La clé pour l’industrie, c’est de mieux se vendre. «Il faut mieux expliquer la nature du service que nous offrons», a indiqué Henri-Paul Rousseau, vice-président du conseil de Power Corporation et de la Financière Power.
Il a rappelé que la valeur ajoutée du conseil financier ne se trouve pas dans la suggestion de placements, mais plutôt dans l’accompagnement du client pour qu’il atteigne ses objectifs d’épargne.
De son côté, Jacinthe Collin a fait remarquer que les progrès technologiques ont facilité l’accès à l’information. Toutefois, la vice-présidente d’Assurances Eterna constate que cela ne suffit pas.
«Les gens semblent plus informés, car l’information est au bout des doigts. Mais l’information n’est pas la connaissance», a-t-elle souligné. Et c’est dans cette distinction importante que résiderait l’avenir du service-conseil.
En effet, c’est la connaissance qui aide à prendre la bonne décision, et non la simple information, a expliqué celle qui a été la première femme agent-général au Québec.
«Souvenez-vous de la première fois où vous avez tenu un volant. Vous saviez qu’une automobile est un véhicule à moteur avec quatre roues, un système de freinage et un volant. Ça, c’est l’information. Mais saviez-vous comment l’auto réagirait en fonction de votre vitesse, des conditions routières, etc. Ça, c’est la connaissance», a-t-elle poursuivi.
Jacinthe Collin prend l’exemple de son domaine d’activité. «Mon rôle est d’évaluer les pertes financières découlant d’un décès prématuré ou d’une invalidité. Les calculatrices en ligne demanderont-elles au client s’il a un testament, un conjoint, une pension alimentaire à payer, des dettes d’études, etc. ?»
«Une fois les calculs effectués, il faut aller plus loin. Faut-il une assurance vie ? Laquelle ? C’est plus que de l’information, il faut de la connaissance», a-t-elle insisté.
Déchiffrer le non-dit
La valeur du conseil se manifestera de façon encore plus importante dans la suite du processus. «Pour bien conseiller mon client, je dois aller au-delà des chiffres et être capable de déchiffrer le non-dit», a avancé Jacinthe Collin.
«Le non-dit, ce sont les valeurs personnelles qui font que chaque client est différent. Et aucun logiciel ne peut interpréter ces valeurs, seul le conseiller peut le faire», a dit la conseillère en sécurité financière.
Les humains prennent leurs décisions en fonction de trois facteurs : le besoin, le désir et les valeurs, a expliqué Jacinthe Collin. Et de ces trois facteurs, celui des valeurs est de loin le plus important.
La conseillère a poursuivi sa métaphore liée à l’automobile. «Nous aurions tous une Lada [la voiture soviétique bas de gamme] si le besoin était notre critère de sélection d’une automobile.» Ce sont donc le désir et les valeurs qui nous poussent à acheter d’autres modèles automobiles.
Comment détermine-t-on les valeurs d’un client ? «Par l’écoute, et aucun logiciel ou ordinateur ne peut faire cela», a dit celle qui est également représentante en épargne collective pour MICA.
Jacinthe Collin a alors pris l’exemple d’un client entrepreneur qui a réussi financièrement. «Il peut gagner quelques centaines de milliers de dollars par année, compter une trentaine d’employés sous ses ordres et avoir des enfants. Il a donc des responsabilités. Pensez-vous que vous allez lui vendre une assurance ?»
«Cela dépend. Si l’entrepreneur en question rêvait de devenir architecte ou ingénieur, mais qu’il a dû abandonner ses études en bas âge parce que son père est mort sans assurance, il est fort probable que oui.»
«Cependant, si l’entrepreneur détestait l’école et que pour lui, la quitter a été une libération et l’a poussé à travailler dur dans la vie, peut-être se dira-t-il que ses enfants n’ont qu’à faire comme lui et se débrouiller», a commenté Jacinthe Collin.
Seul un représentant à l’écoute peut tenir compte de ces nuances.
Thérapeute, enseignant et coach
En fait, selon Jacinthe Collin, le représentant est un déclencheur d’émotions. «Le conseiller, quel que soit son domaine d’activité, fait référence aux émotions. Les spécialistes en marketing, les faiseurs d’images en sont l’exemple par excellence. Le conseiller en sécurité financière ou en épargne collective ne fait pas exception», a-t-elle souligné.
Son rôle est de mettre en relief un risque, soit la possibilité que des êtres chers se retrouvent dans une situation financière difficile advenant un décès prématuré, une invalidité ou la retraite. «Ce qui place le client dans un état émotionnel demandant une solution, d’où le rôle de thérapeute.»
Le représentant est également un enseignant. «Il doit démystifier l’assurance et le placement. Revenir à la base», croit Jacinthe Collin.
Par exemple, en matière d’assurance, le conseiller devra expliquer quel est le rôle d’un contrat d’assurance. En matière de placement, le représentant devra expliquer, par exemple, le rapport risque-rendement. D’où la tâche d’enseignant.
Pour ce qui est du rôle de coach, il se manifestera dans l’élaboration d’un plan et l’accompagnement du client dans toutes les étapes vers l’atteinte de l’indépendance financière.
Tout à la fois thérapeute, enseignant et coach, le conseiller doit donc tenir compte du fait que l’humain est un être non pas rationnel, mais émotif.
Résultats prouvés
Henri-Paul Rousseau, lui, a insisté sur les résultats probants du conseil humain, comme de nombreuses études l’attestent.
«Le patrimoine des ménages qui sont accompagnés par un conseiller se développe de manière plus soutenue que le patrimoine de ceux qui ne sont pas accompagnés ; il atteint le double avec les années», a-t-il indiqué, en se basant sur une étude menée pour le CIRANO.
«Qui plus est, cet effet vaut aussi bien pour les ménages à faibles revenus que pour ceux à revenus élevés.» Du coup, Henri-Paul Rousseau a rappelé que la plupart des ménages ont eu un premier contact avec un conseiller lorsque leur patrimoine financier était inférieur à 50 000 $.
Il reste que l’industrie est durement critiquée par certains détracteurs. Trois développements majeurs expliquent cette situation, selon Henri-Paul Rousseau : «La perception que l’épargnant-investisseur fait une mauvaise affaire ; des avancées technologiques dans tous les aspects du processus d’investissement ; et des autorités de réglementation très motivées à intervenir profondément».
Le financier s’inquiète que l’accès au conseil s’en trouve réduit, notamment dans la foulée de la volonté des autorités d’éliminer les commissions de suivi. Il devient donc important de valoriser le rôle du conseil. C’est pourquoi il propose une pause dans les changements de réglementation proposés à la rémunération des représentants (voir l’encadré ci-dessous).