Le 10 janvier, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières publieront leur document de consultation tant attendu sur les commissions de suivi et autres rémunérations versées par les compagnies de fonds aux instances prodiguant des conseils aux investisseurs. Comme l’ont indiqué les ACVM dans un communiqué de presse le 15 décembre, ce document explorera « l’option d’abandonner les commissions intégrées et les répercussions d’un tel changement pour les investisseurs et les participants au marché canadien ».
La publication de ce document ravivera le débat sur l’opportunité de protéger les investisseurs dans les fonds contre les conflits d’intérêts inhérents aux paiements effectués par les compagnies de fonds communs aux courtiers et conseillers qui ont vendu leurs fonds.
Lire aussi – Les conseils ont un prix, mais quelle en est la valeur?
L’avis qui prévaut parmi les autorités canadiennes, avec au premier plan le personnel de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, est que ces conflits liés aux rémunérations doivent être endigués. Les revendications visant à interdire les paiements aux conseillers intégrés aux frais de gestion des fonds reçoivent le soutien massif des associations de consommateurs comme FAIR Canada, l’association de protection des petits investisseurs et le comité consultatif de la CVMO pour les investisseurs.
Tout aussi opposés à ces mesures, on trouve la plupart des sociétés de gestion de fonds et de conseils et leurs associations professionnelles respectives, comme l’Institut des fonds d’investissement du Canada et Advocis, l’association canadiennes des conseillers en finance. Ces derniers affirment que les investisseurs devraient continuer à être libres de choisir la façon dont ils veulent rémunérer les conseils qu’ils reçoivent, invoquant à cet effet des sondages montrant le soutien populaire dont bénéficient les modèles de rémunération existants.
Ils affirment aussi que, nonobstant l’émergence de sociétés de conseillers-robots à frais très faibles et placements minimaux très abordables, l’élimination des commissions de suivi et d’autres formes de rémunération intégrée aboutirait à une situation où une vaste portion du public d’investisseurs moins aisés serait privée d’accès aux conseils, car les comptes de conseil traditionnels rémunérés sur honoraires doivent habituellement avoir une taille minimum beaucoup plus grande que ne peuvent se le permettre la plupart des gens.
La publication du document de consultation par les ACVM sera suivie d’une période de commentaires de 150 jours, beaucoup plus longue que les 90 jours habituels, autre indication que ce que les autorités ont à l’esprit est un démarquage complet du statu quo, qui alignerait le Canada sur le Royaume-Uni et l’Australie : deux pays qui ont éliminé les rémunérations intégrées pour les fonds.
Lire aussi – Guide du MRCC 2 2016
Parallèlement à ce qui promet d’être un débat animé sur l’avenir des commissions de suivi, une série d’autres développement statutaires liés aux conseils financiers seront abordés en 2017, les plus importants d’entre eux étant une amélioration de la transparence sur le coût des conseils et les rendements personnalisés des investisseurs, et la proposition d’une norme du meilleur intérêt.
Le MRCC2 ouvrira les yeux des investisseurs sur les frais et les rendements
Dès le début de la nouvelle année, les exigences règlementaires consistant à préciser le coût en argent des conseils et services passeront à la vitesse supérieure. En effet, les sommaires annuels sur les frais doivent porter sur des périodes de 12 mois, et la plupart d’entre eux coïncident avec l’année civile.
Tombant sous le coup du Modèle de relation client-conseiller, phase 2 (abrégé en MRCC2), les rapports annuels sur les frais et les rémunérations ont commencé à être introduits le 15 juillet. Ils ouvriront les yeux des investisseurs sur certain des coûts les moins transparents, notamment les commissions de suivi et d’autres rémunérations intégrées.
À supposer que les investisseurs lisent les nouveaux rapports, certains de ceux qui ne se doutaient pas des rémunérations qu’ils versaient aux conseillers seront probablement choqués, notamment ceux qui pensaient à tort qu’ils ne leur versaient rien du tout.
Cependant, grâce à la solidité générale des marchés boursiers en 2016, les conseillers auront évité le pire cas de figure : être obligés de dévoiler le montant de ce qu’ils ont gagné au cours d’une année où leurs clients ont perdu de l’argent.
En même temps que la transparence des frais continuera à être mise en vigueur, il en ira de même pour l’exigence faite par le MRCC2 de publier aux investisseurs les taux de rendements internes de leurs placements. Les rendements pondérés selon le temps, qui ne sont pas adaptés à l’expérience de chaque investisseur, pourront encore être publiés, mais cette publication ne sera pas obligatoire.
Une norme du meilleur intérêt? Les autorités elles-mêmes n’arrivent pas à se mettre d’accord
Les bouleversements potentiels les plus profonds affectant l’avenir des conseils financiers seraient l’adoption d’une norme réglementaire du meilleur intérêt. Ainsi que l’indique un document de consultation des ACVM publié le 6 avril, il s’agirait d’une norme de conduite plus élevée que l’obligation actuellement faite aux conseillers de s’occuper de leurs clients avec équité, honnêteté et bonne foi.
Ursula Menke, présidente du panel consultatif de la CVMO pour les investisseurs, a indiqué lors d’une table ronde convoquée le 6 décembre par la CVMO que la plupart des membres de l’organisation n’étaient pas astreints à une norme professionnelle de conduite vis-à-vis de leurs clients et qu’ils se trouvaient en situation de conflit d’intérêts parce qu’ils se faisaient payer par ceux qui fournissaient les produits de placement qu’ils vendaient. « L’imposition d’une norme du meilleur intérêt contribuerait beaucoup au réalignement des intérêts des investisseurs et des membres », a-t-elle dit.
Toutefois, la norme du meilleur intérêt proposée n’empêcherait pas les conseillers de ne vendre que les produits exclusifs de leur firme, et les conseillers ne seraient pas non plus astreints à offrir les produits les moins chers. Ce serait aussi une norme moins forte que celle du « devoir fiduciaire » qui s’applique aux gestionnaires de portefeuilles agréés, et c’est la raison pour laquelle l’Association des gestionnaires de portefeuille du Canada cherche à obtenir une exemption pour les gestionnaires de portefeuille qui sont des fiduciaires.
Il y a une opposition très répandue aux propositions de norme du meilleur intérêt au sein de l’industrie des placements destinés aux particuliers. Toutefois, les sociétés de fonds et les distributeurs ne sont pas les seuls à s’y opposer. Les autorités de règlementation elles-mêmes n’arrivent pas à se mettre d’accord.
Actuellement, seules deux d’entre elles — la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et son homologue du Nouveau-Brunswick — se sont déclarées en faveur de la mise en œuvre d’une norme du meilleur intérêt. La plupart des autres juridictions organisent des consultations et réservent leur jugement, à l’exception de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique, qui y est opposée.
Se faisant l’écho des critiques émanant de l’industrie comme celles qui se sont exprimées lors de la table ronde de la CVMO en la personne de Ian Russell, PDG de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières, la CVMCB considère inacceptable le manque de clarté sur les tenants et les aboutissants d’une norme du meilleur intérêt. « L’adoption généralisée et vague d’une norme du meilleur intérêt suscitera une incertitude parmi nos membres, dit la CVMCB, et peut être inapplicable dans le contexte règlementaire et commercial actuel. »
Au cœur du débat sur le meilleur intérêt se trouve la question de savoir ce qu’il faut faire de plus pour résoudre les conflits d’intérêts relatifs aux dispositions prises à l’égard des rémunérations et des mesures incitatives pour vendre les produits de placement. À cet effet, conformément à ce qui a été annoncé le 15 décembre, les ACVM se sont livrées à des recherches sur les pratiques de l’industrie, de même que l’Organisme canadien de règlementation du commerce des valeurs mobilières et l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels.
Mme Menke, présidente du panel consultatif de la CVMO pour les investisseurs, est convaincue que la question de conflits potentiels avec les conseillers doit être résolue afin d’en améliorer l’issue pour les investisseurs, et qu’une plus grande transparence ne suffit pas. « Une cause essentielle de la baisse des rendements du client est la prévalence de modes de rémunération conflictuels qui font monter le coût des placements pour les investisseurs, a-t-elle dit lors de la table ronde. Les investisseurs ont besoin de la protection que peut leur procurer une norme du meilleur intérêt bien appliquée. »