Même son de cloche de la part d’Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille et planificatrice financière, Gestion privée Peak. Cette auteure de deux livres sur le sujet – Votre retraite crie au secours et Maximisez votre capital retraite – souligne la difficulté de prévoir ce que sera la retraite pour les jeunes qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail. «C’est tellement loin. Et l’avenir est moins clair que pour leurs parents, les boomers», indique-t-elle.

«Il y a trente ans, les clients me demandaient de faire une projection de retraite sur 10 ou 15 ans. Aujourd’hui, on peut faire des projections jusqu’à l’âge de 90, 95 ou 100 ans», indique-t-elle. Déjà, certains de ses clients pen-sent devoir prendre une retraite passé la soixantaine.

Contre-exemple : les boomers endettés

Pour les jeunes de 18 à 30 ans, les boomers pourraient bien servir d’exemples… à ne pas suivre ! De récentes études – une de CIBC(1) et une autre de Statistique Canada – révèlent que 59 % des Canadiens retraités disent qu’ils ont des dettes actuellement, par rapport à la moyenne nationale de 71 % pour tous les groupes d’âge.

«Quand vous arrivez à la retraite, vous devriez être en mesure de profiter de l’argent que vous avez économisé avec tant d’efforts pendant votre vie», déclare Sylvain Vinet, chef régional, Est du Canada, Banque CIBC. «Les Canadiens encore endettés à l’âge de la retraite pourraient ne pas profiter pleinement de leur épargne-retraite parce qu’ils en affectent une partie aux remboursements mensuels de leur dette.»

«Les entrées et les sorties de fonds sont un élément essentiel de la planification en vue de la retraite, car même les petites réductions de votre endettement peuvent influer grandement sur vos liquidités mensuelles», ajoute Sylvain Vinet.

Selon Hélène Gagné, la jeune génération devra être conscientisée plus rapidement aux risques de l’endettement et apprendre à économiser. La responsabilité de préparer leur retraite est tranquillement pelletée dans leur cour.

À l’instar de plusieurs pays européens, le gouvernement canadien a repoussé l’âge de départ à la retraite à 67 ans, tandis que les régimes à prestations déterminées cèdent graduellement leur place aux régimes à cotisation déterminée.

Les jeunes devront apprendre à valser avec l’insécurité, note-t-elle. Toutefois, cela semble déjà être le cas. Une enquête(2) de TD Canada Trust indique que 56 % des Québécois de la génération Y (nés entre 1982 et 1999) ont toujours le sentiment de trop dépenser par rapport à 50 % de la génération X (nés entre 1965 et 1981) et à 42 % des boomers (nés entre 1946 et 1964).

Par conséquent, la génération Y serait plus encline à penser qu’il faut s’informer davantage des possibilités d’épargne et d’investissement qui leur sont offertes. C’est ce que pensent 63 % des jeunes de cette génération par rapport à 41 % des X et à 32 % des boomers.

«Peut-être que le facteur vraiment déterminant pour la génération Y est la persistance de l’incertitude économique», souligne J. Bruce Morton, professeur de psychologie à l’Université Western Ontario, qui a analysé le volet comportemental de l’étude de TD.

Toutefois, cette conscientisation ne se traduirait pas dans leur comportement, note le psychologue : «Les Y trouvent parfois difficile d’envisager concrètement l’avenir, et l’épargne à long terme leur apparaît comme une perspective moins raisonnable».

Rappelant que les jeunes devront prendre en main leur retraite, Hélène Gagné note qu’il n’y a pas de recette miracle. «Bien que ce soit loin, il faut qu’ils commencent à économiser, même un très petit montant.»

Maurice N. Marchon indique que «l’univers de la retraite» dépend de plusieurs aspects sociaux qui ne relèvent pas nécessairement de la volonté ou non d’économiser. Il cite, entre autres, le prolongement de la durée des études, une entrée plus tardive sur le marché du travail et un fardeau financier élevé avec notamment des prêts étudiants.

«Il n’y a pas de solution miracle. Tout cela est mathématique. Mais plusieurs facteurs influenceront leur retraite», résume-t-il.

Les jeunes de 18 à 30 ans devront avoir les ambitions de leurs moyens. «Tout dépend de ce que tu désires avoir. Si tu veux rester chez toi et t’occuper de ton petit potager avec deux chaises de bois – sans plus – c’est évidemment moins coûteux que si tu veux voyager et maintenir le même niveau de vie», conclut-il.

(1) Sondage de la Banque CIBC : «Plus de la moitié des Canadiens retraités ont des dettes», 15 juillet 2013.

(2) Étude de TD Canada Trust : «Des boomers à la génération Y : Comment différentes époques contribuent à déterminer les habitudes de planification financière», 15 janvier 2013.