Toutefois, l’épargnant doit tenir compte de deux autres frais : les frais de transaction facturés par le courtier, qui peuvent s’additionner rapidement, et les honoraires du conseiller, s’il a recours à de tels services.
Si on considère ces éléments, «les FNB restent avantageux en général par rapport aux fonds communs de placement, mais la différence entre les deux types de fonds est surestimée, souligne Dave Paterson. Pour certains épargnants, il serait plus avantageux d’avoir recours à un fonds commun dont les frais de gestion sont bas».
Le monde à l’envers ?
Par ailleurs, en raison de la forte croissance de l’actif des FNB, certains observateurs affirment que leur poids atteint un niveau tel qu’ils influent sur les cours des indices qu’ils reproduisent.
Alain Desbiens n’est pas du tout d’accord. La raison est simple : les FNB ne représentent qu’une fraction du marché boursier canadien, selon le vice-président, Québec et Atlantique, FNB BMO chez BMO Gestion mondiale d’actifs.
«L’actif total des FNB au Canada s’élève à 84 G$, dit-il, et de ce montant, seulement 27 G$ sont investis dans des actions canadiennes. En comparaison, la capitalisation boursière totale au Canada est de 2 000 G$.»
Ce n’est peut-être que partie remise d’ici à ce que le secteur des FNB au Canada atteigne un poids semblable à celui qu’il a aux États-Unis. Chez nos voisins du Sud, les inquiétudes relatives à leur influence sur les indices semblent davantage justifiées.
En effet, il faut tenir compte aussi des volumes de transactions, souligne Robert Pouliot, administrateur de la Fondation canadienne pour l’avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) et chargé de cours à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal. Selon lui, les «études commencent à confirmer» l’influence de ce qu’il appelle «les produits négociés en Bourse (PNB)» sur les indices.
En fait, Robert Pouliot élargit la catégorie à trois types de fonds qui composent les PNB : les FNB proprement dits ; les «outils», concentrés dans les dettes de marchés de matières premières ; et enfin les billets, des dettes de tous types. Ces trois secteurs totalisent 3 200 G$ US d’actif dans le monde.
Au cours de la période de 12 mois qui s’est terminée en juin 2015, «le volume d’échanges boursiers des unités de PNB représentait plus que le produit intérieur brut américain, soit 18 000 G$ US, affirme Robert Pouliot. Cela représente 8,7 fois l’actif des PNB américains !»
«À lui seul, le plus grand des fonds, le SPY (SPDR S&P 500 ETF), avec environ 177 G$ US sous gestion, tourne encore plus rapidement au rythme annuel de près de 3 400 % avec un volume de 6 000 G$ US. Pas étonnant qu’avec une telle dynamique, les PNB influent davantage sur les indices qu’ils sont censés reproduire. C’est le monde à l’envers !» affirme Robert Pouliot.
Problèmes de liquidités
Les carences des FNB sur le plan des liquidités constituent un autre sujet de controverse.
Par exemple, en août dernier, «les transactions de 327 fonds ont été suspendues à la Bourse de New York en raison d’une baisse de 30 % des cours en ouverture de marché», rappelle Robert Pouliot.
«On sait que la majorité des petits investisseurs réalisent leurs transactions le matin, tandis que les acteurs importants le font en fin de journée. Qui s’est retrouvé coincé, pensez-vous ?»
Là aussi, Alain Desbiens s’objecte et, dans un bulletin de BMO, donne l’exemple du comportement des FNB d’obligations à rendement élevé au cours de la crise de 2007.
«À cette époque, écrit-il, la crise de liquidité a essentiellement eu pour effet de geler la négociation des obligations sous-jacentes. En revanche, les FNB, représentés par exemple par le SPDR Barclays High Yield Bond ETF (JNK), ont continué à être négociés et ont tenu le rôle d’instruments de découverte des prix pour cette catégorie d’actif.»
Risque systémique
Robert Pouliot reconnaît que les FNB ont bien tenu la route en 2007-2008. Mais sept ans se sont écoulés depuis et les choses ont beaucoup changé, souligne-t-il.
D’abord, le marché des PNB a crû considérablement et, avec lui, les activités en arrière-plan de prêt d’actions que mènent les grands acteurs de l’industrie. Parmi eux, on trouve en premier lieu les promoteurs comme Vanguard et State Street, et les grands détenteurs et gardiens de titres comme la Caisse de dépôt et placement du Québec et BNY Mellon.
Le prêt de titres, dirigé surtout vers des contreparties qui les empruntent pour vendre à découvert ou en tant que bien affecté en garantie, est une importante source de revenus pour tous ces acteurs, explique Robert Pouliot. Or, ces opérations ont une mécanique complexe qui entraîne un nombre croissant «d’échecs de transaction». C’est-à-dire que l’acheteur d’un titre n’en reçoit livraison qu’après les trois à six jours de délai prescrit.
Déjà, en 2010, 65 % des échecs de transaction sur les valeurs américaines provenaient des PNB, note Robert Pouliot. Cela entraîne un risque systémique qu’il appelle «le jeu des chaises musicales». «Lorsque la musique cesse, certains acteurs peuvent peiner à trouver une chaise à temps», dit-il.
Évidemment, quand tout va bien et que la musique continue de jouer, personne ne se préoccupe de risques systémiques. Toutefois, «il suffirait d’une nouvelle crise de liquidité du marché pour que le jeu de chaises musicales de 2007-2009 se reproduise», avertit Robert Pouliot.
«Des milliers de gestionnaires tenteraient alors en vain de se couvrir au même moment. Il n’y aurait plus assez de titres immédiats pour satisfaire la demande générale», soutient-il.
Dans un tel contexte, l’épargnant se retrouve dans une situation pire que celle de devoir vendre à perte. Il ne peut pas vendre, point.