« Tout dépend de l’objectif des fonds. On recense près de 2 000 études qui disent qu’intégrer les facteurs ESG ne nuit pas au rendement, aide à contrôler le risque et peut éventuellement générer du rendement supplémentaire. Mais ces études analysent de multiples produits aux stratégies d’investissement différentes, donc cet apport varie », indique Naomi English, directrice générale et chef des solutions ESG à MSCI ESG Research, lors de l’événement Inside ETFs, tenu à Montréal mardi et mercredi.
Cette dernière tient d’entrée de jeu à faire une distinction entre l’investissement responsable et les facteurs ESG. Le premier décrit un placement fait en fonction des préoccupations environnementales, sociales et de gouvernance de l’investisseur, alors qu’elles sont plutôt considérées comme des facteurs de risque dans le deuxième cas. Cependant, les deux gagnent en importance, note-t-elle.
L’idée préconçue voulant que respecter les critères ESG ne soit pas profitable est un mythe, martèle-t-elle. Le facteur « gouvernance » est celui qui génère les meilleurs rendements, estime la spécialiste.
« Mais la gouvernance est évaluée par le gestionnaire de portefeuille dans tout processus d’investissement, qu’il soit responsable ou traditionnel. Il veut nécessairement étudier la direction des entreprises dans lesquelles il investit. Pour moi, ça n’a rien de différent. Les aspects sociaux et environnementaux sont plus nouveaux », remarque Andrew Clee, vice-président, FNB, à Fidelity Investments.
Selon lui, l’alpha créé par les facteurs ESG est difficile à quantifier. La différence, c’est qu’en investissant dans des entreprises qui respectent ces critères, on se positionne dans des sociétés de grande qualité.
L’importance du long terme
Les fonds qui respectent les facteurs ESG peuvent avoir des résultats qui ressemblent aux autres produits traditionnels. L’alpha sera généré sur le long terme, estime de son côté Jay Aizanman, directeur à Desjardins Gestion internationale d’actifs.
« Entre le dirigeant d’une entreprise qui ne regarde que les finances et un autre qui se préoccupe aussi des facteurs ESG, mieux vaut évidemment se diriger vers la meilleure entreprise. Ces gestionnaires ont tendance à être plus transparents, ça peut être plus payant à long terme. C’est quand les investisseurs commenceront à punir les mauvaises compagnies [en les désertant] que l’alpha sera généré », explique-t-il.
David O’Leary, directeur de l’investissement à retombées sociales à Origin Capital, s’insurge quant à lui du scepticisme entourant les facteurs ESG. « Pourquoi pense-t-on qu’une entreprise transparente, qui traite bien ses employés, aura de moins bons résultats? »
Les Canadiens ont aussi une préférence nationale (home bias) en matière d’investissement, leurs portefeuilles apparaissant souvent surpondérés en titres d’ici. Les facteurs ESG peuvent les forcer à regarder ailleurs que dans le secteur énergétique canadien, ce qui peut être bénéfique en termes de diversification, juge M. Clee.
« L’alpha peut être généré en évitant certains facteurs de risque », acquiesce M. Aizanman.
Un courant dominant
Malgré les divergences d’opinion sur le rendement, tous les panélistes sont unanimes : suivre les facteurs ESG est en train de se généraliser et est en voie de devenir un courant dominant en investissement.
« Les Canadiens sont en train de se réveiller à propos de ce qu’il y a dans leurs portefeuilles. Ils rattrapent leur retard par rapport aux Européens », mentionne le vice-président à Fidelity Investments.
« Dans 30 ans, ça va nous paraître inacceptable d’investir sans en avoir évalué les répercussions », avance M. O’Leary.
Intégrer les facteurs ESG dans toute analyse fondamentale est maintenant un prérequis, souligne d’ailleurs Jay Aizanman. De plus en plus de gestionnaires bâtissent aussi des portefeuilles modèles qui les suivent.
Aux professionnels en services financiers qui hésitent à se lancer, il rappelle que les jeunes recherchent ce type d’investissement. Tout comme les femmes, qui sont 80 % à changer de conseiller une fois leur mari décédé, mentionne Naomi English. Pour avoir un développement d’affaires tourné vers l’avenir, il faut s’en préoccuper.
« Ça s’en vient. Vous avez là une formidable occasion d’aller au-devant des besoins de vos clients », conclut-elle.