Un groupe d’investisseurs a récemment porté plainte auprès de la cour de justice du District de Columbia pour empêcher l’application des amendements de la règle 14a-8 de la Securities and Exchange Commission (SEC) régissant le dépôt de propositions d’actionnaires.
Si ces amendements sont mis en place comme prévu en janvier 2022, les investisseurs auront davantage de mal à jouir de leurs droits de propriété au cours des élections de sociétés. Ces amendements augmentent ainsi les seuils pour le dépôt de résolutions d’actionnaires, au-delà des normes qui permettent d’assurer une participation large et utile des actionnaires au processus du vote par procuration, rapporte Morningstar.
Auparavant si une résolution était de nouveau proposée par les actionnaires, ils devaient obtenir des niveaux de soutien :
- de 3 % pour des résolutions soumises une fois au cours des 5 dernières années,
- de 6 % si ces résolutions ont été soumises deux fois,
- et de 10 % si elles ont été soumises trois fois dans un passé récent.
À partir du 1er janvier, ces seuils seront de 5 %, 15 % et 25 %.
Cette mesure est évidemment appuyée par les groupes de pression pro-entreprises, mais semble un peu déplacée à l’ère où les actionnaires tentent d’utiliser leurs pouvoirs pour imposer des normes plus durables aux entreprises.
« Les propositions d’actionnaires sont un outil important pour aider le personnel de direction et les investisseurs à mieux gérer le risque, créer de la valeur à long terme et la protéger. Plutôt que de chercher à restreindre ces outils, la SEC devrait s’employer à les étendre », déplore Danielle Fugere, présidente de As You Sow.
Le recours juridique déposé contre la SEC par plus de 300 investisseurs institutionnels d’associations confessionnelles représentant plus de 4 billions de dollars américains d’actifs sous gestion, allègue que cette dernière a surestimé les preuves de l’importance des coûts encourus par les sociétés en raison des résolutions d’actionnaires et est passée trop vite sur le fait qu’un tel amendement supprimerait un nombre important de résolutions des scrutins par procuration.
« La nouvelle règle éviscère le processus existant de propositions d’actionnaires, qui représente depuis longtemps une façon peu onéreuse offerte aux actionnaires pour communiquer leurs préoccupations à la direction », souligne Josh Zinner, D-G d’Interfaith Center on Corporate Responsibility.
« Les nouveaux seuils de la SEC se traduiront par des milliards de dollars de coûts d’opportunité perdus, et surtout pour les sociétés plus petites, puisqu’elles sont moins soumises à la vigilance des investisseurs institutionnels que les compagnies établies du S&P 500 », ajoute James McRitchie de Corporate Governance.
D’après ces derniers, cette mesure va à l’encontre de la mission de la SEC qui est censée être du côté des investisseurs.
« Les nouveaux seuils réduisent au silence les petits actionnaires ordinaires et favorisent les investisseurs plus riches. C’était un but de l’administration Trump, ce n’est ni juste, ni démocratique, et ça ne sert pas les intérêts de la société », disent Danielle Fugere, présidente de As You Sow, et le directeur général d’As You Sow Andrew Behar.
Reste à voir si le gouvernement Biden reviendra sur cette mesure proposée par l’ancienne administration.