Les barèmes chiffrés de 81-105 concernent d’abord les activités de commercialisation conjointe, c’est-à-dire «les communications publicitaires, les conférences ou les séminaires pour les épargnants préparés ou présentés par le courtier participant».
La contribution aux frais de ces activités payée par la maison de fonds ne doit pas dépasser 50 % des coûts directs totaux engagés par le courtier participant.
Du sérieux
La loi établit aussi des limites précises pour les commandites de conférences ou de séminaires préparés et organisés par le courtier participant «qui ne sont pas des activités destinées aux épargnants». Celles-ci sont décrites dans le règlement comme des «activités parrainées par le courtier participant».
Chaque maison qui parraine une même activité ne peut pas débourser à elle seule plus de 10 % des coûts engagés par le courtier. Au total, le montant versé par toutes les maisons de fonds parrainant une activité ne peut aller au-delà de 66 % des coûts déboursés par le courtier.
De plus, le but premier de la conférence ou du séminaire doit être de fournir une formation sur la planification financière, sur le placement en valeurs mobilières ou sur les questions touchant les OPC concernés.
Selon Me Maxime Gauthier, chef de la conformité et représentant en épargne collective chez Mérici Services Financiers, les maisons de fonds appliquent en général la norme 81-105 de manière stricte et même, pour certaines, de façon «quasi religieuse».
«Entre autres, pour un de nos derniers colloques, la firme de fonds qui participait au partage des coûts demandait même les synopsis des autres formateurs pour s’assurer que l’événement comprenait de vraies formations», illustre-t-il.
Il n’est pas rare, ajoute-t-il, que son cabinet doive fournir un plan extrêmement détaillé de l’organisation d’une conférence destinée aux conseillers.
«À un moment donné, c’est allé loin. À tel point que j’ai failli dire : « O.K., c’est correct, je vais me passer de ton chèque, parce que le temps que tu requiers me coûte plus cher que ce que tu me donnes »», relate-t-il.
Il est à noter également que les conférences financées par les maisons de fonds doivent se tenir au Canada ou dans la partie continentale des États-Unis.
En résumé, une conférence-croisière aux Bermudes ne serait certainement pas acceptable.
L’organisme de placement ne peut pas non plus payer la note d’un déplacement, d’un séjour ou d’autres frais personnels accessoires reliés à la participation à une conférence.
Exercer son jugement
En ce qui a trait au reste de la norme 81-105, les régulateurs semblent miser sur le bon jugement des professionnels des maisons de fonds, des courtiers et des conseillers pour évaluer les limites à ne pas franchir.
Il est indiqué qu’une maison de fonds peut fournir à un représentant de courtier des avantages non pécuniaires «de nature promotionnelle et de valeur modique», ainsi que s’engager dans des activités promotionnelles entraînant la réception d’avantages non pécuniaires pourvu que ceux-ci ne soient «ni assez importants ni assez fréquents pour amener une personne raisonnable à se demander s’ils peuvent exercer une influence indue sur les conseils donnés par le représentant à ses clients».
Encore une fois, dans le cadre des activités promotionnelles, l’OPC n’a pas le droit de payer un déplacement, un séjour ou des frais personnels accessoires.
Pour ce qui est des montants maximums des cadeaux ou des activités offertes, Maxime Gauthier explique que les maisons de fonds vont pour la plupart déterminer leurs propres règles à l’interne.
«Il faut que ça demeure dans un cadre raisonnable. C’est toujours ça le principe. Chaque maison de fonds va se fixer des seuils qui sont différents, mais elles se tiennent à peu près dans les mêmes eaux», explique-t-il.
Avant d’être conseiller et propriétaire de Chevalier, Meunier et Associés, Philippe Ventura a occupé les fonctions de vice-président de district (wholeseller) pour Placements CI. À l’époque, les limites étaient bien connues, selon lui.
«Ce n’était pas comptabilisé, mais on savait qu’il ne fallait pas exagérer et ne pas aller au-delà de certains montants, raconte-t-il. On savait que donner pour 500 $ de cadeaux à un client n’avait pas de sens et était inacceptable.»
À bien y penser, ce dernier se souvient d’un maximum de 100 $ par client par année. «Je ne sais pas si c’est encore vrai», dit-il. Il a pratiqué comme wholeseller jusqu’en 2010.
Il demeure cependant difficile d’établir une moyenne universelle. D’autres chiffres plus élevés circulent dans l’industrie financière.
Trop, c’est trop
Autant Maxime Gauthier que Philippe Ventura affirme que la ligne à ne pas franchir relève de l’évidence.
Ils se disent d’ailleurs surpris du cas de Sentry Investissements (acheté par la Financière CI en août dernier), qui a essuyé une amende de 1,5 M$ en avril 2017 à la suite d’un règlement avec la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario au sujet d’allégations de pratiques de vente abusives exercées entre 2011 et 2016.
Le règlement fait notamment état d’une conférence tenue dans un manoir à Beverly Hills, en Californie, durant laquelle Sentry aurait offert aux conseillers présents pour 2 M$ en avantages non pécuniaires, dont des bouteilles de champagne Dom Pérignon, des bijoux Tiffany & Co. et un tour d’hélicoptère.
L’ancien président-directeur général de Sentry, Sean Driscoll, aurait de son côté donné six billets pour le Grand prix du Canada de Formule 1, tenu à Montréal, d’une valeur totale d’environ 28 000 $ à un conseiller en 2015 et 2016.
Philippe Ventura raconte avoir discuté du cas de Sentry avec un ex-collègue wholeseller : «On a tous la même réaction. En plus, en tant que deux personnes qui ne croient pas au « niaisage des cadeaux et des bébelles », nous avons été étonnés de tout ça.»
Si le cas de Sentry semble avoir pris des proportions inimaginables pour certains, une instruction complémentaire apportée à la norme 81-105 par les Autorités canadiennes en valeurs mobilières offre, elle, des exemples concrets et plus communs de limites à ne pas franchir.
Par exemple, il est précisé que les «avantages non pécuniaires de nature promotionnelle et de valeur modique» autorisés comprennent les articles de publicité de rappel comme les stylos, les calendriers, les T-shirts, les casquettes, les tasses à café, les presse-papiers et les balles de golf.
Les «activités promotionnelles raisonnables» incluent, par exemple, des repas ou des boissons à l’occasion, des billets de concert, de théâtre ou de manifestation sportive, ou la possibilité de participer à des activités telles qu’un tournoi de golf, et «autres loisirs de même type».
Selon Maxime Gauthier, les maisons de fonds suivent de près ces précisions : «Les firmes de fonds sérieuses, soit la quasi-totalité, ont une peur bleue de se faire ramasser pour 81-105.»
Maxime Gauthier et Philippe Ventura apportent aussi tous les deux la nuance suivante : les articles et activités promotionnels sont utilisés, à leur connaissance, par les maisons de fonds pour remercier leurs clients fidèles et non pour convaincre un nouveau client potentiel d’acheter leurs produits.