L’Autorité des marchés financiers (AMF) entend mener une nouvelle consultation sur la distribution de produits d’assurance par Internet à l’automne 2021.
C’est ce qu’a indiqué Louis Morisset, président-directeur général de l’AMF lors du 14e Rendez-vous de l’AMF, lundi. À cette occasion, il a expliqué notamment les priorités que comprendra le prochain plan stratégique de l’AMF 2020-2024.
Le parcours qui a mené à l’adoption du règlement sur les modes alternatifs de distribution a été riche en débats. Dans le cadre des consultations, certains groupes défendant les consommateurs ont souligné les problèmes potentiels à la distribution par Internet, dont le fait de permettre un cadre qui favorise la comparaison des produits uniquement en fonction de leur prix plutôt qu’axée sur la qualité du produit. Certains représentants se sont opposés au règlement qui permet la distribution sans passer obligatoirement par un représentant en assurance de personnes. Enfin, les assureurs ont réclamé un cadre souple afin de répondre aux besoins des clients.
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Le règlement, qui est entré en vigueur en juin 2019, permet « que le consommateur soit aussi bien protégé peu importe le canal, dit Louis Morisset. On voulait éviter d’être un frein au développement des nouveaux modèles d’affaires. »
« Nos équipes ont développé un cadre de surveillance robuste qui vise à faire en sorte que les obligations soient respectés. On ne constate rien de non anticipé », a précisé Louis Morisset.
« Mais on le sait, avec l’avènement de l’intelligence artificielle, les choses pourraient se complexifier dans les prochaines années. Et c’est pour ça qu’on suit de près le dossier et on souhaite à l’automne 2021, lancer une nouvelle consultation. On veut faire part de nos constats, obtenir votre rétroaction sur ce que vous constatez et voir si la réglementation mériterait à nouveau d’être améliorée », a-t-il indiqué.
Fardeau réglementaire allégé
Parmi les enjeux qui feront partie du plan stratégique de l’AMF 2020-2024, qui sera mis en œuvre en avril prochain, Louis Morisset prévoit mieux tirer parti des données dont son organisation dispose, notamment avec l’intelligence artificielle.
« On pense qu’on peut développer grâce à l’intelligence artificielle, grâce aux techniques de traitement du langage naturel, grâce au machine learning, des façons qui vont nous aider à mieux faire notre travail », a-t-il noté. L’AMF veut aussi favoriser les regtech, ces entreprises qui aident les assujettis à mieux se conformer à la réglementation en place.
« On veut s’intéresser à la charge de conformité. On est conscient que depuis la dernière crise, beaucoup de réglementation a été développée. Elle était nécessaire, mais on ne s’est pas arrêté tellement à réfléchir aux obligations et aux impacts de celle-ci », a noté Louis Morisset. Est-ce qu’on peut l’alléger? Est-ce qu’on peut l’optimiser? On va s’intéresser à ces questions dans les prochaines années. »
Protéger les clients vulnérables
L’un des chantiers qui occupera l’AMF dans les prochaines années est la protection des clients vulnérables, dont les personnes âgées.
Dans le secteur des services financiers, au Québec, on retrouve environ 149 000 travailleurs, a noté Frédéric Pérodeau, surintendant de l’assistance aux clientèles et de l’encadrement de la distribution à l’AMF, en marge du Rendez-vous de l’AMF.
Selon lui, ce sont autant de « sentinelles sur le terrain qui sont susceptibles de faire une différence dans la trajectoire des personnes les plus vulnérables ». Comme régulateur, il vise à les équiper pour prévenir, détecter et intervenir dans les situations de maltraitance.
Les situations liées à la maltraitance des personnes vulnérables sont souvent extrêmement délicates à gérer pour un courtier, un cabinet ou un représentant. Souvent, l’abuseur est une personne de l’entourage proche d’une personne âgée ou vulnérable.
Or, le cadre réglementaire actuel est contraignant pour l’industrie, même lorsqu’un membre de celle-ci constate un abus. Par exemple, un représentant ne peut refuser un ordre de rachat si celui-ci provient d’un client apte, même s’il sait que son client est sous l’influence d’un abuseur. Au mieux, il peut retarder la transaction en lui expliquant qu’il a besoin de temps pour revoir son plan et s’assurer de la convenance.
Également, l’encadrement légal et réglementaire interdit à un représentant de communiquer à un tiers les informations confidentielles d’un client.
« C’est une question juridique complexe qui touche des notions de déontologie, de discipline, de responsabilité professionnelle, de droit civil et de protection des renseignements professionnels », a noté Frédéric Pérodeau.
Pour aider les représentants à avoir les bons réflexes en cas de maltraitance, Frédéric Pérodeau invite les représentants et leurs patrons à consulter le Guide pratique pour l’industrie des services financiers intitulé Protéger un client en situation de vulnérabilité.
« Ils peuvent aussi nous appeler s’ils ont des questions. On a développé notre expertise sur le sujet », a indiqué Frédéric Pérodeau.
Actuellement, l’AMF travaille avec les Autorités canadiennes en valeurs mobilières afin de créer un cadre réglementaire convenable pour protéger les clients vulnérables. Celui-ci se déclinera en quatre aspects.
Le premier est de permettre aux assujettis de demander les coordonnées d’une personne de confiance à laquelle le représentant pourra s’adresser s’il a des motifs raisonnables de penser que son client est victime de maltraitance. « Idéalement, ce n’est pas la personne qui détient une procuration ou un mandat. Il y a déjà plusieurs firmes qui le font contractuellement », a dit Frédéric Pérodeau.
Le deuxième est de créer la possibilité explicite de refuser un ordre ou un retrait dans les cas où on a un motif raisonnable de penser que la personne est victime de maltraitance.
Le troisième est d’accorder une espèce d’immunité (safe harbor) destinée au représentant qui lui indiquerait ceci : « Si vous avez des motifs raisonnables de penser que votre client est victime de maltraitance ou de déclin cognitif, vous allez avoir une certaine immunité. »
Le quatrième est d’obliger les firmes de l’industrie à accorder suffisamment de temps à un représentant qui a un motif raisonnable de penser que son client est en situation de vulnérabilité. Le but est ainsi qu’il puisse suivre les meilleures pratiques, respecter l’autonomie, le rythme et la volonté de son client.
« Si les impératifs de production sont trop importants, je ne voudrais pas qu’une personne puisse détourner le regard face à une situation où il y a de la maltraitance parce que ce sont des situations qui prennent du temps à gérer », explique Frédéric Pérodeau.
Il s’attend à mettre en place un cadre réglementaire semblable dans le secteur de la distribution d’assurance.