Depuis le début de 2020, on note une différence flagrante entre le rendement global dans la catégorie croissance de l’indice Russell 1000, qui s’élève à 29,1 %, et le rendement global dans la catégorie valeur, qui enregistre -10,3 %.
Pourtant, François Rochon, président et gestionnaire de portefeuille chez Giverny Capital, estime que cela ne devrait pas inciter les investisseurs à se jeter dans la catégorie croissance de cet indice. Au contraire, dans un podcast avec Les Affaires le professionnel invite à la prudence.
Peu significatif sur le long terme
François Rochon rappelle dans un premier temps qu’il est un peu simpliste de séparer les titres boursiers en deux catégories. Il juge cela intéressant dans l’optique de comparer des groupes de compagnie. C’est justement ce que fait le Russell 1000. Les titres qui composent ce sous-indice américain sont séparés en deux : 450 sont dans la catégorie croissance et 550 dans la catégorie valeur.
Quant à l’écart entre ces deux groupes de titres qui se creusent depuis ces trois dernières années, et d’autant plus depuis le début de 2020, il juge cela presque anecdotique.
Ainsi lui-même regarde la performance de cet indice depuis 1993 et remarque qu’il y a eu des flux et des reflux entre les deux catégories. Sur ces presque 25 années, la performance est toutefois quasi identique. On parle ainsi de 6,9 % de rendement annuel pour le Russell 1000 croissance et environ 6,7 % pour le Russell 1000 valeur.
Il note également qu’un tel engouement pour les titres de croissance n’est pas nouveau. À la fin des années 90, à l’époque des premiers titres Internet, on a déjà pu constater une grosse période de surperformance des titres croissance, mais peu après, on a vu un retour de la catégorie valeur.
François Rochon explique cet écart de performance par l’appétit des gestionnaires pour des titres de croissance comme Apple, Microsoft, Google ou Facebook. Mais il note que si l’on voit effectivement un bon taux de croissance pour ces titres, ils accusent également une augmentation importante de leur cours/bénéfices
« Et à long terme, je ne pense pas qu’il faut trop compter sur l’augmentation du cours/bénéfice », commente-t-il.
Une popularité excessive
Il estime ainsi que la popularité des titres de croissance est excessive. « Quand on a des ratios trop élevés, on s’expose à des pertes en capital ou à tout le moins on aura un titre qui ne va faire pas grand-chose le temps que les bénéfices rattrapent l’évaluation », explique-t-il.
Il donne ainsi l’exemple d’une compagnie réalisant 1 $ de bénéfice par action et dont le titre se transige à 40 $, soit 40x ses bénéfices, parce qu’il est « très aimé de la foule ». Si les profits double sur cinq ans, passant ainsi à 2 $ par action, le cours/bénéfice, lui, va tendre à se régulariser pour atteindre peut-être 20x les profits et non plus 40x. Ainsi, sur cinq ans, les gestionnaires ne gagneront rien.
En comparaison, dans le cas d’une compagnie qui ferait 1 $ de profit par action et 1,50 $ dans deux ans, et dont le cours/bénéfice reste le même aujourd’hui que dans cinq ans, là le titre va suivre la croissance des profits.
« Il va avoir fait 50 % sur 5 ans, donc autour de 8-9 % annualisé. Celui qui avait le moins haut taux de croissance a finalement mieux fait parce qu’il y avait une si grande disparité d’évaluation entre les deux titres pris en exemple », résume-t-il.
Il conseille donc aux investisseurs de réfléchir compagnie par compagnie avant de se lancer, plutôt que de suivre les modes, et de penser un peu aux profits potentiels dans cinq ans ainsi qu’à un cours/bénéfice qui ferait du sens dans cinq ans.