Selon le mémoire de l’Association des banquiers canadiens (ABC), la norme proposée «n’est pas suffisamment claire pour fournir un code de conduite valable».

Cette norme est problématique, car «ceux qui vendent des produits maison ne seront pas en mesure de s’y conformer», signale pour sa part Dan Hallett, vice-président et associé chez HighView Financial Group, dans son mémoire.

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De plus, la norme proposée risque d’introduire de «l’incertitude juridique quant à l’applicabilité de la jurisprudence existante et à l’étendue de l’obligation des conseillers et des sociétés», lit-on dans le mémoire de Desjardins. Plusieurs firmes, dont la Banque Nationale, montrent une même réserve.

La norme est déjà prévue dans les dispositions du Code civil du Québec, dans la Loi sur les valeurs mobilières (LVM), ainsi que dans la Règle 42 de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM), la règle 2.1.4 de l’Association canadienne des courtiers de fonds mutuels (ACFM), l’article 13.4 du règlement 31-103 et la Ligne directrice sur les saines pratiques commerciales de l’Autorité des marchés financiers (AMF), rappelle le Mouvement Desjardins.

Selon la Chambre de la sécurité financière (CSF), il n’y a aucun avantage a adopter au Québec une telle norme réglementaire, puisqu’elle y existe déjà en vertu des Règles applicables, dont celles mentionnées précédemment. La CSF appuie toutefois la mise en place d’une norme équivalente dans le reste du Canada, alors que l’ABC s’interroge sur la manière dont cette obligation fiduciaire supplémentaire de la loi diffère de l’obligation de fiduciaire de la Common Law.

L’Association professionnelle des conseillers en services financiers (APSCF) craint quant à elle que l’introduction d’une telle norme ne laisse entendre aux investisseurs qu’ils auraient des raisons de se méfier des conseillers.

«La norme créera un degré ingérable et peut-être inutile de réglementation, de conformité et d’incertitude juridique», analyse l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC).

Régulateurs divisés

Dans son mémoire, la CIBC souligne que le projet des ACVM n’obtient pas «le soutien de l’ensemble des participants de l’industrie, ni de la plupart des organismes de réglementation des valeurs mobilières provinciales».

En effet, selon l’avis 33-404, l’AMF, à l’instar de la British Columbia Securities Commission (BCSC), de l’Alberta Securities Commission (ASC), de la Commission des valeurs mobilières du Manitoba (CVMM) et de la Nova Scotia Securities Commission (NSSC), ont exprimé de sérieuses réserves face à cette norme.

Selon les régulateurs dissidents, l’éventuelle norme pourrait exacerber le décalage entre les attentes des clients et les obligations des personnes inscrites en raison des catégories d’exercice restreint existantes et des modèles d’entreprise exclusifs autorisés au Canada. Ils indiquent que «les clients pourraient s’attendre à ce que les personnes inscrites aient une obligation non limitée d’agir dans leur intérêt, sans comprendre que certains conflits seraient encore permis».

Ces autorités ne voient pas comment les autorités de réglementation ou les tribunaux interpréteront une norme qui, d’une part, exige expressément de se conduire au mieux des intérêts du client et d’éviter les conflits importants, mais qui, d’autre part, autorise une conduite qui n’est pas au mieux des intérêts du client, pourvu qu’il y ait déclaration.

À l’inverse, les commissions des valeurs mobilières de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick sont favorables à cette norme. Celle-ci guiderait les personnes inscrites dans la gestion des situations qui ne sont prévues par aucun règlement ou qui sont nouvelles. Elle répondrait aux préoccupations découlant du faible niveau de littératie financière de nombreux clients.

Cette position rejoint celle exprimée par le Consumers Council of Canada (CCC). Selon le groupe, l’industrie devrait «travailler dans le meilleur intérêt de [ses] clients et être responsable de la défense et de la protection financière des consommateurs».

FAIR Canada se dit aussi convaincue de la nécessité d’implanter cette norme afin de résoudre le problème de l’asymétrie d’information entre un conseiller et son client : «Les cibles des réformes proposées […] sont insuffisantes parce qu’elles ne traitent pas efficacement les conflits d’intérêts et d’autres problèmes qui peuvent survenir.»

Autres solutions

Raymonde Crête et Cinthia Duclos, respectivement professeure associée, avocate, directrice du Groupe de recherche en droit des services financiers (GRDSF) de l’Université Laval, et professeure assistante et avocate, membre du GRDSF, estiment quant à elles que l’adoption d’une norme de primauté des intérêts du client réduirait le décalage entre les attentes des clients, qui présument que leur conseiller agit ou du moins qu’il est censé agir au mieux de leurs intérêts, et les obligations des conseillers.

Elles conviennent toutefois que la norme réglementaire proposée engendre un risque de confusion pour les acteurs concernés, et un arrimage difficile, voire une incohérence, avec les principes de droit commun québécois. Comme autre solution, elles proposent d’adopter les principes directeurs envisagés dans une norme de conduite, sans qu’ils soient regroupés sous le couvert d’une norme de diligence.