Les ravages du coronavirus continuent, tant au niveau de la santé que sur le plan économique. Un aspect intéressant qui nous a peut-être échappé est la nécessité de revoir les transferts intergénérationnels d’entreprise qui ont été initiés avant la pandémie.
Cet aspect n’a pas échappé à Normand Verville, vice-président adjoint, planification fiscale et successorale chez IG Gestion de patrimoine, qui nous explique les implications d’un tel processus, et les modifications à y apporter en ces temps de crise.
Un transfert d’entreprise des parents vers leurs enfants nécessite un « gel successoral ». Le gel successoral, selon la définition de Raymond Chabot, a pour but de transférer la plus-value future des actifs (généralement des actions de petite entreprise) que détient un propriétaire, auteur du gel, afin qu’elle s’accumule entre les mains d’autres personnes (enfants, petits-enfants, etc.), tout en permettant à l’auteur du gel de conserver la valeur actuelle de ses actions et de reporter l’impôt sur le gain en capital au moment de leur cession réelle ou réputée.
Normand Verville nous explique, à l’aide d’un exemple, les défis dans ce genre de processus.
« Prenons l’exemple d’une société appartenant à un parent qui détient 1000 actions ordinaires dont la valeur est de deux millions de dollars (M$). On prend ces 1000 actions ordinaires et on les transforme en 1000 actions privilégiées avec une juste valeur marchande de 2 M$. Là, on émet d’autres actions ordinaires, soit à la fiducie ou directement aux enfants. Ceci permet aux actions privilégiées octroyées aux parents de recevoir des dividendes sans participer à la plus-value future de l’entreprise. Toute la croissance future appartient aux enfants. Ça permet aussi de déterminer l’impôt à payer au décès des parents et de contracter des produits d’assurance-vie. Nous savons que la valeur est de 2 M$ et ne changera pas. »
L’autre avantage du gel successoral, nous explique-t-il, est que, dans le cas par exemple où, après avoir nommé une fiducie dont les enfants sont bénéficiaires, les 2 M$ de valeur augmentent de façon importante, il est possible de multiplier les exemptions du gain en capital à la suite de la vente de l’entreprise.
Or, avec la pandémie et la crise économique qu’elle a engendrée, plusieurs entreprises sont susceptibles de perdre en valeur. Il serait donc judicieux de revoir ce gel successoral afin d’établir une nouvelle valeur sur laquelle le transfert se fera.
« Si on se retrouve au mois de septembre avec une entreprise qui ne vaut plus que 1,5 M$ tandis les actions privilégiées valant encore 2 M$, cela fait que nous n’avons même pas assez de valeur pour payer ces actions, précise le gestionnaire. On peut alors refaire un gel et réémettre des actions privilégiées pour 1,5 M$. La démarche fait en sorte de réduire l’imposition des parents et d’accorder davantage de plus-value aux enfants. Il faut encore que les parents acceptent de le faire. »
Cette stratégie nécessite une planification rigoureuse, et surtout une projection réaliste afin de déterminer la valeur future d’une entreprise, de même que la plus-value qui pourra en être tirée.