Les surprises fiscales du rêve olympique
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L’Agence du revenu du Canada (ARC) confirme ce fait. «Concernant les récompenses pécuniaires données à des athlètes canadiens pour leurs exploits lors des Olympiques, celles-ci sont imposables en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, et ce, peu importe si l’athlète est amateur ou professionnel. Ceci inclut tout montant qu’un contribuable reçoit dans une année pour une réussite dans le, ou en raison du, domaine d’activité habituel du contribuable, autre qu’une récompense visée par règlement», a confirmé Frédérick Fink, porte-parole québécois de l’ARC.

Pourtant, les athlètes ont souvent consacré des milliers d’heures à leur entraînement afin de se hisser au sommet de leur discipline. La somme de 20 000 $ versée pour une médaille d’or peut sembler dérisoire, surtout aux parents qui ont donné énormément de temps et d’argent pour soutenir leur progéniture dans leur quête d’excellence et leurs déplacements aux quatre coins de la planète. Pourquoi ne pas accorder un traitement de faveur à ces athlètes, comme cela se fait dans certains autres secteurs ? Par exemple, au Québec, les écrivains ne sont pas imposés sur les premiers 15 000 $ de revenus de droits d’auteur.

Certains fiscalistes croient que l’article 7700 du Règlement de l’impôt sur le revenu pourrait servir de base à cet argumentaire. En effet, cet article exempte les récompenses reconnues par le public et décernées pour une oeuvre méritoire réalisée dans le domaine des arts ou des sciences ou dans le cadre de services au public. Pourquoi alors ne pas exempter les médaillés olympiques, dont le prestige rejaillit sur tout le pays ? Voilà un point de vue que modère l’ARC.

«L’article 7700 définit comme « récompense » celle qui est reconnue par le public et décernée pour une oeuvre méritoire réalisée dans le domaine des arts ou des sciences. Bien que gagner une médaille olympique puisse être reconnu comme un exploit international et peut indirectement promouvoir un sentiment de nationalisme, les récompenses monétaires qui sont données aux athlètes canadiens en raison d’une médaille olympique ne seraient pas des récompenses visées par l’article 7700», oppose Frédérick Fink dans un courriel expédié à Finance et Investissement.

Robert Robillard, associé principal chez RBRT Fiscalité et auteur du blogue Poésie fiscale (www.poesiefiscale.ca), n’acquiesce pas nécessairement à cette interprétation. «Je crois que l’on pourrait faire valoir l’article 7700 en faveur des athlètes amateurs.»

Cependant, ce dernier constate que personne n’a cru bon de recourir à cet article jusqu’à maintenant.

Selon Robert Robillard ainsi que Caroline Rhéaume, avocate spécialisée dans les fiducies et titulaire du titre de planificatrice financière (www.carolinerheaume.com), la question est souvent très théorique. En effet, vu le peu de revenus que touchent les athlètes amateurs, ces derniers sont peu imposés. Ce n’est qu’après une victoire olympique que certains d’entre eux recevront une somme importante et, bien souvent, cette dernière ne surviendra que vers la fin de leur carrière d’athlète. C’est à ce moment que la question les préoccupera, puisqu’il est possible qu’ils se fassent offrir un contrat alléchant de commandite ou de promotion par une entreprise. Or, ce revenu, s’il est important, risque d’être soumis à des taux marginaux d’imposition élevés.

Fiducie

Toutefois, la législation offre un stratagème de report. «Un athlète amateur, qui est un membre d’une association canadienne enregistrée de sport amateur et qui s’est qualifié pour un événement sportif international sanctionné par une fédération internationale de sports comme membre de l’équipe nationale canadienne, peut reporter le paiement de l’impôt si le revenu a été versé dans un mécanisme appelé une fiducie au profit d’un athlète amateur», explique Frédérick Fink. Une certaine confusion semble toutefois persister en la matière. En effet, il semblerait y avoir deux façons de mettre sur pied une fiducie au profit d’un athlète amateur. Soit par l’intermédiaire d’une association sportive reconnue par une fédération internationale, ou par celle d’une institution financière.

Alexandre Bilodeau, comptable chez KPMG et double médaillé d’or en ski acrobatique, remet cependant les pendules à l’heure : «Ce n’est pas deux façons de faire une fiducie d’athlète, mais plutôt deux conditions. La fiducie, pour être créée, doit être liée à une association sportive nationale. De plus, l’argent qui reste dans la fiducie doit obligatoirement être détenu dans une institution financière. Une institution financière ne peut créer une fiducie d’athlète».

Robert Robillard met pour sa part l’accent sur l’importance de recourir à un spécialiste des fiducies. «C’est primordial, surtout pour l’écriture de l’acte de fiducie», précise-t-il.

Caroline Rhéaume souligne aussi l’importance de la planification fiscale. «On doit faire attention, car le but de la fiducie est de reporter l’impôt afin d’éviter les taux d’imposition élevés si le paiement est important», explique-t-elle. En effet, certains athlètes ont des carrières rémunératrices une fois leur retraite sportive prise. Le retrait des revenus de la fiducie pourrait être contre-productif puisqu’ils seraient imposés à des taux marginaux élevés, ce qui irait à l’encontre de l’objectif initial de la fiducie.

La fiscaliste rappelle que la fiducie doit obligatoirement être dissoute sept ans après la dernière compétition de niveau international de l’athlète en question. Une fois l’athlète retiré de la compétition, il ne peut injecter aucune somme dans cette fiducie et l’argent retiré est imposable immédiatement. Selon Caroline Rhéaume, il y a donc un risque que la valeur des fonds ou des autres biens dans la fiducie soit incluse dans le revenu de l’athlète à un moment inopportun. «Si l’ancien athlète mène une carrière payante, il se peut qu’il soit imposé à des taux élevés. En fait, la fiducie est un outil utile lorsqu’il abandonne le sport, mais qu’il n’a pas commencé à travailler», observe-t-elle.

Imaginons un médaillé olympique qui, une fois sa carrière sportive terminée, prendrait quelques années pour finir ses études en génie. Les retraits effectués d’une fiducie seraient alors imposés à un taux plus faible. Toutefois, l’athlète aurait sans doute eu intérêt à faire son dernier retrait avant l’amorce de sa carrière en génie, une profession habituellement bien rémunérée.

Selon Me Rhéaume, le CELI, un outil tout simple bien connu des conseillers, peut s’avérer intéressant dans bien des cas, notamment en vertu de sa flexibilité.

«Par exemple, si l’athlète a besoin de 20 000 $ pour s’acheter, disons, une automobile. Il pourra rembourser le retrait effectué de son CELI», illustre-t-elle.

D’autant plus que le revenu des athlètes est souvent considéré comme un revenu de travail autonome duquel on peut déduire les nombreuses dépenses engagées pour le gagner, d’où une moins grande pertinence de la fiducie. Il faut cependant noter que les revenus versés à la fiducie sont admissibles pour le calcul de la cotisation permise au REER. «On peut les inclure à la ligne 130 de la déclaration», signale Robert Robillard en prenant bien soin de préciser toutefois que cette règle s’applique aux revenus autres que ceux de gain en capital ou de dividende, puisque ces derniers conserveront leur nature une fois versés et ne pourront donc pas servir au calcul du maximum admissible au REER.