Alors que l’investissement ESG connaissait une belle croissance ces dernières années, il prend maintenant une place prioritaire. La pandémie et le conflit russo-ukrainien ont ainsi encore développé l’intérêt des investisseurs. Toutefois, certaines questions subsistent.
Finance et investissement et Conseiller ont tenté de dissiper quelque peu la confusion lors de la table ronde « Les réponses à vos principales questions ESG » qui s’est tenue le 17 mai dernier. Animée par Rosalie Vendette, Experte en finance durable, DécodESG; et associée, Quinn & Partners, le panel a ainsi tenté de casser certains mythes en plus de donner des conseils pratiques aux conseillers.
Qu’en est-il du rendement?
Le mythe le plus assidu quand on parle d’ESG est certainement la question du rendement. Nombre d’investisseurs s’intéressent à ce type d’investissement, mais refusent de se lancer, de peur de laisser de l’argent sur la table.
Selon Simon Ste-Marie, Vice-président et spécialiste des FNB, Invesco, ce mythe aurait pris origine dans les années 60. C’est à cette époque que l’ESG a commencé à prendre de l’importance, mais à ce moment-là, les gestionnaires n’appliquaient que des exclusions, ce qui a effectivement conduit à plusieurs degrés de sous-performance. Depuis, cependant, l’ESG utilise nombre d’autres outils, mais cette mauvaise réputation lui a collé à la peau.
En effet, David Ung, Analyste principal ESG, Gestion de placements Manuvie, rapporte que cela fait partie des trois questions qu’il entend le plus souvent de la part des gestionnaires.
Pourtant, l’ESG est loin de nuire au rendement. Selon les deux experts, il s’agit davantage d’une forme de gestion de risque.
Une compagnie qui rejette trop de CO2 pourrait recevoir une amende, ce qui nuirait à ses états financiers et donc à ses investisseurs, illustre Simon Ste-Marie. Et comme pour une chute de marché, il est difficile de prévoir quand cela va arriver. Il est donc bon d’investir dans des entreprises qui adressent ces risques avant qu’ils ne surviennent.
L’ESG permet d’enrichir l’analyse, de faire une meilleure évaluation, plus holistique, et permet de mieux aligner les placements avec les intérêts du client, appuie Maral Dolmadjian, Spécialiste, produits de placement, Gestion d’actifs Placements mondiaux Sun Life (PMSL).
Selon elle, en plus de permettre une meilleure gestion des risques, cela permet également de saisir des occasions de placement. En effet, souligne David Ung, en encourageant les entreprises à adopter une gestion prenant en compte ces critères, cela va les pousser à s’améliorer. « Si on est capable d’être là avant que les entreprises s’améliorent, on peut capturer de l’alpha », résume-t-il.
Quant au désinvestissement, cette stratégie, qui est à la base du mythe de sous-rendement, elle n’est plus systématiquement utilisée. Par exemple, PMSL croit davantage à l’engagement qu’au désinvestissement. « On veut être à la table de discussion, avoir une voix pour aller vers des résultats économiques durables et concrets », soutient Maral Dolmadjian.
Manque de connaissances
Si les mythes ont encore la peau si dure, c’est qu’en plus des clients, les conseillers manquent également de connaissances quand il s’agit d’investissement ESG. Un sondage de l’Association pour l’investissement responsable (AIR) de janvier dernier montrait ainsi que si 85 % des conseillers interrogés se disent très ou assez à l’aise d’entamer une conversation sur l’investissement responsable, leur connaissance du sujet est faible. Ainsi, seuls 6 % des répondants ont correctement identifié les trois énoncés vrais parmi dix énoncés sur l’IR.
Selon Simon Ste-Marie, ce manque de connaissances explique la réticence des conseillers à aborder le sujet de l’ESG. Nombre d’entre eux prétextent également n’avoir que des clients plus âgés et que ces derniers ne s’intéressent pas à l’investissement responsable. Toutefois, c’est faux, selon l’expert. D’après les sondages, toutes les générations ont de l’intérêt pour l’investissement ESG.
Ce dernier comprend qu’il y a beaucoup de termes, de définitions et de méthodologies différentes, mais il conseille de ne pas se paralyser et de plutôt commencer par étape.
David Ung estime également que l’éducation est essentielle et celle-ci doit être continue, vu que le secteur est en constante évolution. « Plus tôt vous vous éduquerez, plus tôt vous pourrez en parler », martèle-t-il. Il recommande surtout de ne pas attendre avant de se lancer, car, selon lui, il est certain que les clients vont aborder le sujet, et plus tôt qu’on ne le pense.
En effet l’intérêt des clients grandit sans cesse. Selon le sondage d’opinion de l’AIR publié en décembre dernier, 77 % des répondants ont déclaré vouloir que leur fournisseur de services financiers les informe sur les investissements responsables qui correspondent à leurs valeurs, alors que seuls 27 % ont déclaré qu’on leur avait déjà demandé s’ils avaient un intérêt pour l’investissement responsable, et que 33 % des personnes interrogées ont déclaré posséder des investissements responsables.
On voit ainsi qu’il y a un grand intérêt pour ces placements et que l’investissement ESG n’est pas près de s’arrêter. Ceci d’autant plus qu’à l’intérêt des investisseurs s’ajoutent les réglementations des gouvernements. En Europe, les fonds d’investissement doivent maintenant préciser si leurs fonds sont des fonds d’investissement responsable ou non, ce qui peut compliquer le marketing pour les non-responsables. Ainsi, les gouvernements encouragent les entreprises à tenir compte des facteurs ESG.
Et l’écoblanchiment?
Depuis la montée de l’ESG, on entend beaucoup parler d’écoblanchiment. En attendant que la réglementation règle le cas de cette tendance, comment s’assurer d’éviter les pommes pourries?
David Ung a la réponse. Selon lui, il faut évaluer les fonds et les gestionnaires selon trois critères :
- Clarté : si on veut investir dans un fonds ESG ou avec un gestionnaire, il faut que son objectif soit clair;
- Transparence : le fonds ou le gestionnaire doit publier ses données chaque année pour prouver qu’il se rapproche de ses objectifs;
- Crédibilité : quelles sont les notes de performance ESG du fonds ou est-ce que le gestionnaire est reconnu?
S’il est difficile de répondre à ces questions, il est important de s’adresser alors au gestionnaire ou au fournisseur de service. Si la réponse est encore floue après cela, David Ung recommande d’éviter le fonds ou le gestionnaire.
En conclusion, l’ESG n’est pas une mode, surtout si l’on prend en compte le réchauffement climatique et les tensions géopolitiques actuelles. N’attendez pas que les clients vous en parlent, prenez les devants. Embarquez, avant de vous retrouver à la traîne