Les indépendants craignent la mort des commissions

Ainsi, depuis décembre, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM) consultent l’industrie sur les conflits d’intérêts potentiels liés à la rémunération en matière de vente de fonds communs de placement. Le fruit de leur réflexion provient notamment de différentes initiatives internationales en ce sens.

Par exemple, au Royaume-Uni, les fournisseurs de produits financiers ne peuvent plus verser de commissions aux conseillers en placement depuis janvier 2013, selon un document produit par l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM). En Australie, les commissions seront bannies progressivement, puisque considérées comme une rémunération empreinte de conflit d’intérêts, selon une réforme adoptée par la Chambre des représentants australienne.

Dans un document de consultation sur les frais des fonds communs, une des options qu’envisagent les ACVM est l’abolition des commissions. Si c’était le cas, « les conseillers devraient plutôt discuter avec leurs clients de la façon dont ils seraient rémunérés pour la vente des placements dans l’Organisme de placement collectif (fonds communs) et les services continus connexes et obtenir leur approbation sur le modèle de rémunération proposé », mentionne le rapport.

Bien que les ACVM envisagent d’autres options moins draconiennes, cette position inquiète les cabinets indépendants. Selon Gino Savard, président de Mica services financiers, plusieurs conseillers quitteraient la profession, car une rémunération uniquement basée sur les honoraires ne serait pas rentable. Seuls les représentants desservant la clientèle ayant des actifs financiers importants resteraient en affaires, au détriment des consommateurs ayant un actif financier faible ou moyen.

« Les conseillers indépendants vont se concentrer sur les clients qui leur rapportent, estime Gino Savard. Je me vois mal m’obstiner pendant une demi-heure avec un client qui commence à épargner et qui va me rapporter 200 $ par année en honoraires. À la place, je vais me concentrer sur les clients qui vont me donner quelques milliers de dollars par année pour gérer leur actif. »

Daniel Bissonnette, président de Planifax, se montre plus alarmiste : « Si vous éliminez les commissions de suivi, ça va être disparition pure et simple des petites firmes et des gestionnaires indépendants. Il va seulement rester les banques et on va juste vendre les fonds des banques. Vous allez avoir le choix : les fonds de la banque A, ceux de la banque B ou de la C. Il n’y aura plus de gestionnaires indépendants. »

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Daniel Bissonnette redoute aussi une disparition du conseil aux clients de la classe moyenne : « Ça prend une rémunération pour les frais liés au service. Car les frais de service sont énormes. Si tu veux rencontrer tes clients au moins une fois par année, faire ton suivi et suivre l’évolution de tes clients, je m’excuse, mais ça prend un temps énorme et ce n’est pas toujours payant. Il faut être payé pour cela. Le « trailer fee » a sa raison d’être! »

Alignement des intérêts

À la tête d’un réseau de plus de 1000 conseillers, Robert Frances, président et chef de la direction du Groupe financier Peak croit aussi qu’éliminer les commissions de suivi serait mauvais pour l’industrie et pour les clients : « C’est dangereux d’enlever une forme de compensation que les clients choisissent. » Selon lui, une fois que le conseiller a présenté en détail ce que comprennent les frais de gestion et que ce mode de rémunération convient au client, les régulateurs ne doivent pas intervenir.

De plus, les commissions de suivi sont une forme de compensation qui « aligne les intérêts du client et celui du conseiller », note le dirigeant. Il souligne que la naissance des commissions de suivi avait pour but d’assurer un service continu au client. Plutôt que gagner une commission élevée uniquement à la vente, le conseiller prenait ainsi « une forme de participation dans les frais de gestion » facturés par le manufacturier de fonds.

Il reste que les ACVM entendent étudier les conséquences des expériences australiennes et britanniques. Selon Gino Savard, les régulateurs devraient observer les conséquences de ces réformes sur le nombre de conseillers, l’accès au conseil et sur les rendements des portefeuilles des clients.

« Je vais inciter les régulateurs à regarder les impacts ailleurs avant de poser un geste ici. Je ne suis pas sûr que l’impact recherché va être atteint dans les pays où on a sabré les commissions », conclut Gino Savard.

Photo: Bloomberg