Les efforts du gouvernement fédéral pour couper les vivres aux manifestants qui ont assiégé la capitale nationale et bloqué les principaux postes frontaliers pourraient bien se répercuter sur le secteur des investissements.
En vertu d’un décret publié dans le cadre de l’utilisation par le gouvernement de la loi sur les situations d’urgence pour réprimer les manifestations, les courtiers en valeurs mobilières, les gestionnaires de portefeuille et les conseillers en placement sont impliqués dans l’effort visant à couper le financement des manifestants.
La réglementation exige des entreprises du secteur de l’investissement (ainsi que des banques et autres institutions financières) qu’elles déterminent si elles détiennent des actifs pour des personnes engagées dans des activités interdites – comme la participation à des rassemblements visant à empêcher le commerce ou à interférer avec des infrastructures essentielles – et qu’elles cessent de fournir des services financiers ou d’effectuer des transactions pour ces personnes.
Les règles exigent également que les plateformes de collecte de fonds en ligne qui traitent à la fois en cryptomonnaie et en monnaie traditionnelle – ainsi que les processeurs de paiement – s’enregistrent et déclarent les transactions à l’agence fédérale de lutte contre le blanchiment d’argent, le Centre d’analyse et de déclaration des transactions financières (CANAFE).
Si l’intention de l’ordonnance d’urgence est claire, à ce stade, son application pratique ne l’est pas.
Selon des sources du secteur, les entreprises voudraient probablement savoir clairement qui est visé par l’ordonnance et si elles sont légalement protégées lorsqu’elles se conforment à ses exigences.
Laura Paglia, présidente et chef de la direction de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), a indiqué que le groupe commercial de l’industrie n’a pas encore reçu de demandes d’aide de la part d’entreprises pour se conformer aux mesures, mais qu’il est « prêt à travailler avec elles si des problèmes surviennent ».
L’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières a déclaré dans un communiqué qu’il exige de ses courtiers membres qu’ils se conforment à « toutes les lois appropriées ».
« Nous nous efforçons de recueillir davantage d’informations sur les implications opérationnelles de la Loi sur les urgences pour nos sociétés de courtage », avance le communiqué.
L’Association des banquiers canadiens a annoncé dans un communiqué que, comme les autres fournisseurs de services financiers, les banques devront « mettre en œuvre avec diligence les mesures requises ».
« Les banques au Canada suivent toutes les lois et tous les règlements applicables dans l’exercice de leurs activités, conformément à leur engagement à protéger l’intégrité du système financier canadien », a déclaré l’association.
Les grandes banques canadiennes ont jusqu’à présent refusé de commenter individuellement et se sont référées à la déclaration de l’ABC.
Les ordonnances d’urgence enjoignent aux institutions financières de suspendre leurs services aux clients, particuliers et entreprises, qu’elles soupçonnent de contribuer aux blocus.
Ils exigent également que les institutions fassent preuve de diligence raisonnable afin d’identifier les comptes liés aux manifestations, et qu’elles divulguent à la GRC ou au SCRS tout bien ou toute transaction qu’elles ont identifiée comme appartenant ou étant contrôlé par les personnes désignées.
Les banques ont reçu une protection contre les responsabilités civiles pour les actions entreprises en application des ordonnances.
Lors d’une séance d’information à l’intention des médias mercredi, des hauts fonctionnaires du gouvernement ont déclaré qu’ils étaient en pourparlers avec les institutions financières au sujet de l’application de l’ordonnance.
À la question de savoir si les institutions financières ont reçu des conseils sur les personnes impliquées à cibler, les responsables ont répondu qu’il appartenait aux institutions de faire preuve de diligence raisonnable, mais qu’il serait logique de se concentrer d’abord sur les principales sources de financement puisque l’objectif de l’ordonnance est de limiter le financement des manifestations.
Pour obtenir le déblocage des comptes financiers, que ce soit parce qu’une personne a cessé de manifester ou en raison d’une erreur d’identité, les responsables ont indiqué que les personnes concernées devaient s’adresser à leurs institutions financières, qui valideraient ensuite les informations et prendraient les mesures nécessaires.
Du côté des assurances, les ordonnances ne s’appliquent qu’à l’assurance automobile. Le Bureau d’assurance du Canada a rapporté récemment que l’association et ses membres travailleraient avec le gouvernement fédéral pour déterminer la meilleure façon de mettre en œuvre les ordonnances.