Au coeur, on trouve des aéroports, des ports maritimes, des routes à péage, des réseaux d’approvisionnement en eau. Plusieurs de ces projets sont gérés désormais en mode de partenariat public-privé. En périphérie se trouvent des entreprises qui approvisionnent les précédentes et dont le sort leur est lié de près, par exemple Caterpillar, Boeing et Amtrak.
On connaît les immenses portefeuilles en infrastructures d’investisseurs institutionnels qui font directement leurs placements dans de vastes projets. Ce n’est pas le cas des fonds de notre palmarès qui investissent généralement dans les titres boursiers de sociétés responsables de projets d’infrastructure.
Récente émergence
«C’est seulement vers 2005 que des gestionnaires en Australie se sont intéressés aux infrastructures et les ont définies en tant que secteur d’investissement», rappelle Alain Latreille, chef de produit des fonds de revenu fixe et spécialisés chez Desjardins Gestion de patrimoine. Cependant, au Canada, «c’est seulement depuis 2015, poursuit-il, que la catégorie a été créée par le Canadian Investment Funds Standards Committee (CIFSC).»
En 2005, le secteur affichait une capitalisation boursière totale de seulement 400 G$, relève Alain Latreille. Aujourd’hui, cette capitalisation se situe entre 2 000 et 3 000 G$. Et ce n’est qu’un début : selon le McKinsey Global Institute, en 2030, la valeur de tout le secteur devrait être propulsée à 49 000 G$ US.
L’émergence accélérée en Bourse du secteur des infrastructures tient à trois facteurs. D’abord, il y a eu le développement accéléré de l’économie chinoise. Ensuite, la restructuration d’immenses sociétés comme British Petroleum et AT&T a entraîné le délestage par celles-ci d’actifs qui étaient précédemment intégrés. C’est ainsi qu’on a assisté au Canada à la naissance de sociétés autonomes comme Enbridge et Pembina Pipelines, et aux États-Unis, d’American Tower et de Crown Castle.
Enfin, ce délestage d’actifs a eu lieu également au niveau gouvernemental avec la privatisation d’infrastructures publiques. La création d’Hydro One en 2015, propriété auparavant exclusive du gouvernement ontarien, en est un exemple récent.
Assises larges
La croissance du secteur est désormais mue par cinq tendances de fond, juge Brad Frishberg, gestionnaire principal du Fonds d’infrastructures mondiales BMO chez Macquarie Investment Management, à Philadelphie : l’urbanisation croissante partout dans le monde ; la croissance démographique dans les pays développés entraînant des besoins accrus d’industrialisation et de consommation ; le renouvellement urgent d’installations périmées dans les pays développés ; le développement durable appelé à susciter des solutions plus écophiles ; enfin, l’émergence de technologies de pointe, notamment en intelligence artificielle, appelées à hausser l’efficacité de gestion et de supervision des installations.
Évidemment, le secteur doit affronter quelques vents contraires, fait ressortir Brad Frishberg, notamment les contraintes de la réglementation à l’endroit des banques, qui rendent plus ardu l’emprunt pour les projets d’infrastructure, et le poids des dettes sur les budgets gouvernementaux.
La performance boursière au cours des 15 dernières années s’avère exemplaire. L’indice S&P Global Infrastructure a crû de 160 % depuis 2001, devançant le S&P 500 qui a grimpé de 139 %, indique Sami Hazboun. Même scénario pour l’indice FTSE Global Infrastructure qui a connu une hausse annualisée de 10 %, par rapport à une hausse annualisée de 7 % pour l’indice MSCI World, fait valoir Dominique Lessard, gestionnaire de portefeuille chez Desjardins Gestion de patrimoine.
Bien qu’ils n’aient pas un historique aussi long, les fonds de notre palmarès montrent des rendements convaincants. Par exemple, le fonds de Desjardins a enregistré un rendement de 11,4 % par année depuis sa création en octobre 2013 (notons que le fonds australien sur lequel il est basé, qui existe depuis plus de quinze ans, a maintenu un rendement annualisé de 13 %). Chez Investors, le fonds a généré un 12,5 % annualisé au cours des cinq dernières années.
Plus mesuré
Et de beaux jours restent à venir pour le secteur, sans qu’ils soient cependant aussi fastes. «La croissance est maintenant plus mesurée et équilibrée, mais le marché est encore en croissance et continuera de l’être», affirme Sami Hazboun. D’ajouter Dominique Lessard : «Les titres génèrent un rendement de dividende de 3 % à 4 %, un dividende qu’ils sont en mesure d’augmenter grâce à la croissance des bénéfices. On pourrait parler pour l’avenir d’une croissance annuelle entre 6 et 8 %.»
Le secteur compte des attraits indéniables pour certains clients. Tous nos interlocuteurs soulignent sa corrélation relativement faible à la Bourse en général, corrélation qu’Alain Latreille chiffre entre 0,6 et 0,7. «En marché haussier, dit-il, on participe à hauteur de 80 %, en marché baissier, à 40 %. C’est donc un secteur défensif qui va quand même chercher une bonne partie des hausses.»
À cela s’ajoute une protection contre l’inflation. «Les rendements annualisés sont supérieurs à un taux d’inflation majoré de cinq points de pourcentage», relève Alain Latreille.
Sami Hazboun repère environ une centaine de grands acteurs internationaux, parmi lesquels il retient par exemple NextEra Energy, aux États-Unis. «C’est une société qui est à la pointe en énergies alternatives, notamment dans le solaire, dit-il. On détient le titre depuis cinq ans et il a doublé dans cette période, tout en maintenant un dividende annuel d’environ 2 % à 4 %. C’est un champion.»
Pour gérer son fonds, Desjardins fait appel aux services de Colonial First State Global Asset Management, en Australie, où une équipe de huit gestionnaires est consacrée au portefeuille. Est-ce un hasard si cette équipe retient un titre comme Transurban, société australienne qui gère des routes à péage. «Ces actifs australiens génèrent de forts flux monétaires, dit Dominique Lessard, et les ententes contractuelles font en sorte que la croissance des tarifs facturés est prévisible, malgré un environnement de faible inflation. Autre avantage, les volumes de trafic demeurent très stables même dans des situations économiques plus difficiles.»