyé un courriel aux sociétés et aux représentants inscrits, les avertissant que la mention – ou la simple participation – à des récompenses basées sur les ventes, les actifs sous gestion (ASG) ou la génération de revenus dans les interactions avec les clients serait considérée comme « une lacune en matière de conformité ».
Le courriel mentionne des références sur les sites web et les profils LinkedIn, mais les ACVM ont refusé de commenter d’autres exemples d’interactions avec les clients, affirmant que cela pourrait constituer un conseil juridique.
« Nous encourageons les entreprises à examiner les règles avec leur conseiller juridique », a écrit Ilana Kelemen, conseillère stratégique principale auprès de l’ACVM, dans un courriel.
Bien qu’il soit présenté comme un « rappel », le courriel d’avertissement des régulateurs semble avoir pris le secteur au dépourvu, compte tenu de la prolifération des programmes de récompenses pour les conseillers au cours des dernières années.
Néanmoins, les défenseurs des investisseurs et les conseillers se sont déclarés satisfaits de cette initiative.
« Je suis très favorable à la position adoptée par les autorités de régulation sur cette question », affirme Jean-Paul Bureaud, directeur exécutif et PDG de FAIR Canada.
S’il n’y a rien de mal à reconnaître les réussites, ajoute-t-il, les récompenses du type de celles décrites par les régulateurs « sont potentiellement trompeuses et peuvent suggérer que le conseiller est plus compétent et plus apte à servir le client qu’il ne l’est réellement ».
David O’Leary, fondateur et directeur de Kind Wealth à Toronto, connaît bien les détails des programmes de récompenses. Il a présidé le Morningstar Canadian Investment Awards Committee – un programme qui a cessé d’exister après que la CVMO ait publié en 2015 des directives stipulant que les gestionnaires de fonds ne peuvent annoncer que des récompenses fondées sur des critères quantitatifs. Les prix Morningstar prenaient également en compte des critères qualitatifs.
Bien que David O’Leary ait exprimé des inquiétudes quant à la position adoptée par la CVMO en 2015, il a déclaré qu’il soutenait la mise en garde des ACVM et de l’OCRI concernant les récompenses accordées aux conseillers.
« Si l’on veut évaluer correctement un conseiller, il faut qu’il y ait une composante qualitative, assure David O’Leary. Si l’évaluation est uniquement quantitative, elle finira inévitablement par s’appuyer sur les actifs sous gestion et le nombre de clients servis, plutôt que sur la question de savoir si un conseiller fait du bon travail. »
Il ajoute qu’il est plus difficile de comparer les conseillers que les gestionnaires de fonds en raison des différences dans les besoins et les caractéristiques des clients.
Par conséquent, « de nombreuses récompenses ne sont pas fondées sur la question de savoir si ces conseillers font du bon travail pour leurs clients, mais plutôt sur la capacité des conseillers à vendre, constate-t-il. Cela crée beaucoup plus de dégâts que ça ne rapporte de bienfaits. »
Darren Coleman, gestionnaire de portefeuille senior, groupe de clients privés, chez Coleman Wealth à Oakville, en Ontario, reconnaît que la comparabilité est un défi inhérent aux prix décernés aux conseillers.
« Essayer d’utiliser des classements et d’autres éléments pour distinguer les gens ou démontrer leurs compétences est une chose très délicate à faire, souligne Darren Coleman, qui a remporté plusieurs prix au sein de son entreprise et de tierces parties. Tous ces classements sont de toute façon problématiques, parce qu’il y a tellement de variables sur lesquelles quelqu’un pourrait choisir un conseiller. »
Il a utilisé l’analogie entre le choix d’un film en fonction de son succès au box-office et celui d’un restaurant en fonction de son chiffre d’affaires. « Vous pourriez dire que McDonald’s fait des hamburgers minables, mais qu’ils ont beaucoup de succès, n’est-ce pas ? »
Rona Birenbaum, fondatrice et présidente de Caring for Clients à Toronto – et ancienne lauréate du prix – soutient les efforts des régulateurs visant à minimiser la confusion pour les clients.
« Nous voulons que les consommateurs soient en mesure d’évaluer leurs options de manière objective, sur la base de critères qui reflètent ce que les consommateurs veulent aujourd’hui – et non pas ce qui les impressionnait il y a 25 ans, comme l’actif sous gestion », affirme-t-elle. Si vous demandez aux consommateurs de dresser une liste des attributs qu’ils recherchent chez leur conseiller idéal, « vendeur ou spécialiste du marketing talentueux » ne figurerait probablement pas parmi les dix premiers.
Darren Coleman reconnaît que cette politique devrait inciter les conseillers à revoir leur communication avec les clients et les prospects.
« Le conseiller doit être capable d’articuler sa proposition de valeur, à mon avis, sans représenter les performances passées de l’investissement – parce que cela n’est pas reproductible », dit-il.
Et maintenant qu’un conseiller ne peut plus s’appuyer sur ses succès passés, « il doit trouver un autre moyen de démontrer au client qu’il peut être un bon choix. [La restriction des prix] ne fait qu’élever un peu la barre quant à notre capacité à le faire ».
Tout le monde n’est pas d’accord pour dire que les régulateurs ont visé juste.
Rob Pollard, gestionnaire de portefeuille senior, groupe de clients privés, The Wyndham Group, à Toronto, déclare qu’il est d’accord sur le fait que les récompenses liées à la rémunération et à la vente pouvaient induire les clients en erreur. « Une récompense ne devrait jamais être basée sur la production, car cela crée un mauvais comportement », résume-t-il.
Mais inclure les actifs sous gestion dans l’avertissement « n’a pas beaucoup de sens, parce que si vous êtes bon, vous allez probablement croître », continue-t-il.
Mais il espère que la conversation évoluera au-delà du mérite des prix eux-mêmes. « J’aimerais que le débat se concentre davantage sur les bons résultats pour les clients et sur les éléments que nous pouvons mesurer en termes de résultats », partage-t-il.
En pratique, les entreprises commencent à examiner les profils et les sites web des conseillers afin d’apporter les changements nécessaires. Darren Coleman affirme ne pas être préoccupé par la suppression des références de récompenses dans ses profils en ligne.
« Évidemment, nous aimons dire à nos clients que nous avons gagné l’Oscar, le Tony et le Grammy, plaisante-t-il. Mais je ne sais pas à quel point les clients accordent de l’importance aux récompenses [de l’industrie]. À la fin, je préfère que mon client continue à me choisir. En fin de compte, c’est la bonne forme de reconnaissance – que les clients pensent que nous pouvons effectuer le travail ».