N’oublions pas que ces deux allocations sont pleinement indexées, ce qui n’est pas le cas de bien des régimes de retraite. Pour la PSV, le client profitera d’une rente majorée de 7,2 % pour chaque année supplémentaire pendant laquelle il patientera. Dans le cas de la RRQ, la bonification annuelle s’élève à 8,4 % après 65 ans.
Situations à considérer
Il ne faut toutefois pas perdre de vue les objectifs successoraux du client. «Si une personne diffère sa rente de cinq ans, elle va utiliser davantage de capital et cela risque d’en laisser moins pour le conjoint survivant ou la succession», rappelle Hélène Gagné. Il faut donc discuter de tous ces aspects avec le client.
«Dans le cas où l’état de santé d’une personne pose un risque, je ne recommande pas de reporter les rentes, ajoute-t-elle. Par contre, si une personne travaille encore à 65 ans et qu’elle risque de perdre sa PSV, c’est une autre histoire. Si on est en bonne santé et que notre espérance de vie est élevée, on voudra profiter de ces bonifications qu’on pourra difficilement générer avec notre REER. Chaque cas est unique.»
Daniel Laverdière, directeur principal, planification financière et services-conseils, de Banque Nationale Gestion privée 1859, juge lui aussi que «l’idée de différer une rente à partir de 80 ans, par exemple, est pertinente». Le client s’assure ainsi d’avoir des revenus à une date ultérieure, au moment où son plan financier pourrait connaître des ratés.
Et comme le souligne l’expert dans le numéro de mai du magazine La Cible, de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), seulement 10 % de la population en général décède entre 60 et 70 ans. En attendant après 70 ans pour prendre une rente viagère, le client évite de payer des frais administratifs à l’assureur, puisque ce dernier sait qu’il est peu probable que le client décède avant cet âge, explique Daniel Laverdière.
Ainsi, ceux qui meurent tôt et qui ont choisi d’acheter une rente à un plus jeune âge contribueront à financer ceux qui vivent longtemps.
Préfinancer la rente
Afin d’éviter des frais inutiles, le conseiller peut préfinancer la rente de son client en mettant de côté une partie de son actif. Il se renseignera également auprès de différents assureurs sur le coût d’une rente viagère à cet âge.
«Prenons l’exemple d’un client de 65 ans qui souhaite avoir une rente de 10 000 $ par an à 80 ans. Si un assureur lui dit que cela lui coûtera 150 000 $ à 80 ans, je voudrai calculer combien d’argent de son REER il devra mettre de côté pour acheter cette rente à 80 ans. Supposons que ce client ait un REER de 500 000 $ ; on peut décider de consacrer 90 000 $ de ce montant aujourd’hui aux fins de l’achat de cette rente à 80 ans. On voudra donc investir cette somme de façon plus prudente, afin de s’assurer qu’on atteindra l’objectif souhaité. Et on réajustera le montant consacré selon les conditions de marché», explique Daniel Laverdière.
Une telle stratégie offre plus de flexibilité au client, puisque s’il reçoit un diagnostic de cancer à 78 ans ou qu’il touche un héritage imprévu, il ne voudra sûrement pas acheter la rente en question.
Les avantages d’une rente viagère
Pour l’investisseur qui a un profil prudent, le coût d’une rente viagère ou différée n’est peut-être pas si élevé si cette partie du portefeuille est déjà investie dans des certificats de placement garanti, par exemple, souligne Nathalie Bachand, planificatrice financière et présidente de Question Retraite.
«Acheter une rente, c’est un peu comme acheter un régime de pension à prestations déterminées», dit-elle.
Le client doit éviter cependant de placer une trop grande part de son actif sous forme de rentes puisque les avoirs seront alors gelés.
«J’ai un client qui a investi 1 M$ dans une rente viagère, soit le quart de son actif. La sécurité de ses placements était importante pour lui. Cela peut être une bonne chose si ça lui permet de dormir sur ses deux oreilles, car il sait qu’un chèque sera déposé périodiquement jusqu’à la fin de ses jours», précise Nathalie Bachand.
Pour avoir une idée du prix des rentes viagères individuelles, Hélène Gagné consulte parfois des sites comme celui de Morningstar. Elle cite l’exemple d’une rente d’un montant de 100 000 $ pour un homme de 75 ans avec une garantie de 10 ans qui permet de générer 7 851 $ par an à vie (entrevue menée en mai 2016).
«C’est tout de même une voie intéressante lorsqu’on considère que la solution de rechange, c’est du revenu fixe à des taux très bas. Mais on voudra éviter les produits complexes dont les frais sous-jacents peuvent être élevés. Par contre, l’option d’une rente réversible au conjoint en cas de décès est intéressante», précise-t-elle.
«À 71 ans, lorsque le client doit convertir son REER en FERR [fonds enregistré de revenu de retraite], il a aussi la possibilité de prendre une rente viagère. Même si on choisit alors le FERR, on pourra toujours se tourner vers la rente viagère ensuite», ajoute Hélène Gagné. Les paiements de la rente seront évidemment imposables.
En stabilisant une partie des revenus de retraite avec une rente viagère, le client peut ainsi augmenter la répartition d’actif en actions, ce qui n’aurait pas été le cas autrement. «On peut penser à la rente viagère comme à un portefeuille d’obligations important», remarque Hélène Gagné.
Et les bas taux ?
Par ailleurs, le fait que les taux d’intérêt sont bas ne devrait pas dissuader les investisseurs d’acheter une rente viagère, croit Daniel Laverdière.
«Dans les faits, si un investisseur au profil conservateur attendait une remontée des taux, sa situation ne serait guère meilleure, car la valeur du portefeuille de titres à revenu fixe utilisé pour payer la prime chuterait. Avec moins d’actif pour acheter une rente à meilleur taux, on fait un peu de surplace», explique Daniel Laverdière dans le magazine La Cible.
«Une autre possibilité est d’investir, entre-temps, dans le marché monétaire, mais la perte de rendement peut être appréciable si la remontée des taux tarde à venir», ajoute-t-il.
L’expert de Banque Nationale Gestion privée 1859 rappelle que même si les taux d’intérêt sont bas et les primes élevées, personne ne se prive d’acheter une assurance vie pour couvrir le risque de décès. La décision de se procurer une rente devrait être prise dans un esprit de gestion du risque de longévité, dit-il.