Le processus de consultation devrait se terminer à la fin de 2016, et l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) devrait prendre le relais pour faire appliquer de nouvelles exigences en matière de divulgation par ses membres. Tout semble indiquer que les commissions de valeurs mobilières vont devoir exiger plus d’informations des entités réglementées.
En 2004, les actifs sous gestion dans l’industrie mondiale atteignaient 50 000 G$ US. En 2014, c’étaient 76 000 G$ US qui étaient placés dans différentes sociétés de gestion de fonds (fonds communs, fonds négociés en Bourse, fonds spéculatifs, etc.).
Selon le CSF, cette industrie détiendrait 40 % de tout l’actif financier mondial. Même si la croissance a été constatée dans toutes les régions du monde, c’est encore aux États-Unis et en Europe que la majeure partie de l’actif se trouve.
Des vulnérabilités
Le CSF s’inquiète de quatre «vulnérabilités structurelles» dans l’industrie, soit les risques de liquidités (en cas de retrait massif), l’endettement (ou le levier) de certains fonds, les risques opérationnels et les prêts de titres parfois effectués par ces fonds.
Pour justifier ses inquiétudes, le CSF évoque tant les problèmes vécus durant la crise financière de 2007-2009 avec les fonds de marchés monétaires, que la chute du fonds spéculatif Long-Term Capital Management (LTCM) à la fin des années 1990.
Selon Julie Patterson, directrice chez KPMG à Londres et spécialiste des changements de réglementation, les craintes de l’organisme semblent quelque peu irrationnelles, notamment en ce qui a trait au levier. «Il est clair que le niveau d’endettement des fonds est globalement très bas», assure-t-elle, en précisant que le cas de LTCM est un cas isolé.
Claude Lopez, directrice de la recherche en matière de finance internationale et de macroéconomie à l’Institut Milken, un think-tank américain non partisan, fait une critique similaire : «On va collecter de l’information sur le passé. Mais le présent et l’avenir risquent fort d’être différents», souligne-t-elle en entrevue avec Finance et Investissement.
Claude Lopez met en doute toute l’approche des régulateurs, qu’elle qualifie de «segmentée» et qu’elle juge peu adaptée aux réalités des marchés financiers très «réactifs» et changeants.
Selon elle, on peut avoir des données de toutes sortes, mais le comportement des investisseurs reste imprévisible. Ainsi, les régulateurs cherchent à appliquer une solution «statique» au problème, déplore-t-elle.
Ce ne sont pas des banques
Les deux spécialistes s’entendent pour dire que les régulateurs semblent vouloir imposer aux gestionnaires d’actif un modèle de réglementation bancaire peu adapté à leur réalité.
Claude Lopez juge que même les régulateurs auraient de la difficulté à traduire le concept de levier et de liquidité pour les gestionnaires d’actif. «Les gestionnaires n’ont pas de bilan similaire aux banques. Le risque de liquidité n’est pas le même. Et puis, les gestionnaires, majoritairement, investissent l’argent des autres», insiste-t-elle.
Néanmoins, Julie Patterson croit que la récolte d’information auprès des gestionnaires d’actif permettra au moins d’avoir un «débat informé» sur les risques dans l’industrie. Mais il ne faut pas «sous-estimer» l’effort que cela demandera aux régulateurs partout dans le monde. «C’est une grosse commande», précise-t-elle.
«Il y a un an, le but était de réguler les gestionnaires en fonction du risque systémique. Maintenant, au moins on se demande si c’est possible», analyse Claude Lopez.
Elle apprécie le fait que les régulateurs «comprennent qu’ils n’ont pas toute l’information pour prendre une décision». Mais «à quoi ça sert d’avoir beaucoup de données si on n’a pas les bonnes personnes pour les interpréter ?» enchaîne-t-elle.