Les sujets traités sont particulièrement sensibles. En effet, les ACVM ont reçu 99 mémoires provenant tant de représentants de l’industrie (sociétés de FCP, courtiers en épargne collective et associations professionnelles) que de groupes de défense des investisseurs, d’universitaires et de cabinets d’avocats.
La consultation portait particulièrement sur l’épineuse question des commissions de suivi, c’est-à-dire les frais payés pour le conseil. Les ACVM voulaient examiner les conflits d’intérêts potentiels que les commissions de suivi peuvent entraîner.
Faut-il les abolir ?
De toute évidence, cet exercice de consultation a été mis en oeuvre pour examiner certaines critiques soulevées par les groupes de défense des épargnants.
Leur première charge concerne la rémunération intégrée des conseillers.
Selon ces groupes, ce type de rémunération crée une discordance entre les intérêts des conseillers et ceux des investisseurs. De ce fait, il devrait être interdit et remplacé par une rémunération basée sur les services offerts.
Ces groupes jugent que la rémunération intégrée pousse les conseillers à faire des recommandations d’investissement qui leur rapportent davantage, lit-on dans l’«Avis des ACVM».
Cela entraîne une hausse des coûts et une baisse du rendement des placements, effets qui seraient neutralisés si les commissions de suivi étaient abolies.
De leur côté, les sociétés de FCP se présentent comme les défenseurs des épargnants dont l’actif financier est relativement peu élevé.
Certains représentants du secteur admettent que les commissions de suivi peuvent inciter les conseillers à vendre les titres d’un organisme de placement collectif (OPC) plutôt que ceux d’un OPC comparable qui verse des commissions moins élevées.
Toutefois, ils jugent négligeable l’incidence de cette pratique sur le marché canadien, puisque les commissions de suivi sont globalement comparables entre les types d’OPC, du fait que le marché est ouvert et concurrentiel.
Concurrentiel, le marché ? Un détail de l’«Avis 81-323» sème le doute sur cette affirmation.
De l’avis même de certaines sociétés de FCP, «la commission de suivi normale de 1 % a été fixée par un oligopole de grands courtiers qui l’exigent pour distribuer leurs produits».
Conséquences néfastes
Quoi qu’il en soit, les sociétés de FCP arguent que l’interdiction des commissions de suivi aurait plusieurs conséquences néfastes.
D’abord, elle réduirait l’accès des petits épargnants aux conseils, car les conseillers ne voudraient plus les servir.
Ensuite, les frais des conseils augmenteraient. En effet, les plus petits épargnants bénéficient actuellement des économies d’échelle qui résultent des commissions plus élevées payées par les épargnants plus fortunés, font valoir les sociétés de FCP.
Autre conséquence néfaste : de nombreux conseillers, surtout les conseillers indépendants dont les commissions de suivi constituent la majeure partie des revenus, seraient obligés de fermer boutique.
Enfin, l’interdiction des commissions de suivi entraînerait la mise en place de règles de jeu différentes, tout particulièrement entre fonds communs et fonds distincts, et encouragerait l’arbitrage réglementaire.
Les conseillers titulaires de deux permis auraient peut-être intérêt à vendre plutôt des produits d’investissement émis par des banques et des sociétés d’assurance. Selon certains, ces produits sont moins réglementés, moins transparents et peuvent coûter plus cher au client.
Stimuler la concurrence
Aux objections de l’industrie, les groupes de défense des investisseurs rétorquent que l’interdiction des commissions de suivi stimulerait la concurrence. Le petit épargnant n’en serait que mieux servi, lit-on dans l’avis des ACVM.
De plus, on assisterait à l’apparition d’autres structures de frais ou d’autres modèles d’entreprises qui permettraient de fournir des conseils mieux adaptés aux petits épargnants.
À la rigueur, réclament les groupes de défense, les épargnants devraient avoir le choix de souscrire ou non à la rémunération intégrée.
L’industrie réplique que cette possibilité existe déjà en raison de l’offre de fonds de série A (avec commission de suivi intégrée) ou de série F (sans commission), notamment pour les conseillers qui ont une tarification à honoraire.
D’accord, disent les groupes de défense, mais ce choix est plus théorique que réel.
Ils soulignent que la majorité des conseillers ne fournissent de services que moyennant commission et ne donnent donc pas à leurs clients la possibilité d’investir dans des fonds de série F.
Par ailleurs, selon l’«Avis des ACVM», «il ressort de la consultation menée par l’Autorité des marchés financiers (AMF) auprès des investisseurs individuels que la plupart d’entre eux n’étaient pas au courant de l’existence des fonds de série F».
L’intérêt du client
Les groupes de défense attaquent les commissions de suivi en faisant valoir un autre aspect : le devoir fiduciaire des conseillers, qui consiste à agir dans le meilleur intérêt du client.
Privilégier ce devoir améliorerait le rendement des placements, parce que les conseillers seraient tenus de considérer les coûts pour déterminer si un placement est réalisé dans le meilleur intérêt de l’investisseur.
Cela n’est pas exigé actuellement pour évaluer si un placement convient à l’épargnant.
Or, le devoir fiduciaire est incompatible avec une rémunération intégrée, jugent les groupes de défense, et c’est pourquoi il faut éliminer celle-ci.
Enfin, certains représentants des épargnants soutiennent que la protection de ceux-ci passe par diverses obligations du conseiller : acquisition de compétences plus strictes, respect des exigences de formation continue et conformité à un code de déontologie qui garantit que l’intérêt du client passe en premier.
Il y a encore loin de la coupe aux lèvres avant que de telles demandes changent le métier de représentant au Canada.
Les représentants de l’industrie prient les ACVM de prendre le temps d’étudier les réformes qui ont été réalisées à l’étranger.
En outre, il faudrait examiner les conséquences de l’abolition des commissions de suivi au Royaume-Uni et en Australie (voir le texte «Commissions : une suppression désavantageuse» en page 16).