Évidemment, on pourrait blâmer la crise financière, mais il y a plus que cela. Les financières sont victimes de leur complexité.
C’est ce qui ressort du rapport «Managing Complexity: The State of the Financial Services Industry 2015», réalisé par la firme de consultants Oliver Wyman.
Pendant une période de deux décennies favorables aux financières, de 1988 à 2006, «les sociétés financières ont accru leurs revenus en augmentant leur échelle et leur portée, et par la sophistication de leurs affaires. Mais cela a ajouté de la complexité, en plus des risques et des coûts opérationnels qui les accompagnent. L’environnement d’affaires et réglementaire de l’après-crise a réduit les bénéfices de cette complexité, mais a laissé les coûts aux financières».
Pour résumer, les financières n’ont pas été en mesure de réduire le niveau de complexité après un boom quasi ininterrompu de deux décennies.
Par exemple, selon la firme Oliver Wyman, le nombre de clients servis par les banques des États-Unis n’a cru que légèrement, alors que le nombre d’employés par institution a augmenté d’environ 50 %.
Coûteuse réglementation
Les nouvelles règles qui touchent les banques et les assureurs sont nombreuses, et pour la plupart, permanentes.
Leur impact est majeur, on le sait, mais le rapport les quantifie. «Les réformes réglementaires de l’après-crise ont réduit le rendement des banques d’environ 6 %, principalement en augmentant le capital et les liquidités qu’elles doivent détenir.»
De plus, pour répondre aux exigences réglementaires, les financières doivent collecter davantage de données, faire plus d’analyse de risque et plus de surveillance, et produire plus de rapports.
Oliver Wyman estime qu’entre 2,5 % et 3,5 % du coût total des institutions financières vise à répondre aux nouvelles lignes directrices de la réglementation.
Inutile de dire que c’est énorme. Elles paient le gros prix – et le paieront longtemps encore – pour n’avoir pas été assez disciplinées pendant les années de croissance qui ont précédé la crise. Malheureusement, les investisseurs de tout type sont les premiers à écoper d’une baisse de rendement des capitaux.
Il n’y a pas que la réglementation qui a fait bondir leurs coûts. Parmi les autres sources de complexité accrue, le rapport mentionne d’abord l’interaction multicanale avec les clients (le téléphone, les guichets automatiques, Internet et les plateformes mobiles se sont ajoutés aux succursales).
Puis, l’infrastructure informatique de la plupart des financières est à la fois fragmentée et incompatible.
Ensuite, les firmes ont offert une prolifération de produits depuis 20 ans. Oliver Wyman cite l’exemple du nombre moyen de produits hypothécaires proposés par les 20 plus importantes banques du Royaume-Uni. Il est passé de 10,1 en 1993 à 61,2 en 2013 !
Enfin, l’expansion géographique des financières est une réalité : la part de leur revenu en provenance de l’extérieur de leur marché intérieur est en hausse depuis le milieu des années 1980. Cela crée des occasions de croissance et de diversification… mais aussi rend les firmes encore plus complexes sur le plan de la gestion.
Bref, sans être alarmiste, le rapport conclut par un avertissement : «Si les financières continuent d’offrir des rendements similaires aux services publics, les capitaux s’écouleront des services financiers vers des secteurs plus dynamiques».
En effet, sur une longue période, les capitaux auront tendance à migrer vers des secteurs où un taux de rendement est supérieur, comme les soins de santé (16 %) ou les technologies (18 %), au détriment des services financiers (7 %).
Le Canada performe mieux
Encore une fois, on peut se féliciter qu’au pays, nos institutions financières ont mieux performé. En 2014, le RCP des six grandes banques canadiennes s’échelonnait de 14,1 % à 19 %.
C’est beaucoup mieux que les six plus grandes banques américaines, dont le RCP va de 1,7 % à 14,9 %. Et de ce nombre, seulement deux institutions ont réalisé un RCP supérieur à 10 %.
Mais ici aussi, il y a une pression à la baisse du RCP, car les institutions financières sont également touchées par les règles de capital réglementaire (Basel III) et la hausse des frais d’opération.
Un impact qui se fait sentir de la plus grande institution du pays jusqu’au cabinet de services financiers. Nous constaterons dans la prochaine édition de Finance et Investissement que le fardeau réglementaire est encore à l’ordre du jour dans notre Pointage des régulateurs. À lire dans le numéro d’avril.