Les fonds fiscalisés ont été la cible de modifications dans le budget provincial 2023-2024, autant pour les contribuables que pour leur gestion de portefeuille.
Sommairement, un fonds fiscalisé est un fonds d’investissement parrainé par un organisme syndical qui offre du capital-risque aux petites et moyenne entreprises provinciales. Ces fonds ont pour objectif de participer au développement économique de leur province par leurs investissements dans des entreprises susceptibles de créer, de maintenir ou de conserver des emplois ou de favoriser le développement de la main-d’œuvre. Il existe plusieurs fonds fiscalisés au Canada. Au Québec, les principaux sont le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction de la CSN et les fonds Capital régional et coopératif Desjardins (CRCD).
Les fonds fiscalisés après budget
Afin qu’un fonds soit considéré comme un fonds fiscalisé, le fonds doit investir et maintenir au moins 65 % de ses capitaux propres dans des investissements admissibles, généralement des investissements dans des petites et moyennes entreprises situées au Québec.
Avec son budget 2023-2024, le gouvernement du Québec annonce une réorganisation des nombreuses catégories d’investissement. Elle comporte la mise en place d’une nouvelle norme d’investissement simplifiée à compter de 2024, laquelle comportera trois catégories d’investissement.
- Entreprises québécoises et sièges sociaux. On vise principalement les investissements réalisés dans des entreprises de propriété québécoise ou ayant un centre de décision principal au Québec et exploitées activement au Québec.
- Fonds d’investissement québécois. Ce sont les fonds d’investissement administrés au Québec visant des entreprises qui répondent au critère d’admissibilité de la catégorie 1.
- Autres investissements au bénéfice du Québec (maximum 10 % de l’actif net). Ce sont les investissements dans le secteur immobilier devant procurer des bénéfices sociétaux, notamment sur le plan environnemental, social ou culturel. De plus, on vise aussi des fonds d’investissement administrés hors Québec visant des entreprises qui répondent aux critères de la catégorie 1 pour un montant au moins équivalent aux sommes investies par le fonds fiscalisé.
Ainsi, 65 % des capitaux propres doivent être des investissements admissibles, qui visent principalement les entreprises québécoises. En ce qui concerne les fonds Capital régional et coopératif Desjardins, la cible minimum de 65 % est aussi applicable, une partie représentant au moins 35 % de ce pourcentage devant être effectuée dans des coopératives admissibles ou dans des entités situées dans des régions ressources du Québec.
Mesures fiscales pour les particuliers après budget
- Période de détention minimum de 5 ans
Présentement, les lois constituantes des fonds fiscalisés prévoient qu’un actionnaire peut, sous certaines conditions, exiger le rachat de ses actions après une période de détention minimale de 730 jours (deux ans) écoulés depuis leur émission. Il y a lieu de rappeler que, de façon générale, un actionnaire ne peut obtenir le rachat ou l’achat de gré à gré de ses actions avant d’avoir atteint l’âge de 65 ans ou, s’il n’a pas atteint cet âge, de s’être prévalu d’un droit à la préretraite ou à la retraite.
Aussi, afin de s’assurer que le crédit d’impôt non remboursable contribue davantage à l’atteinte de ces objectifs, la période de détention minimale de deux ans sera allongée pour atteindre cinq ans, et ce, de façon progressive. Ainsi, la période minimale de détention des actions d’un fonds de travailleurs sera majorée à trois ans pour les actions acquises à compter du 1er juin 2024, à quatre ans pour les actions acquises à compter du 1er juin 2025, et à cinq ans pour les actions acquises à compter du 1er juin 2026.
En planification financière, un fonds fiscalisé est généralement accompagné d’une volatilité importante. D’ailleurs, il est à noter que l’Autorité des marchés financiers établit le risque de ce type de fonds comme étant de moyen à élevé. La prolongation de la période de détention ne vient que confirmer que les fonds volatils sont généralement détenus pour une période de plus de cinq ans.
On pourrait déduire que cette proposition vise ceux qui contribuaient dans ces fonds pour profiter du crédit d’impôt de 30 %, et pas nécessairement pour participer au développement économique de leur province.
- Aucun crédit si le revenu est élevé
Le crédit d’impôt relatif à un fonds fiscalisé est un crédit d’impôt non remboursable offert au fédéral et dans la majorité des provinces. Actuellement, le taux du crédit est de 15 % au fédéral avant abattement, et de 15 % au Québec. Notons que le taux du crédit pour le Fondaction était de 20 % avant 2021.
Actuellement, n’importe qui peut réclamer le crédit d’impôt pour fonds de travailleurs s’il a acheté des fonds fiscalisés. À noter que le montant total des actions acquises d’un fonds de travailleurs qu’un particulier peut prendre en considération aux fins du calcul du crédit d’impôt non remboursable pour une année ne peut dépasser 5 000 $.
Le budget provincial 2023-2024 vient limiter le crédit d’impôt pour ceux qui ont des revenus plus faibles que le palier d’imposition maximum. Pour 2023, le revenu ne devra pas dépasser 119 910 $. De plus, il ne sera pas possible de reporter le montant de crédit d’impôt non remboursable non alloué. À noter que cette mesure ne s’applique pas au fonds CRCD qui n’est pas considéré comme étant un fonds de travailleurs.
Cette modification s’appliquera à une demande du crédit d’impôt non remboursable pour une année d’imposition postérieure à l’année d’imposition 2023 relativement à des actions acquises après le 31 décembre 2023.
Il est sans surprise que l’attrait des fonds fiscalisés pour les personnes avec des revenus importants est diminué. Notons que le crédit équivalent au fédéral est toujours admissible, mais il faudra voir si le gouvernement fédéral va copier cette mesure (ou bien quasiment l’enlever).
David Truong est Expert conseil, Centre d’Expertise, Banque Nationale Gestion privée 1859.