Certains calculs sur les investissements sont simples et sans détours, mais déterminer la valeur des conseils ne l’est certainement pas. Après tout, donner des conseils est quelque chose d’assez personnel, ou du moins devrait l’être. Contrairement à un baril de pétrole brut ou une once d’or, les conseils ne sont pas uniformes.
Les études qui cherchent à quantifier la valeur des conseils sont basées sur l’expérience collective des investisseurs dans leur ensemble. Les situations personnelles, bien entendu, peuvent fortement dévier de la norme collective. Chaque professionnel du placement apportera un peu ou beaucoup de valeur à l’expérience de l’investisseur, ou pourra à l’inverse avoir un impact nul ou négatif.
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Les derniers calculs sur la valeur des conseils dans l’expérience collective des investisseurs sont présentés cette année dans une nouvelle étude, intitulée The Gamma Factor and the Value of Financial Advice (Le facteur gamma et la valeur des conseils financier), menée par le Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, connu sous le nom de CIRANO.
Issue d’une collaboration entre Claude Montmarquette et Nathalie Viennot-Briot, l’étude de 2016 est basée sur des données provenant d’un sondage d’Ipsos-Reid. Le sondage d’opinion a été réalisé en 2014 auprès de 1 584 foyers, 487 d’entre eux ayant eu recours à un conseiller et 1 097 n’y ayant pas eu recours. Chaque participant était âgé d’au moins 25 ans, avec des actifs d’au moins 1 000 $ et un revenu du ménage de moins de 250 000 $.
Dans leur plus récente étude, les chercheurs de CIRANO n’ont pas pris en compte tous les ménages qui avaient recours à un conseiller financier, limitant plutôt leur analyse aux foyers qui en avaient choisi un délibérément. Ce tri éliminait les ménages qui avaient été démarchés directement par un conseiller.
Cette approche plus sélective diffère de l’étude initiale de 2012, qui analysait tous les ménages ayant recours à un conseiller. La première étude avait suscité des critiques selon lesquelles les ménages qui faisaient appel à un conseiller étaient plus riches car c’étaient elles que les conseillers ciblaient.
La conclusion clé de la nouvelle étude de CIRANO, qui est conforme aux constatations tirées plus tôt de son sondage, révèlent que les investisseurs qui ont recours à un conseiller sont mieux lotis à long terme.
Le résultat affiché pour l’industrie des conseils, évoqué avec enthousiasme par les organismes professionnels comme l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC) et Advocis, est un écart de richesse de 290 % en faveur des fournisseurs de conseils.
C’est à dire que les 487 ménages qui ont choisi et retenu les services d’un conseiller financier ont accumulé 290 % plus d’actifs en moyenne sur 15 ans que les 1 097 ménages qui n’ont pas de conseillers.
Ce chiffre est largement supérieur à l’écart de 173 % calculé dans l’étude de 2012, ce que les auteurs attribuent à une combinaison de performances améliorées des marchés financiers et de méthodologie affinée.
D’après les recherches de CIRANO, l’impact des conseils était bien moindre sur des périodes pluriannuelles plus courtes, mais tout de même important. Sur quatre ans, d’après l’étude, les ménages qui ont recours à un conseiller ont accumulé 69 % plus d’actifs, en moyenne, que les ménages sans conseillers.
L’étude de 2016 a aussi examiné 282 ménages qui avaient été sollicités à la fois pour l’étude actuelle et la précédente. Les chercheurs ont trouvé que les ménages ayant laissé tomber leur conseiller entre 2010 et 2014 avaient subi des pertes au niveau de leurs investissements tandis que ceux qui l’avaient gardé avaient vu leurs actifs augmenter.
Dans une présentation le 7 novembre à Toronto devant un public de l’industrie, M. Montmarquette de CIRANO a évoqué des taux d’épargne plus élevés comme attribut clé des ménages qui utilisent des conseillers. En un mot, faire appel aux services d’un conseiller mène à un taux d’épargne plus élevé, ce qui se solde par une plus grande accumulation de richesses à long terme.
Il faut remarquer que la relation entre les conseils et les taux d’épargne n’est pas une idée universellement partagée parmi les spécialistes de la recherche sur le comportement des investisseurs. Dans un rapport de 2015 préparé pour le département du travail américain par la société californienne RAND Corp. et intitulé Do Financial Advisers Influence Savings Behavior? (Les conseillers financiers influent-ils sur les habitudes d’épargne?) une autre explication est que les investisseurs qui choisissent de recevoir des conseils sont déjà plus enclins à économiser que ceux qui n’en reçoivent pas.
Deuxièmement, l’étude a trouvé que les ménages faisant appel aux services d’un conseiller détenaient aussi, en moyenne, une plus grande portion de leurs économies dans des placements non liquides. Au fil du temps, une participation accrue à des placements à plus long terme résulte en une accumulation plus grande de richesses.
Dans ses remarques au sujet de l’événement commandité par l’IFIC, M. Montmarquette n’a pas établi de lien entre le recours aux conseillers et un rendement ajusté selon le risque supérieur des placements, qu’on appelle l’alpha. C’est logique, puisque l’étude utilise une définition très large des conseils et que la méthodologie ne tient pas compte des qualifications ou des compétences des conseillers.
Le but de l’étude de CIRANO était de fournir une mesure du « gamma », qui désigne la valeur des conseils, par opposition aux rendements du marché (le bêta) ou au surclassement du marché (l’alpha).
Utilisé pour la première fois par les deux auteurs de CIRANO dans leur étude de 2016, le gamma est un terme inventé il y a trois ans par des chercheurs de Morningstar dans un document de recherche intitulé Alpha, Beta, and Now … Gamma ( Alpha, Bêta et maintenant…. Gamma). Rédigé par David Blanchett et Paul Kaplan, l’étude a été publiée dans la revue The Journal of Retirement.
La méthodologie des auteurs de Morningstar était basée sur des simulations et reposait sur les besoins en conseils des retraités. Elle identifiait cinq décisions ou techniques importantes en matière de planification financière qui contribuaient à la création du gamma :
- Un cadre de référence complet servant à déterminer la répartition d’actifs optimale;
- Une stratégie de retrait dynamique;
- L’utilisation de produits à revenu garanti;
- Des décisions de répartition d’actifs avantageuses sur le plan fiscal;
- Une optimisation du portefeuille qui tient compte des obligations de l’investisseur.
Bien que les méthodologies des études de CIRANO et Morningstar soient complètement différentes, la conclusion en était semblable dans ses grandes lignes, c’est-à-dire que les conseils pouvaient ajouter de la valeur pour un investisseur, indépendamment des rendements du marché ou d’une performance supérieure à celle du marché.
MM. Blanchett et Kaplan ont estimé qu’un retraité pouvait prévoir de générer 22,6 % en revenu additionnel « à certitude équivalente » en utilisant une stratégie de revenu de retraite au gamma efficient. Ils ont calculé que cette stratégie avait le même impact qu’une hausse de 1,59 point de pourcentage du rendement annuel.
Ceci représente bien entendu une forte valeur ajoutée pour l’investisseur, mais qui ne se vérifiera que dans les cas où la relation avec le conseiller ne se limite pas à l’accumulation d’actifs et à des conseils de répartition d’actifs.
Avoir quelqu’un pour le convaincre d’économiser plus d’argent et d’éviter de paniquer et vendre ses actifs peut sans doute aider le client à atteindre ses objectifs de placement. Mais pour optimiser la valeur des services d’un conseiller, le client devrait aussi recevoir des conseils en planification financière.
Les investisseurs en quête de conseils devraient s’assurer que le conseiller qu’ils choisissent possède les qualifications et l’expérience requises pour répondre à tous leurs besoins financiers, et ne se limitent pas à une sélection de titres et à la répartition d’actifs. Plus important encore, les meilleurs conseillers sont ceux qui sont enclins à agir dans l’intérêt de leur client, autant au stade de l’accumulation des actifs qu’au moment de puiser dans ses économies.