La guerre en Ukraine et les soubresauts des marchés ont causé la panique chez certains investisseurs, qui se tournent en grand nombre vers les institutions bancaires pour obtenir conseil.
Le volume d’appels est plus élevé qu’à l’habitude, reconnaît d’emblée Richard Lacasse, porte-parole média chez Desjardins. Il témoigne d’une certaine « fébrilité en lien avec les placements ».
La Banque Royale du Canada a elle aussi reconnu le phénomène plus tôt cette semaine, en cherchant à rassurer ses clients dans un courriel intitulé: « Le conflit Russie-Ukraine et vos placements ».
« L’escalade des tensions géopolitiques entre la Russie, l’Ukraine et l’OTAN peut vous amener à vous poser des questions », écrit l’institution.
« Malgré les manchettes alarmantes consacrées à l’inflation, aux manifestations et aux actes de guerre, il est important de se rappeler que les fluctuations de marché sont habituelles. »
Elle ajoute que « par le passé, nous avons constaté que la période de réaction aux actes de guerre est souvent courte, et que les marchés ont tendance à surmonter rapidement ces événements ».
Cette analyse est tout à fait juste, renchérit Jean-René Ouellet, stratège d’investissement et gestionnaire discrétionnaire chez Desjardins Gestion de patrimoine.
En entrevue avec La Presse Canadienne, il recommande de « garder la tête froide », de maintenir le cap et d’éviter de poser des gestes hâtifs en réaction aux événements.
« Ce n’est jamais le temps de sortir d’une montagne russe en plein milieu de la « ride » », illustre-t-il.
Ce que nous démontre l’Histoire
Il explique qu’à l’exception de la Seconde Guerre mondiale, et de la réponse aux attentats du 11 septembre 2001 (qui coïncidait avec l’implosion de la bulle technologique), les conflits ont un effet limité sur les bourses.
Par exemple, il leur a fallu 31 jours pour rebondir lors de la guerre du Vietnam, et seulement neuf lors la crise des missiles cubains. En comparaison, les marchés ont pris 822 jours à se remettre de la Seconde Guerre mondiale.
Les experts ont répertorié une dizaine de conflits majeurs depuis 1914.
« Les perturbations géopolitiques ont des répercussions généralement assez brèves sur les bourses, donc il n’y a pas lieu de paniquer », a soutenu Jean-René Ouellet, qui préconise la patience et la retenue.
Surtout que le conflit russo-ukrainien demeure pour le moment « circonscrit » à cette région du monde, selon lui.
« Les marchés — et c’est là où c’est un peu gênant — vont regarder devant. (…) On va rester en expansion économique, pas de dérapages. Il n’y a pas tant de changements que ça. »
Les probabilités que la situation dégénère en guerre nucléaire restent faibles, souligne pour sa part Michel Doucet, vice-président, stratège d’investissement et gestionnaire discrétionnaire chez Desjardins.
« Le message est clair: les États-Unis et l’OTAN n’entreront pas en Ukraine. Guerre mondiale: faible probabilité. Récession mondiale: faible probabilité », résume-t-il.
Pour réconforter davantage l’investisseur inquiet, il indique qu’à 0 % depuis le début de l’année, la Bourse de Toronto (TSX) est loin de sa moyenne intra-année de recul. Tout comme le S&P 500.
Miser sur un portefeuille équilibré
Malgré tout, des clients ont rapporté à M. Doucet être « nerveux de ce que je vois ». Il attribue cette nervosité au fait qu’en 2022, il est possible de suivre l’invasion russe en Ukraine « en temps réel ».
« Il faut revenir à la base, insiste-t-il. Je bâtis un portefeuille qui est mon miroir, et je ne laisse jamais les émotions prendre le dessus. (…) L’argent, c’est géré froidement. »
« Reste dans ton profil d’investissement, conséquent à ta politique de placement », ajoute-t-il, tandis que Jean-René Ouellet prévient contre le danger de vendre « dans la panique » et causer des « dommages permanents à son patrimoine ».
« D’avoir des valeurs refuges dans son portefeuille, c’est correct. De n’avoir que ça, ce n’est pas un bon comportement d’investisseur », a rappelé Jean-René Ouellet.
Il faut absolument distinguer « ce qu’on voit à la télévision, qui est horrible », de l’état de l’économie et des marchés, ajoute Louis Lajoie, stratège en investissement principal et gestionnaire de portefeuille à la Banque Nationale.
« Pour nous, c’est de garder le cap. Concrètement, on est encore assez optimistes au niveau des marchés boursiers pour la suite. (…) On n’a pas changé notre stratégie », affirme-t-il en entrevue.
Tout comme ses pairs, Louis Lajoie recommande d’avoir un portefeuille diversifié, dont une partie sera toujours « bien positionnée », quitte à faire des ajustements à la marge, au besoin.